Le développement économique d’un pays ne se mesure pas uniquement à la taille d’une nouvelle route, ou au nombre d’usines, de centrales électriques et de ports construits. C’est aussi la somme d'histoires individuelles. Cette série de blogs publiée par le Groupe de la Banque mondiale, en partenariat avec Fraternité Matin et la bloggeuse Edith Brou, raconte l’histoire de ces héros ordinaires qui contribuent chaque jour au développement de leur communauté et dont la vie a changé grâce à un projet de l’institution.
La tenue est impeccable. Le chapeau et le pagne, confèrent un peu plus d’autorité à la posture qui sied à un descendant de grande lignée royale. Droit comme un i dans son fauteuil de chef traditionnel de la ville de Prikro, au centre de la Côte d’Ivoire, Ekra Kobenan, me raconte l’impact positif de la construction du pont Bassawa-Sérébou. Une opinion partagée par les autres chefs de la région.
« L’avènement du pont nous a tous soulagés, car ici, des personnes malades sont mortes faute de moyens de transport en cas d’urgence. Pendant la saison des crues, le fleuve débordait, faisant chavirer régulièrement les pirogues et leurs passagers ; et tuant beaucoup de personnes », témoigne-t-il avec amertume.
Achevé en octobre 2015, ce pont de 152 mètres relie les deux rives du fleuve Comoé. Il permet aussi de connecter le Centre à l’Est, carrefour stratégique pour les échanges économiques entre les régions du Gbêkê, du Hambôle, de l’Iffou et du Gontougo. Financé par le Projet de renaissance des infrastructures en Côte d'Ivoire (PRICI) de la Banque mondiale, il a coûté un peu plus de 10 milliards de francs CFA, si l’on additionne les coûts liés à la restructuration de tous les axes menant au pont, et la réhabilitation d’écoles, de centres de santé et de la mosquée de Sérébou.
Un montant somme toute dérisoire, comparé aux avantages apportés à la population selon Jean-Baptiste Ouedraogo, dont l’activité économique souffrait de l’enclavement : « Nous devions affronter de nombreux obstacles pour acheminer nos produits vers Sandegué et Bondoukou. La région était tellement enclavée que nos produits pourrissaient. »
Anacarde, igname, coton, maïs, tomate, aubergine, kourou, des produits cultivés en abondance dans le Nord-Est, sont désormais écoulés facilement et vendus au meilleur prix par les paysans. Mieux, le pont élargi leur horizon, en leur offrant de nouveaux marchés dans les grandes villes, notamment à Bouaké et Abidjan.
Mais ailleurs, de nombreux paysans ivoiriens souffrent encore de leur isolement et ne peuvent récolter pleinement les fruits de leur labeur. Cet éloignement réduit les opportunités de commercialiser leurs produits et d’obtenir ainsi des revenus supplémentaires. Encore aujourd’hui, on estime que seulement un Ivoirien sur trois vit à moins de deux kilomètres d'une route praticable en toute saison. Et lorsque les routes existent, il faut bien reconnaître que leur entretien laisse souvent à désirer. Combien de pistes rurales sont impraticables pendant la saison des pluies ?
Bref, pour un pays dont l’économie est principalement adossée sur les produits agricoles, il ne fait guère de doute que la construction et la réhabilitation de routes et d’ouvrages stratégiques pour désenclaver les zones rurales est une priorité majeure. Pourtant, quelques questions subsistent :
Dans quelle mesure le désenclavement aide- t-il vraiment les agriculteurs, sachant qu’ils souffrent également d’autres contraintes comme le manque de financement et de sécurité foncière ?
Une politique de désenclavement intelligente des zones rurales va-t-elle réduire ou au contraire accélérer l’exode rural en direction des villes ?
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