Publié sur Nasikiliza

Dans les zones rurales de Guinée, l’engagement citoyen permet d’obtenir des changements concrets

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Un membre du Conseil communal de  Molota partage son experience sur un projet pilote de budget participatif​. Photo : PACV3


En visite dans la commune rurale de Molota, à environ 115 kilomètres au nord-est de Conakry, la capitale guinéenne, nous avons rencontré les membres du conseil communal qui nous ont fait part de leur heureuse surprise : en moins d’une semaine, grâce à un exercice de budgétisation participative, ils ont pu réunir près de 1,6 million de francs guinéens en sollicitant les habitants. Ce succès, encore modeste (la somme représentant 160 dollars), est le signe d’un changement tangible extrêmement positif quand l’on sait que, l’an dernier, la commune n’avait pas collecté le moindre centime auprès de la population.

Pour cet exercice de budgétisation participative menée dans le cadre du troisième Programme d’appui aux communautés villageoises (PACV3), chacun des 10 districts de la commune de Molota a organisé des réunions sur les initiatives de développement à engager au niveau local. Ensuite, leurs représentants ont mis en commun ces idées et décidé par vote des priorités de la commune. Puis ils sont retournés voir leurs administrés pour leur expliquer le processus et les résultats des discussions.
[Photo of Molota]
 
« Aujourd’hui, nous comprenons mieux l’usage que le conseil fait du budget », souligne le représentant d’un des districts. « Nous avons identifié les projets voulus par la population mais nous avons aussi compris que le conseil n’avait pas assez d’argent. Alors, nous avons décidé de mettre la main à la poche. »
 
Une participation au-delà des microprojets
 
Le Programme d’appui aux communautés villageoises est mis en œuvre en Guinée depuis 2000 par le ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation avec le soutien de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement. L’approche de développement piloté par les communautés a fait la preuve de son efficacité puisqu’au moment du lancement de la troisième phase, en 2016, près de 1 500 microprojets avaient vu le jour dans les zones rurales de Guinée, pour créer des écoles ou des dispensaires et ouvrir des marchés par exemple.

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Ce dispensaire local a été construit par la communauté locale, avec le soutien du PACV3A. Photo : World Bank


Ces microprojets, sélectionnés et gérés collectivement par les communautés, sont par ailleurs calés sur les programmes d’investissement annuels des communes, décidés à la suite d’un processus participatif ascendant soutenu par le PACV. Aujourd’hui, ces processus intégrés dans les 304 communes rurales du pays se transforment en un partenariat évolutif avec les autorités nationales et locales.
 
Encore relativement restreintes, les petites activités pilotes produisent, comme à Molota, des résultats tangibles au-delà des étapes de la planification et du microprojet lui-même, en suscitant le partage d’informations, une participation active et les contributions financières des populations locales. À Sangarédi, dans l’ouest de la Guinée, les sommes recueillies auprès des habitants ont ainsi fortement augmenté après un exercice de budgétisation participative, passant de 300 000 à 3 millions de francs guinéens.
 
À travers ces activités, les citoyens réalisent qu’ils font partie d’une gouvernance locale de qualité et qu’ils peuvent contribuer de manière positive et concrète à la vie de la collectivité. Les autorités locales découvrent qu’en partageant les informations et en mobilisant la population locale, elles peuvent augmenter leurs ressources financières et inciter davantage les habitants à participer au processus de gouvernance. Cela permet aussi de renforcer leur sentiment d’appropriation et de responsabilité.
 
Une évaluation collective pour des services locaux de meilleure qualité
 
Autre outil pilote testé actuellement par le programme en Guinée, le suivi et l’évaluation participatifs. Il s’agit de permettre aux parties prenantes locales de discuter, dans des groupes de réflexion, de la qualité de certains services publics assurés par la commune pour, ensuite, organiser une concertation d’ensemble et définir un plan d’action.
 
Ainsi, lorsque les habitants de Damankania, une commune proche de Molota, ont décidé d’examiner les services proposés par le dispensaire local, chaque groupe de parties prenantes (prestataires de services, membres de la société civile, comité local pour la santé, habitants et membres du conseil communal) a organisé un groupe de réflexion pour que les différentes opinions puissent s’exprimer.
 
Les discussions collectives organisées ensuite ont permis de conclure que, malgré une qualité de services globalement satisfaisante, les membres du comité pour la santé n’avaient pas toutes les compétences requises et que les infrastructures n’étaient plus adaptées. La commune a pu alors concevoir un plan d’action prévoyant, entre autres, un programme de formation pour le comité — et négocier avec les autorités préfectorales l’obtention d’un financement supplémentaire afin de moderniser le site.
 

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Ce prestataire de services à Damankania partage son expérience sur le projet pilote de suivi et d’évaluation citoyenne. Photo : PACV3


Tous ces outils peuvent être affinés et améliorés pour tisser des liens plus étroits avec les préfectures et susciter des réactions concrètes, mais également pour renforcer les capacités locales et inciter la population à se mobiliser, au lieu d’attendre une aide extérieure.
 
Prochaines étapes
 
Dans sa phase de consolidation, le programme PACV3 cherche à institutionnaliser les acquis en contribuant activement aux efforts du gouvernement pour créer le Fonds national de développement local (FNDL), chargé de financer les projets locaux de développement, ainsi que l’Agence nationale de financement des collectivités locales, qui administrera le FNDL. Dans ce contexte, les activités pilotes d’engagement citoyen peuvent jouer un rôle décisif pour promouvoir et perpétuer une gouvernance locale de qualité.
 
Aujourd’hui, 35 communes rurales de Guinée organisent chaque trimestre des activités de budgétisation et de suivi-évaluation participatifs, sachant qu’en 2020, l’ensemble des communes rurales du pays devraient s’être converties à cette approche.


Auteurs

Kaori Oshima

Senior Social Development Specialist

Nicolas Perrin

Practice Manager for Social Sustainability and Inclusion Global Practice in the West Africa Region at the World Bank

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