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Créer des ponts et améliorer l'accès des agriculteurs aux innovations, aux terres et aux marchés dans les zones rurales de Madagascar

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Créer des ponts et améliorer l'accès des agriculteurs aux innovations, aux terres et aux marchés dans les zones rurales de Madagascar Pont de Nosibe récemment reconstruit à Ivoloina, à l'est de Madagascar. Photo: Liantsoa Andrianonimalala / CASEF

« Comment puis-je produire plus ? Comment puis-je vendre plus de ce que je produis ? Pourquoi investir dans mes terres si je ne suis pas sûr qu’elles m’appartiennent vraiment ? » Ces questions taraudent nombre d’agriculteurs malgaches isolés, ayant peu d’accès aux marchés et ne possédant pas de propriété formelle de leurs terres. Depuis sept ans, le Projet de croissance agricole et de sécurité foncière (CASEF) est venu en aide en fournissant trois services essentiels aux communautés rurales: des innovations qui stimulent leurs revenus, une sécurité foncière abordable et de meilleures routes vers les marchés.

Reconnecter les communautés rurales aux marchés

Enjambant le bassin supérieur de la rivière Ivoloina à environ 35 kilomètres au nord-ouest de la ville portuaire de Toamasina à Madagascar, le pont de Nosibe a longtemps servi de bouée de sauvetage essentielle vers des marchés d'exportation lucratifs pour des milliers de producteurs de cultures commerciales dont les produits comprenaient des clous de girofle, du café, du poivre, de la cannelle, des litchis, de la vanille et autres.

Le 7 mars 2004, le cyclone Gafilo a frappé la côte orientale du pays avec des vents violents et des pluies torrentielles. Des inondations massives s'en sont suivies, endommageant gravement le pont et isolant les communautés de la région Atsinanana. Ce sont les agriculteurs de l'autre côté de la rivière qui ont le plus souffert. Ils se sont tournés vers les « zahatra » – des pirogues traditionnelles en bambou – et des barges de fortune pour transborder leurs produits de l'autre côté de la rivière. Inévitablement, les volumes commercialisés se sont effondrés, tout comme les revenus des agriculteurs.

La situation s'est améliorée en 2024, lorsque le gouvernement de Madagascar a inauguré un nouveau pont en remplacement de l'ancien. Complément de la route rurale de 13 kilomètres de long récemment réhabilitée, le pont s'étend désormais sur 115 mètres au-dessus du bassin fluvial et relie sept communes de l'intérieur des terres et des milliers de communautés agricoles à Toamasina et aux marchés au-delà. « Hier, mon taxi-brousse jusqu'à Toamasina m'a pris moins de trois heures », s'est exclamée Juliette Razafindratiana, une agricultrice locale, lorsque nous lui avons demandé ce qu'elle pensait du nouveau pont. Avant que le nouveau pont ne soit achevé, le même voyage vers la ville portuaire voisine prenait une journée complète, voire plus, selon la saison, le débit de la rivière et d'autres facteurs.

La reconstruction du pont de Nosibe a été financée par le projet CASEF, un projet du gouvernement de Madagascar qui bénéficie de l'appui de la Banque mondiale. Lancé en 2016, le CASEF a financé la réparation et la reconstruction de trois ponts et la réhabilitation de près de 100 kilomètres de routes rurales le long de la côte est de l'île et dans les hauts plateaux du centre.

Bien que Madagascar soit plus grand que la France, sa densité routière est parmi les plus faibles au monde, à 6,4 km pour 100 km2 de terre en 2011 (contre 191,6 pour 100km2 en France). Seuls 6 000 kilomètres de routes sont goudronnés sur un total de 32 000. L'indice d'accès rural, qui mesure la part de la population rurale vivant à moins de deux kilomètres d'une route praticable en toute saison, s'élève à 11 %, là encore parmi les plus bas au monde. Ce manque d'infrastructures empêche de nombreuses communautés agricoles rurales isolées d'accéder aux intrants et aux services agricoles et d'acheminer leurs produits vers les marchés.

Le mauvais état des routes est une des causes du déclin de la productivité rurale, fragilisent les revenus des agriculteurs et contribuent à la pauvreté rurale, selon la dernière évaluation de la pauvreté menée par la Banque mondiale. L'amélioration de l'infrastructure est essentielle pour aider les communautés rurales à accéder aux services d'intrants et aux marchés. De meilleures routes leur permettent également de vendre leurs produits plus facilement et à un meilleur prix, ce qui augmente leurs revenus et leur rentabilité.

Il suffit de demander à Rahim Yaly Mohamed, maire de la commune d'Ambodiriana, où le pont nouvellement construit s'élève au-dessus de la vallée de la rivière. « De nombreux investisseurs locaux viennent maintenant dans notre village pour développer des entreprises, et le prix des produits de base baisse en raison des coûts de transport moins élevés », explique-t-il.

Garantir des droits fonciers abordables pour tous

Pour stimuler la croissance rurale, il ne suffit pas de construire de meilleures routes. L'absence de sécurisation foncière à Madagascar pèse lourdement sur les communautés rurales en freinant leur motivation à investir, que ce soit dans l'amélioration des terres, l'intensification de l'agriculture ou d'autres activités non agricoles.

Depuis 2016, le projet CASEF soutient également la réforme foncière pionnière du gouvernement malgache. Cette réforme vise à rendre la propriété foncière plus accessible, en particulier pour les ménages ruraux. Les terres aménagées par les agriculteurs peuvent désormais être enregistrées rapidement et à moindre coût via un nouveau document officiel, le certificat foncier, qui n'est pas délivré par l'État central, mais par de nouveaux bureaux fonciers au niveau communal. À ce jour, 1 050 000 certificats fonciers ont été délivrés à 400 000 ménages, et 300 000 autres sont en cours d'examen. D'ici juin 2024, le projet vise à sécuriser un total de 1,39 million de parcelles, ce qui permettra à quelque 513 000 ménages d'en bénéficier. La réforme pionnière de Madagascar a inspiré d'autres pays africains, avec des délégations d'aussi loin que le Burundi et le Sénégal qui sont venues apprendre de l'expérience de Madagascar.

Initier des innovations qui stimulent le rendement et les revenus

En plus d'améliorer l'accès aux marchés et de sécuriser le régime foncier, le projet CASEF a également aidé les agriculteurs à générer des revenus plus élevés, en proposant des innovations qui stimulent la productivité et les revenus, telles que des variétés de semences, des outils, des équipements et des pratiques de transformation améliorés. Le projet a aussi soutenu le développement de moyens de subsistance plus diversifiés et plus résilients en encourageant la plantation extensive d'arbres et l'amélioration de l'élevage pour des écosystèmes plus sains et plus durables.

The World Bank

Un agriculteur local transportant ses branches de cannelle à Ivoloina. Photo : World Bank

 

Depuis 2016, par exemple, les communautés ont planté quelque 2,9 millions de canneliers. D'ici 2025, ces nouvelles plantations devraient augmenter la production nationale de cannelle de Madagascar de plus de 10 %.

Dans les districts de Mahanoro, Brickaville et Soanierana Ivongo, le projet CASEF a formé sept associations d'agriculteurs aux techniques améliorées de culture, de distillation et de séchage de la cannelle. Huit séchoirs traditionnels et trois séchoirs solaires de grande capacité ont été installés dans les trois districts. En outre, deux alambics pour la production d'huile essentielle d'écorce de cannelle génèrent de nouvelles sources de revenus pour les communautés agricoles des districts d'Ampasimbe, de Manatsatrana et de Mahanoro.

« L'équipement et la formation fournis par le projet CASEF nous ont permis d'améliorer la qualité de nos produits à base de cannelle », se réjouit Monica, une jeune entrepreneuse et agricultrice du district de Brickaville. « Avant, nous vendions une tonne d'écorce de cannelle non grattée pour 5 millions d'ariary (1 099 dollars). Aujourd'hui, nous vendons des bâtons de cannelle de la même quantité pour 20 millions d'ariary (4 397 dollars). Nos produits sont désormais également certifiés Bio, ce qui nous permet de les vendre sur des marchés d'exportation de niche en Europe et aux États-Unis. »

Pour stimuler durablement la croissance rurale, l'approche intégrée du projet CASEF s'est concentrée sur l'amélioration de l'accès des agriculteurs à trois éléments fondamentaux : les innovations, les terres et les marchés. Des produits à valeur ajoutée de plus en plus nombreux et de meilleure qualité ont permis aux agriculteurs d'augmenter leurs revenus. Des terres plus sûres encouragent une meilleure gestion des terres et des investissements de la part des agriculteurs. Une meilleure connectivité signifie des marchés plus accessibles, plus de visibilité et de résilience, et des revenus plus élevés pour les agriculteurs.

Dans un pays où plus de 80 % de la population dépend de l'agriculture, le projet CASEF comble le fossé et connecte les communautés rurales à un avenir plus rentable, plus sûr et plus durable.


Shobha Shetty

Chef de service au sein du Pôle d'expertise en agriculture de la Banque mondiale

Catalina Marulanda

Practice Manager, Urban Development, South Asia

André Teyssier

Sr Land Administration Specialist

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