Publié sur Nasikiliza

Favoriser le développement des compétences pour améliorer les perspectives d'emploi en Afrique subsaharienne

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Ananilea Lema, a recent graduate from Arusha Technical College, explains a prototype of her innovation?an emergency sanitary pad dispenser. She is looking for partners who can invest and scale it up. Photo: World Bank Ananilea Lema, a recent graduate from Arusha Technical College, explains a prototype of her innovation—an emergency sanitary pad dispenser. She is looking for partners who can invest and scale it up. Photo: World Bank

En matière de développement des compétences et d'innovation, les jeunes Africains ont des choses à dire. D'après mes récents échanges avec des jeunes du Malawi, de Tanzanie, de Zambie et du Zimbabwe, je peux également vous dire qu'ils ont les moyens d'étayer ce qu'ils affirment.

Ces jeunes gens doués d'esprit d'entreprise cherchent à aller à contre-courant et à apporter une contribution significative à la société. Certains sont encore en train d'acquérir et d'affiner leurs compétences, tandis que d'autres se lancent activement dans la création d'entreprises, une démarche volontaire mais parfois délicate. Ils le font dans des contextes où les perspectives d'emploi sont limitées, motivés par la prise de conscience que le monde évolue sans cesse et qu'ils doivent faire de même.

Pandémie de COVID-19, inflation croissante, conflits prolongés, changement climatique : les polycrises qui frappent nos sociétés affectent le marché du travail de multiples façons. Les conditions macroéconomiques et les prévisions actuelles en Afrique, ainsi que les nouvelles possibilités offertes par la technologie, nous obligent à prendre conscience de la nature évolutive des marchés de l'emploi en Afrique et à réfléchir aux compétences dont la jeunesse africaine aura besoin pour prospérer. Plus de 10 millions de jeunes entrent sur le marché du travail chaque année, alors que les modèles de croissance actuels ne génèrent que 3 millions d'emplois formels par an, laissant ainsi de nombreux jeunes sans travail. En Afrique subsaharienne, seul un travailleur sur six occupe un emploi salarié, contre un sur deux dans les pays à revenu élevé.

Pour célébrer la Journée de lutte contre la pauvreté 2023, notre équipe a organisé un évènement hybride auquel ont participé des jeunes des quatre pays avec lesquels nous travaillons. Nos invités ont présenté les différents projets et compétences sur lesquels ils travaillent pour améliorer leur vie et contribuer au développement économique et social. Je suis fermement convaincu que nous ne pouvons pas parler de la jeunesse africaine sans l'inclure dans la discussion.

Au Malawi, nous avons appris qu'une coopérative agricole de jeunes appelée ACADES (a) compte désormais plus de 10 000 membres et vise un chiffre d'affaires annuel de 1,5 million de dollars (au cours de la saison agricole actuelle, son chiffre d'affaires s'élevait à environ 900 000 dollars). ACADES investit dans les jeunes et les petits exploitants du Malawi en apportant des financements agricoles, des débouchés commerciaux et des activités de développement des compétences. Elle a également créé une institution de microfinancement afin d’aider ses membres à obtenir un appui financier pour acheter des intrants agricoles et améliorer la productivité globale.

Des étudiants de l'Université d'agriculture et de ressources naturelles de Lilongwe (LUANAR) (a) ont présenté Agribiz Hub, un espace d'incubation d'entreprises qui permet de peaufiner et de modéliser les idées entrepreneuriales des étudiants afin d’élaborer de véritables business plans qui intéressent les investisseurs. Agribiz Hub aide les étudiants à créer et à enregistrer des entreprises ainsi qu'à soutenir la création d'emplois.

En Tanzanie, l'évènement s'est tenu au Collège technique d'Arusha, qui bénéficie d’un projet soutenu par la Banque mondiale. Le projet d’acquisition de compétences pour la transformation et l’intégration régionale en Afrique de l’Est (EASTRIP) (a) repose sur une approche globale incluant notamment la participation des entreprises à la gouvernance du collège, des études de faisabilité sur le marché du travail, la mise à jour des programmes d'études en fonction des normes professionnelles les plus récentes, des études de suivi de l'emploi des diplômés, des partenariats avec les principaux établissements d'enseignement et de formation techniques et professionnels (EFTP) dans le monde en vue de moderniser les programmes d'études, le soutien à la participation du corps professoral au secteur industriel et la fourniture d'équipements et d'installations de formation à la pointe de la technologie.

Ananilea Lema et Donald Mwakatoge ont participé à la présentation de projets du Collège technique d'Arusha. L'innovation présentée par Ananilea est un distributeur de protections périodiques en libre-service qui fonctionne comme un distributeur automatique de billets : il suffit de placer une carte prépayée au-dessus d'un capteur pour obtenir le produit. « Je voulais créer cet outil pour permettre aux personnes qui n'ont pas les moyens d'acheter un paquet standard complet, en particulier les étudiantes, de se procurer des protections périodiques à l'unité », explique Ananilea. Donald, passionné de football et de gastronomie, a mis ses passions au service de la création de deux applications distinctes. La première suit de près le championnat tanzanien de première division, tandis que la seconde met des clients en relation avec des prestataires de services de restauration, n’importe où qu'ils se trouvent dans le pays, comblant ainsi le fossé qui existe dans ce secteur.

Students and faculty of Arusha Technical College in Tanzania joined a videoconference roundtable with youths from Malawi, Zambia and Zimbabwe. The event was organized to mark End Poverty Day in October. They discussed opportunities and challenges related to the generation of jobs in the region. Photo: World Bank
Des étudiants et des professeurs du Collège technique d'Arusha, en Tanzanie, ont participé à une table ronde en visioconférence avec des jeunes du Malawi, de Zambie et du Zimbabwe. L'évènement a été organisé en octobre à l'occasion de la Journée de lutte contre la pauvreté. Les opportunités et les défis liés à la création d'emplois dans la région étaient au cœur des débats. Photo : Banque mondiale

En Zambie, nous avons découvert le témoignage de Sydney Mwansa, dont l’entreprise de transformation de noix de cajou emploie de la main-d’œuvre locale. Pour ce jeune entrepreneur, il est essentiel de soutenir le développement des compétences afin de stimuler une transformation économique de proximité en Afrique. « Le développement des compétences est une monnaie mondiale qui peut transformer des vies et promouvoir le développement socio-économique », affirme-t-il. Jane Chinkushu, directrice du département scientifique au ministère de la Technologie et de la Science, a pris part à la discussion et a expliqué que les gouvernements doivent élaborer des politiques réactives qui favorisent l'emploi et soutiennent la productivité.

Au Zimbabwe, nous avons rencontré Sicelo Ndlovu, une entrepreneure dans les secteurs de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques (STIM) qui dirige des centres d'innovation destinés aux lycéens afin de cultiver une culture entrepreneuriale, ainsi qu'un réseau appelé « Women and Girls in Science » qui vise à stimuler la participation des filles dans ce domaine. Ce qui m'a particulièrement frappé, c'est la façon dont Sicelo s'est servi de ses connaissances scientifiques pour se lancer dans l'entrepreneuriat. Elle produit désormais des détergents respectueux de l'environnement à usage résidentiel et commercial, par exemple un dégraissant à base d'eau, une pâte nettoyante universelle et un désinfectant, ainsi que des équipements pour les laboratoires des établissements scolaires.

Nous avons également écouté Raquel Kambasha, une gestionnaire de campagnes qui travaille dans le domaine de l'externalisation. En raison de la nature de son travail, elle a encouragé les autres jeunes à se perfectionner et à se positionner sur le marché du travail mondial. Des entreprises comme celle pour laquelle elle travaille fournissent des services à des pays autres que le Zimbabwe, ce qui fait ressortir un fait essentiel : les pays africains peuvent et doivent exploiter leurs avantages démographiques en investissant dans le capital humain.

La difficulté de trouver un financement pour leurs projets a été un thème récurrent chez les jeunes des quatre pays. Ananilea, par exemple, a réussi à développer son prototype en participant à un concours dont elle est sortie gagnante et a obtenu une aide financière. Elle espère pouvoir persuader les fabricants de protections périodiques de collaborer avec elle et d'investir dans son projet. Donald, pour sa part, explore activement des stratégies pour monétiser ses applications. À l'heure actuelle, il cherche à élaborer un dossier solide afin de percevoir les commissions des restaurants dans le cadre de son application de restauration et à envoyer des invitations à des annonceurs potentiels pour son application consacrée au football.

Ces présentations ont rappelé avec force le chemin qu'il nous reste à parcourir pour créer un écosystème de l'innovation permettant d'évaluer rigoureusement les idées et de trouver des financements adéquats. Les jeunes du continent africain ont des idées ingénieuses, mais le manque de soutien financier demeure un problème de taille, et il n'est ni simple ni rentable de protéger ces idées par des droits d'auteur. Outre le financement, les jeunes entrepreneurs ont également tout à gagner du mentorat et d'autres formes essentielles de soutien, afin de transformer leurs idées novatrices en produits viables et prêts à être commercialisés.

Ces exemples montrent combien il est important de faciliter la circulation transfrontalière des emplois, des compétences et de l'innovation, afin de permettre aux individus d'exploiter les possibilités offertes par les pays voisins. La manifestation a d’ailleurs encouragé une participante du Zimbabwe à se rendre au salon de l'innovation organisé par le Collège technique d'Arusha.

Il est essentiel d'améliorer les niveaux de formation pour renforcer le capital humain et permettre aux économies de s'appuyer sur une main-d'œuvre de plus en plus qualifiée et en bonne santé. Les travailleurs d'Afrique subsaharienne affichent le nombre d'années de scolarité le plus bas de toutes les régions du monde (4,7 ans en moyenne) et les taux d'achèvement de l'enseignement primaire restent faibles. Toutefois, les gouvernements de nos pays ont récemment manifesté leur ferme intention d'améliorer la situation en consacrant près de 20 % de leur budget national à l'éducation. En juillet dernier, la Tanzanie a accueilli le sommet des chefs d'État africains sur le capital humain, à l'occasion duquel 43 pays africains ont approuvé la déclaration de Dar es-Salaam, qui constitue un engagement financier et politique tangible de la part de ces dirigeants à donner la priorité à l'investissement dans leur capital humain.

Si les niveaux de capital humain se sont considérablement améliorés dans la région, ils n'ont pas réussi à accélérer la transformation de la main-d'œuvre et à offrir aux populations de meilleurs emplois et de meilleurs choix professionnels. La déclaration de Dar es-Salaam rappelle que l'atout le plus important de l'Afrique est sa population, et que cette prise de conscience est essentielle pour parvenir à une croissance durable, résiliente et inclusive sur ce continent.


Auteurs

Nathan Belete

Country Director for Malawi, Tanzania, Zambia and Zimbabwe, The World Bank

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