Le Grand Sud de Madagascar est régulièrement frappé par de graves vagues de sécheresse. Dans cette région magnifique mais aride, qui est aussi l’une des plus pauvres du pays, les habitants ont pris l’habitude de s’adapter à ces crises en interrompant la scolarité de leurs enfants, en vendant leurs biens, en réduisant leurs dépenses alimentaires et en attendant l’aide humanitaire.
Quelles sont les mesures prises pour rompre ce cycle et renforcer la résilience ? En 2016, lors d’un épisode de sécheresse particulièrement dramatique aggravé par le phénomène El Niño, le ministère de la Protection sociale a mis sur pied le programme Fiavota pour secourir les populations. Piloté par le Fonds d’intervention pour le développement, le programme s’est associé à l’Office national de nutrition pour étendre les transferts monétaires et les services alimentaires aux ménages les plus vulnérables dans les districts d’Anosy et d’Androy.
Mais au-delà de la riposte immédiate à la crise, les autorités malgaches se sont appuyées sur Fiavota pour renforcer la résilience. Centré sur les ménages ayant de jeunes enfants, le programme reconnaît la valeur du développement et de la préservation du capital humain : en plus de surveiller l’état nutritionnel des plus jeunes et de fournir des compléments alimentaires et des services d’orientation, il soutient les investissements dans le capital humain des enfants, en prônant l’allaitement maternel exclusif, la planification familiale, l’éveil précoce et la scolarisation. Ces synergies entre éducation, santé, nutrition et protection sociale sont au cœur des efforts déployés par Madagascar en faveur du développement humain. C’est le cas notamment de l’opération à l’appui des politiques de développement pour le capital humain, en préparation, qui viendra soutenir un train de réformes ambitieuses et renforcer les moyens alloués à la protection sociale. Contrairement à d’autres pays de la région, comme le Malawi, le Mali, le Niger ou le Tchad, qui investissent en moyenne 0,75 % de leur PIB dans la protection sociale, Madagascar n’y consacre que 0,3 %.
Les effets du programme Fiavota sont tangibles : une évaluation menée 15 mois après son lancement a mis en évidence des améliorations considérables sur le plan de la sécurité alimentaire, de la diversité de l’alimentation et de la consommation globale ; 87 % des ménages qui en ont bénéficié ont acheté du bétail, contre seulement 21 % dans le groupe témoin ; et les taux de malnutrition sévère des enfants et de travail infantile ont reculé de pratiquement 50 %, tandis que la scolarisation en primaire a augmenté jusqu’à 20 %.
J’ai pu observer l’efficacité du programme qui privilégie les interventions au niveau des communautés, où de petits groupes de bénéficiaires sont dirigés par des « mères-leaders » élues, qui accompagnent les membres du groupe et aident les autres mamans à gérer leurs ressources et planifier l’avenir. Ces femmes ont été préalablement formées à la gestion des finances, l’éducation des enfants, la nutrition et l’hygiène. Elles savent aussi comment induire des changements de comportement et travailler avec les autres mères pour les aider à dépenser au mieux l’argent reçu, investir dans l’avenir de leurs enfants et passer de l’intention à l’action.
Mères leaders du programme Fiatova. Crédit photo Laura Rawlings, Banque mondiale
Lors de notre récent voyage de terrain dans le Grand Sud, en compagnie de Marie Chantal Uwanyiligira, la nouvelle responsable des opérations de la Banque mondiale pour Madagascar, et Robert Chase, chef de service au pôle mondial d’expertise en Travail et protection sociale, les mamans cheffes de file, revêtues de leur gilet bleu distinctif, nous ont fièrement présenté les membres de leur groupe. Elles ont ensuite invité les participantes au programme à parler de leur expérience : comment elles ont réussi à scolariser leurs enfants, accumuler des biens et reprendre confiance en elles.
Nous avons été impressionnés de constater de visu ce que les évaluations d’impact révèlent, à savoir qu’en plus des seuls transferts monétaires, le travail de ces mères-leaders et les interventions comportementales se traduisent par un enrichissement des ménages, une place accrue des femmes dans les prises de décision familiale, une hausse de la scolarisation des enfants et même l’amélioration des performances cognitives des écoliers.
Nous avons aussi rencontré Lucky Rasoamanana. Invalide, Lucky Rasoamanana doit s’occuper seule de ses trois enfants. Abandonnée par son mari de nombreuses années auparavant, elle ne parvenait pas à assurer les repas quotidiens de la famille. Grâce au programme Fiavota, elle peut aujourd’hui envoyer sa plus jeune fille à l’école : « Avec l’argent que je reçois de Fiavota, je peux acheter de la nourriture pour mes enfants et, en plus, je vais pouvoir offrir un avenir meilleur à ma plus jeune fille, puisqu’elle peut aller à l’école maintenant. Je me sens aussi plus valorisée. En tant que femme handicapée, j’ai toujours eu l’impression d’être invisible. Mais aujourd’hui, je suis un membre reconnu de ma communauté. »
Sur un plan institutionnel, le programme permet également d’opérer un rapprochement entre le programme de filet de protection sociale du gouvernement et l’aide humanitaire. Dans le district de Beloha, le Programme alimentaire mondial a pu — pour la première fois à Madagascar — s’appuyer sur le filet social national pour compléter et étendre les transferts monétaires lors de la dernière vague de sécheresse. Cette expérience positive est de bon augure pour la suite, alors qu’une prochaine opération assortie d’une option de tirage différé pour les risques liés aux catastrophes viendra renforcer le rôle du ministère de la Protection sociale dans la gestion des crises et les relations avec les organisations humanitaires.
Ces investissements dans le capital humain et l’autonomisation des femmes vont souvent de pair avec des investissements dans des entreprises productives, en général en lien avec l’agriculture et l’élevage. Les activités rémunératrices créées sur le terrain par les communautés sont cruciales pour sortir les populations de l’assistanat, mais elles doivent être sous-tendues par des investissements dans les infrastructures (routes, adduction d’eau…) et les principes de la bonne gouvernance. Tout cela fait partie du plan pour le Grand Sud, qui comprend un programme de développement piloté par les communautés, en préparation, mais aussi des investissements d’IFC en soutien à une croissance tirée par les exportations.
Qu’elle favorise la coordination entre institutions, le développement communautaire, le soutien aux mères et aux jeunes enfants, la Banque mondiale s’attache à apporter des solutions extensibles aux populations du Grand Sud et à aider le gouvernement à passer de la gestion de l’urgence à la résilience.
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