Avec le changement climatique, il est facile de se faire peur, et malheureusement à raison. En Côte d’Ivoire, même s’ils ne peuvent prévoir l’avenir avec certitude, les experts s’accordent sur le fait qu’il fera plus chaud, que les pluies seront plus aléatoires mais plus violentes, avec de nombreuses terres englouties par l’océan qui ne cesse de gagner du terrain. Les détracteurs, les adeptes du « après moi, le déluge », ou simplement ceux qui n’ont guère le choix que de vivre dans le présent, prônent généralement pour l’attente ou au mieux pour une action décalée dans le temps.
Pourtant, pour que demain existe encore, je ne suis pas sûr que la Côte d’Ivoire puisse se permettre d’attendre encore longtemps. La Banque mondiale estime que le pays a déjà perdu plus du quart de ses richesses naturelles au cours des 25 dernières années. Si ce chiffre peut surprendre de prime abord, il suffit de se rappeler que le taux de déforestation y est l’un des plus élevés au monde (80 % des forêts ont disparu depuis 1970) et que de nombreux villages sont déjà engloutis sous les flots, alors que les habitants de Bouaké - la deuxième ville du pays - n’ont presque plus d’eau depuis quelques mois.
Bien sûr, il existe plusieurs causes derrière ce triste constat : certaines naturelles, d’autres humaines. Mais aujourd’hui, il ne fait guère de doutes que le changement climatique est l’un des facteurs les plus importants.
Le 7eRapport sur la situation économique de la Côte d’Ivoire, que nous venons de publier, plaide donc pour une prise d’action urgente et collective. Urgente car si la plupart des effets du changement climatique se feront sentir dans le long terme, les décisions doivent se prendre dans l’immédiat pour les atténuer. Le secteur du cacao, qui nourrit aujourd’hui plus de 5 millions d’Ivoiriens et qui représente près de 40 % des recettes d’exportation du pays, est menacé par le réchauffement et les précipitations de plus en plus irrégulières qui risquent d’assécher la terre et de la rendre moins fertile. Parce que les actions à envisager ne sont pas simples - comme le possible déplacement des plantations vers des terres à plus haute altitude dans l’Ouest du pays, il faut définir une stratégie d’adaptation le plus rapidement possible. L’urgence est aussi visible dans la planification urbaine, notamment autour de l’agglomération d’Abidjan, où sont concentrées 2/3 des activités économiques du pays, en raison de sa proximité de l’océan, du risque d’érosion côtière et des dégâts causés par des pluies de plus en plus violentes. Les inondations meurtrières de ces dernières semaines, en sont une triste illustration. Je ne peux que rappeler que la ville de Grand-Lahou est déjà en partie sous les flots et Grand-Bassam - patrimoine mondiale selon l’Unesco- fait face à des inondations de plus en plus fréquentes.
Il faut une prise d’action collective car elle passera par des changements de comportements de la part de tous. Ces changements devront également être coordonnés pour être efficaces. Le gouvernement l’a bien compris en se fixant des objectifs ambitieux dans son récent plan de prise en compte du changement climatique, notamment en termes de réduction d’émissions de CO2. Il faudra faire encore plus, surtout en matière d’adaptation. Par exemple, il serait vain de construire des maisons résistantes aux intempéries sur une zone propice aux inondations et sans des infrastructures appropriées.
L’action se doit d’être bien informée, planifiée et intégrée par tous les acteurs.
Comme la majorité des pays africains, la Côte d’Ivoire est une victime plutôt qu’une cause du changement climatique de la planète. Son économie est aussi l’une des plus vulnérables - 146eme sur 166 pays- à cause de sa position géographique et de sa dépendance à l’agriculture. Une politique d’adaptation va imposer des choix, sans nul doute couteux à court terme, mais dont les bénéfices seront indéniables à plus long terme. Elle ouvre aussi la voie à une autre économie, celle qui est communément appelée « verte » où des investissements judicieux dans les énergies renouvelables, les infrastructures résilientes et une nouvelle agriculture peuvent créer de nombreuses opportunités et des postes de travail. Il ne tient qu’à la Côte d’Ivoire de s’y préparer et de devenir l’un des pionniers dans ce domaine sur le continent africain. Car comme le disait Henri Bergson, « l’avenir n’est pas ce qui va nous arriver, mais ce que nous allons faire ».
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