La crise alimentaire en Haïti nécessite des solutions à long terme

Imaginez que vous avez faim mais que vous êtes trop effrayé pour sortir de chez vous pour acheter de la nourriture. Et même si vous vous aventurez dans un magasin, vous pourriez trouver des étagères vides car les agriculteurs et les fournisseurs de produits alimentaires n'osent pas les approvisionner.

C’est l’horreur quotidienne à laquelle de nombreux Haïtiens sont confrontés alors que des gangs armés ravagent les villes et les campagnes. Cinq millions d'Haïtiens, soit près de la moitié de la population, souffrent de faim et des milliers de personnes sont menacées par la famine.

Des actions urgentes sont nécessaires pour prévenir la malnutrition et la famine, et des solutions à long terme doivent être mises en place pour qu’un jour Haïti puisse subvenir à ses propres besoins alimentaires.

Il est difficile d’aider Haïti à sortir de cette situation, sachant que les perspectives économiques pour cette île des Caraïbes sont très sombres. Etant l’un des pays les plus pauvres au monde, Haïti est à sa sixième année de récession économique, avec une contraction de près de 2 % prévue pour 2024. Son économie affaiblie est perturbée par plus de 700 000 citoyens déplacés de chez eux en raison de la violence. D'autres perturbations se profilent avec des centaines de milliers de migrants en provenance de la République dominicaine, qui sont désormais expulsés vers Haïti.

Les chaînes d'approvisionnement brisées entraînent une inflation élevée, impactant le prix du carburant et d'autres produits essentiels. Cela rend la nourriture de plus en plus inaccessible pour de nombreuses familles. Les dépenses alimentaires représentent jusqu'à 70 % des dépenses totales des ménages.

Les dangers auxquels est confrontée la population haïtienne nécessitent des mesures ciblées, notamment en faveur des enfants vulnérables. Le Gouvernement haïtien, le Programme alimentaire mondial, des ONG locales et la Banque mondiale travaillent ensemble pour fournir des transferts monétaires et supporter des programmes de cantine scolaire. Aujourd'hui, 22 000 ménages très vulnérables reçoivent des transferts monétaires mensuels pour subvenir à leurs besoins essentiels, accompagnés de mesures de sensibilisation en changement de comportement, axées sur une bonne nutrition et une bonne hygiène. Deux programmes d’alimentation scolaire offrent un repas chaud quotidien à près de 170 000 enfants, soit plus de 10 millions de repas par an.

Rose Anna Amazan, directrice de l'Ecole Nationale de Mersan, affirme que nourrir les élèves a un impact significatif : « Nourrir les élèves fait une grande différence, nous avons constaté des améliorations importantes dans leurs résultats d'apprentissage. »

Haïti doit être en mesure de se nourrir 

Les programmes de transferts monétaires et de repas scolaires peuvent sauver des vies et empêcher les enfants de souffrir de faim. Cependant, ils ne constituent pas une solution durable à la crise alimentaire du pays. Haïti doit être en mesure de se nourrir ! Autrement, sa population continuera à courir le risque de souffrir de malnutrition et de famine.

Accroître l'offre alimentaire locale n'est pas chose facile. Parallèlement aux troubles politiques et sécuritaires actuels, la productivité agricole est affectée par le changement climatique, les catastrophes naturelles, une gestion des terres inadéquate, des pratiques agricoles démodées et des décennies de sous-investissement de la part des secteurs privé et public.

Cependant, les retombées de l’amélioration de l’agriculture haïtienne pourraient être énormes. Aujourd'hui, ce secteur contribue à près d'un quart du PIB et représente environ la moitié de l'emploi dans le pays.

L'importance de l'agriculture en Haïti se reflète dans les efforts soutenus par le gouvernement, les ONG, les banques de développement et les donateurs. Les initiatives se concentrent sur l’amélioration de la rentabilité de l’agriculture afin que les agriculteurs puissent subvenir aux besoins de leur propre famille et accroître la productivité pour nourrir la population haïtienne. Ces investissements mettent l'accent sur l'inclusion des femmes, la formation en nouvelles techniques, le renforcement des marchés agricoles, et la résilience de l’agriculture face aux catastrophes et au changement climatique.

En soutenant les petits agriculteurs, ces programmes visent à proposer des solutions à long terme qui s'attaquent aux causes profondes de l'insécurité alimentaire. S'ils réussissent, ils pourraient ouvrir la voie à un avenir plus sûr en matière d'alimentation en Haïti.

Bien que ces projets montrent des résultats, il est important de rester réaliste quant aux réalisations actuelles. L'avenir du pays dépend de l’amélioration de la sécurité et de la stabilité politique.

Nous espérons que la situation sécuritaire s’améliorera, permettant une croissance économique et des créations d’emplois. En attendant, nous pouvons atténuer la crise actuelle grâce aux transferts monétaires et aux programmes d’alimentation scolaire. Nous pouvons jeter les bases d’un secteur alimentaire plus productif et plus résilient grâce à des investissements visant à accroître la productivité et la production alimentaire. La Banque mondiale reste un partenaire engagé aux côtés du peuple haïtien et continuera de travailler pour garantir un avenir meilleur à tous les Haïtiens.