Publié sur Nasikiliza

Afrique : renforcer le niveau de l’enseignement des sciences et de la technologie grâce au benchmarking

Cette page en:

 Ekua Bentil

Pour les économies africaines qui veulent consolider leur capital humain, mesurer la performance de leurs établissements d’enseignement scientifique, technologique et d’ingénierie est devenu une priorité.

L’analyse comparative — ou benchmarking — qui consiste à pratiquer périodiquement des autoévaluations en fonction d’un ensemble d’indicateurs clés, fait partie des approches éprouvées à l’échelon international pour améliorer la qualité de la recherche scientifique et du transfert de connaissances dans les universités. Contrairement aux classements des universités, il s’agit d’une démarche volontaire entreprise de leur propre chef par les établissements ou les systèmes nationaux.
 
Les 9 et 10 novembre dernier, le Partenariat pour le développement des compétences en sciences appliquées, ingénierie et technologies (PASET) en Afrique a lancé une nouvelle initiative d’étalonnage comparatif des universités de la région, en collaboration avec l’Association des universités africaines, lors d’un colloque réunissant plus de 100 participants. Cette initiative intéressante entend accélérer le développement socioéconomique du continent en renforçant ses établissements de sciences appliquées, ingénierie et technologie.
 
Pendant ce colloque organisé à Accra, au Ghana, le principe du benchmarking a reçu le soutien de participants venus de tout le continent, dont un certain nombre d’établissements d’enseignement supérieur, des agences en charge de l’assurance qualité et de l’accréditation mais également des organisations internationales, régionales et infrarégionales comme la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest, l’Association des universités du Commonwealth, l’Union économique et monétaire ouest-africaine ou encore l’Agence universitaire de la francophonie. Plus de 40 universités de 14 pays africains, parmi lesquelles les institutions associées au projet de centres d’excellence africains (ACE 1), ont souhaité participer à l’initiative.
 
La première étape est désormais achevée, avec la réception des commentaires critiques de tous les participants au colloque sur une proposition de méthodologie élaborée par l’université Jiao-tong de Shanghai, en Chine — un centre d’expertise réputé pour son classement des universités mondiales. Le PASET, qui analyse ces éléments en vue de peaufiner sa méthodologie d’étalonnage avec le soutien d’experts internationaux, lancera un projet pilote ce mois-ci. L’université Jiao-tong assurera le renforcement des compétences et l’expertise technique pour ce projet qui prendra fin en janvier 2016, date à laquelle d’autres établissements seront invités à tester le dispositif.

Trois grands indicateurs ont été approuvés par les établissements participants pour assurer un suivi de leurs résultats d’apprentissage :

  1. la part de diplômés décrochant un emploi dans les six mois suivant l’obtention de leur diplôme ;
  2. la part de diplômés obtenant leur agrément professionnel dans les deux ans suivant l’obtention de leur diplôme ;
  3. la part des diplômés montant leur entreprise/s’installant à leur compte dans les deux ans suivant l’obtention de leur diplôme.
D’autres indicateurs seront inclus, pour évaluer les politiques et les aménagements prévus pour les étudiants présentant un handicap physique et ceux originaires de milieux modestes. D’autres encore permettront par exemple de jauger la pertinence de l’établissement, son rayonnement international, ses résultats de recherche et son système de gouvernance.

Pour Baguma Abdallah, directeur par intérim de la qualité académique au Conseil de l’enseignement supérieur (HEC) du Rwanda, le lancement de cette analyse comparative « est passionnant et vient compléter d’autres initiatives d’optimisation de la qualité et du suivi » engagées au plan national et régional.
 
« Cela m’a permis de mieux comprendre l’intérêt du benchmarking pour comparer les universités d’un pays entre elles et avec celles d’autres pays de même niveau de développement », souligne M. Abdallah
 
Pour lui, cette initiative s’inscrit bien dans le mandat du HEC, qui doit garantir que les établissements d’enseignement supérieur du Rwanda délivrent une éducation de qualité conforme aux besoins du pays et aux évolutions globales de l’enseignement supérieur. Elle viendra par ailleurs compléter les autoévaluations que pratiquent déjà les établissements éducatifs rwandais.
 
Jamil Salmi, expert international de l’enseignement supérieur qui a présidé aux délibérations sur la méthodologie, estime que ce colloque a permis aux participants d’influer sur le choix des indicateurs et de favoriser une appropriation de cette technique parmi les universités africaines. 
 
« Associé à la planification stratégique, le benchmarking est un outil puissant pour guider les efforts des universités, partout dans le monde, en vue d’améliorer rapidement la qualité et la pertinence de leurs programmes », explique-t-il.
 
Ying Cheng, directeur exécutif du centre pour les universités de niveau mondial de l’université Jiao-tong, évoque l’expérience de la Chine, rappelant que l’analyse comparative a permis aux universités du pays de faire des progrès remarquables.
 
« Grâce au benchmarking, les universités chinoises ont pu identifier leurs nombreuses failles, y compris sur le plan de la qualité du corps enseignant, de l’ampleur et de la qualité des recherches et des ressources. Après deux décennies d’efforts, elles sont parvenues à améliorer nettement bon nombre d’indicateurs et leur place dans les classements mondiaux s’est elle aussi redressée. »
 
Pour Peter Materu, chef de service au pôle mondial d’expertise en éducation pour l’Afrique centrale et de l’Ouest de la Banque mondiale, l’analyse comparative en tant qu’approche du contrôle qualité intéresse davantage les acteurs africains que les classements.
 
« Les établissements africains voient dans le benchmarking un moyen d’instiller une culture de l’amélioration du suivi de l’enseignement supérieur » explique M. Materu, par ailleurs ancien doyen de l’Institut d’ingénierie et de technologie de l’université de Dar-es-Salaam, en Tanzanie. « C’est également une façon de préparer les universités africaines à passer à la vitesse supérieure pour le jour où elles voudront figurer dans les classements internationaux. »
 
Au-delà de l’amélioration de la qualité des établissements d’enseignement supérieur, l’analyse comparative permet d’amener progressivement la région à collecter et gérer les données et à élaborer des politiques consolidées.

Pour plus d'information sur l'initiative d’étalonnage comparatif, contactez Ekua Nuama Bentil.

Auteurs

Ekua Nuama Bentil

Spécialiste senior en éducation, Banque mondiale

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000