La justice en Haïti fait face à de nombreux défis. Comme dans d’autres pays, elle est souvent marquée par la politisation de ses postes, l’irrespect des droits fondamentaux et l’impunité . Son fonctionnement est perçu par certains acteurs, comme étant influencé par la corruption. Il arrive par exemple que certains responsables de l'administration de la justice profitent des faiblesses institutionnelles pour faire des services publiques leurs fonds de commerce, des pratiques qui tendent à aggraver la mauvaise situation économique des citoyens. La pratique devenue notoire de détention préventive prolongée est une des illustrations les plus symptomatiques des défis qu’elle doit relever. Pour preuve, selon les dernières statistiques disponibles publiées dans le quotidien haïtien Le Nouvelliste du 16 Avril 2019, 85 % des prisonniers dans les prisons civiles haïtiennes sont en détention préventives prolongées.
En plus, le pouvoir judiciaire haïtien est dépourvu de techniques et d’outils modernes qui lui permettraient d’aborder et de faire face à ces défis et de traiter plus rapidement des dossiers qui lui sont soumis. De surcroit les tribunaux sont très souvent encombrés, des copies de procédure, d’enquête tardent à être délivrées et les actes de jugement peinent à être signifiés.
Ces situations résultent en une perte de confiance généralisée dans les institutions publiques, à preuve selon les derniers chiffres publiés dans le journal en ligne Loop Haiti en date du 26 avril 2018, 76.37 % des citoyens n’ont aucune confiance en la justice.
Motivé , par la nécessité impérative pour la justice de fonctionner selon les principes de l’État de droit, de garantir les droits fondamentaux et de se doter de techniques et d’outils modernes afin d'offrir un meilleur accès aux services judiciaires; notamment le thème de la Semaine du Droit, de la Justice et du Développement cette année "En quoi les nouvelles technologies peuvent-elles contribuer à une réforme du système judiciaire Haïtien, voire à d’autres pays dans des situations similaires?"
- Une application éducative pour les officiers de la justice
À travers laquelle, on enseignera/ rappellera à partir de scenarios concrets, les ABC de la procédure judiciaire, ainsi que des questions plus techniques, en mettant l’accent sur les liens entre ces principes avec les droits fondamentaux et les conséquences du respect et du non-respect de ces derniers sur la vie des individus.
Elle servira de plus à l’évaluation périodique de l’assimilation de ces principes, et des comportements des officiers de la justice le cas échéant. Elle permettra également à ces derniers de recevoir des notifications de nouvelles lois.
- Une plateforme en créole haïtien, qui pourrait avoir sa version mobile (Android & Apple) avec les objectifs suivants:
- Divulguer à la population haïtienne les fondamentaux des droits des justiciables et de la procédure en justice.
- Permettre aux justiciables d’avoir accès aux services de base de la justice, comme prendre un rendez-vous, recevoir la notification des décisions judiciaires les concernant, alerter sur des cas d’erreur ou d’abus et l’accès à un service rapide de questions/réponses.
On pourra également, au-delà des questions purement judiciaires, insérer sur la plateforme des questions d’enquêtes, afin de recueillir des données sur la situation économique des justiciables plus généralement.
Le contenu de ces applications sera à l’initiative d’une collaboration inter-organisationnelle qui inclura des agences du gouvernement et des représentants de la société civile.
Je tiens particulièrement à préciser que:
- Ces propositions s’inscrivent dans le cadre général des objectifs de l'Administration haïtienne , y compris les dispositions légales suivantes :
- Le décret du 29 Janvier 2016 reconnaissant le droit de tout administré de s’adresser à l’Administration publique par des moyens électroniques.
- La loi du 26 octobre 2018 sur l’assistance juridique.
- Le décret du 17 mai 2005 sur l'administration centrale de l'État consacrant la participation citoyenne comme l'un des principes fondamentaux de la gestion de la chose publique.
- Le principe d'adaptation qui fait injonction aux pouvoirs publics d'adapter leurs moyens d'actions aux réalités et besoins sociaux.
- Bien qu’il y’ait des efforts à faire en matière de législation, ce ne sont pas les règles qui manquent en Haïti. Nous sommes membre de beaucoup d'organisations telles que L'ONU et L'OEA. Nous sommes signataire de la plupart des conventions et règlements internationaux sur les droits de la personne et de l'accès à la justice. Ce qui manque, en revanche, c'est une connaissance et mise en œuvre de ces principes à travers le pays.
Ce à quoi nous visons, c’est-à-dire : aider les responsable de la justice d’avoir un meilleur contrôle du système judiciaire, renforcer la connaissance des normes de justice des protagonistes afin de permettre une plus grande application de ces derniers, les sensibiliser sur leurs conséquences sur la vie des citoyens ; Permettre, particulièrement aux citoyens faisant partie des groupes les plus vulnérables, d'avoir une meilleure connaissance des fondamentaux du droit, et de leurs droits fondamentaux. Et ainsi contribuer à la réduction des détentions préventives prolongées illégalement.
En outre, ces initiatives seront instigatrices de création de nouveaux emplois dans la justice et la permettra de disposer des ressources nécessaires pour être plus à l’écoute des citoyens.
En conclusion, j’invite les acteurs concernés à soutenir l'incorporation de ces initiatives dans l'administration de la justice en Haïti.
En effet votre soutien contribuera non seulement à offrir un meilleur accès à la justice au peuple haïtien et à l'établissement de l’État de droit, mais également au renforcement des capacités des groupes vulnérables, à la réduction de la pauvreté, au renforcement de la participation citoyenne, ce qui ne peut être que bénéfique à la démocratie et favoriser la prospérité en Haïti.
Cet article représente l'une des nombreuses propositions ayant obtenu un prix lors du Concours de Solutions de Développement Ouvert aux Étudiants des Facultés de Droit organise pendant la Semaine du Droit, de la Justice et du Développement 2019. Ce concours a récompensé de jeunes étudiants en droit pour leurs propositions de solutions juridiques novatrices applicables aux enjeux du développement. Les deux premiers lauréats, Rachel Mwendwa et Jameson Pierre-Louis, ont été invités à présenter leurs propositions au public de la Semaine LJD 2019. M. Jameson Pierre-Louis n'ayant pas été en mesure de voyager, le lauréat du troisième prix, Victor Cabezas, a été invité à présenter sa proposition lors de la Semaine LJD 2019; voir leurs présentations ici.
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