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Il faut investir dans les femmes et les filles… plus que jamais !

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Young girls at the safe space. Am Timan, Chad. Photo: Vincent Tremeau / World Bank Young girls at the safe space. Am Timan, Chad. Photo: Vincent Tremeau / World Bank

Avant que le Mali ne soit frappé par la pandémie de COVID-19, Ami, une fillette de neuf ans, était scolarisée en deuxième année du primaire à Bamako. À cause du coronavirus, les écoles ont fermé et elle s’est retrouvée avec Awa, sa cadette de deux ans, à la maison à s’occuper des tâches ménagères. Les écoles ont rouvert, mais les enseignants sont en grève. Il y a de forts risques pour que les deux sœurs ne reprennent jamais le chemin de l’école et restent chez elles jusqu’à ce qu’on leur trouve un mari. Comme leur sœur aînée avant elles. Au Mali comme dans de nombreux autres pays, la poursuite de la scolarité des filles n’est pas une priorité.

Ce que vivent Ami et Awa n’a malheureusement rien d’exceptionnel. Il est établi que le confinement et le passage à l’enseignement à distance induisent une augmentation du décrochage scolaire et sont corrélés à des grossesses adolescentes non désirées (a). Pas moins de 2,6 millions de filles en Afrique (a) risquent de ne pas reprendre leur scolarité, ce qui sera lourd de conséquences pour le capital humain du continent. 

Les études montrent (a) que les investissements dans l’éducation, la santé et les opportunités économiques des femmes et des filles sont essentiels pour accélérer la transition démographique en Afrique subsaharienne — un principe qui revêt une importance cruciale pour faire avancer le programme d’action sur le capital humain et impulser une croissance économique durable.

Ces dernières années, plusieurs pays africains ont accompli des progrès remarquables en faveur de l’autonomisation des femmes et des filles, notamment en améliorant leurs perspectives d’emploi et en portant des réformes juridiques sur l’âge minimum du mariage. Maurice a ainsi conçu une stratégie nationale pour éliminer les violences faites aux femmes ; le Niger mobilise activement les communautés contre le mariage des enfants ; et les autorités de Sierra Leone ont récemment annulé (a) l’interdiction faite aux filles enceintes de suivre leur scolarité et de passer leurs examens.  

Même si la situation est loin d’être parfaite, la région progresse également sur le plan des réformes juridiques visant à améliorer les opportunités économiques des femmes. Selon l’édition 2021 du rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit, les pays d’Afrique subsaharienne s’en sortent bien en matière de réformes liées au monde du travail : 43 des 48 pays de la région (90 %) interdisent toute discrimination entre les hommes et les femmes au travail.

Malheureusement, la pandémie de COVID-19 risque d’effacer ces avancées socio-économiques. Elle réduit la capacité des pays africains à fournir des services de santé reproductive, maternelle et infantile avec, à la clé, un risque d’augmentation de la mortalité maternelle et des décès chez les enfants de moins de cinq ans (a). Les données montrent par ailleurs que la situation financière des femmes est très fragilisée. La désorganisation des services essentiels et des marchés du travail devrait entraîner une recrudescence des mariages d’enfants, des grossesses adolescentes et des violences sexuelles.

L’Occasion de bâtir avenir meilleur et plus stable

La pandémie de COVID-19 a mis en évidence la nécessité de préserver et de financer des systèmes sanitaires bien conçus, des plateformes éducatives résilientes et adaptables et des programmes de protection sociale solides. 

Bien conscient de l’impact disproportionné de cette situation pour l’égalité hommes-femmes et le développement, le Groupe de la Banque mondiale s’emploie à apporter une réponse à cette urgence sanitaire (a) et investit dans des systèmes plus solides et résilients afin d’accélérer les efforts de reconstruction et préparer un avenir meilleur et plus inclusif. L’institution a engagé plus de 2,2 milliards de dollars à travers le monde en faveur de nouveaux projets sectoriels pour l’autonomisation des femmes, et une première génération d’opérations de prêts à l’appui des réformes du capital humain contribue à la mise en place de cadres juridiques renforcés pour protéger les femmes et les enfants. Le Groupe va par ailleurs déployer jusqu’à 50 milliards de dollars de financement pour aider les pays africains à surmonter les chocs sanitaires, économiques et sociaux dus à la pandémie.

Nous nous sommes engagés à promouvoir l’autonomisation des femmes et des filles en actionnant quatre leviers : l’émancipation, l’emploi, l’extension de l’accès à des services de santé reproductive et l’éducation.  

Avec les gouvernements, les institutions régionales et les partenaires du développement, nous avons renforcé plusieurs programmes plurisectoriels en apportant des solutions immédiates et de long terme destinées à investir en faveur des femmes et des filles. En voici deux exemples :

  • Le projet pour l’autonomisation féminine et le dividende démographique au Sahel (SWEDD) contribue à installer les conditions propices à l’émancipation des femmes et des adolescentes à travers des programmes de maintien des filles à l’école, de renforcement des opportunités économiques et d’accès à des services de santé de qualité. Le projet SWEDD, qui a touché à ce jour plus de 2 millions de filles, a été élargi et étendu à de nouveaux pays, avec des ressources supplémentaires qui permettront de consolider les cadres juridiques, de promouvoir les droits des femmes et d’apporter une aide à 80 % des adolescentes vulnérables. 
  • Le programme d’amélioration de la qualité de l’enseignement général au service de l’équité en Éthiopie (a) entend renforcer l’autonomisation des filles, améliorer la parité filles-garçons dans les classes de la cinquième à la huitième année, réduire les violences contre les filles et leur transmettre des compétences pour la vie quotidienne. À ce jour, les taux d’inscription des filles dans l’enseignement primaire supérieur ont progressé dans plusieurs régions, de même que le maintien des filles dans le premier cycle secondaire, où le ratio filles-garçons a augmenté de 5,3 points, pour atteindre 68 %. Un financement additionnel a été alloué en 2020, notamment pour accroître la résilience des systèmes éducatifs face à des chocs comme la pandémie de COVID-19 mais aussi pour réintégrer les enfants déplacés dans le système scolaire.

Les gains en capital humain passent nécessairement par l’autonomisation des femmes et des filles, comme Ami et Awa. Alors que nous travaillons ensemble à protéger et restaurer le capital humain, les mesures visant à cibler des investissements innovants dans le bien-être, l’éducation, l’emploi et la capacité d’agir des femmes et des filles doivent être au cœur de notre stratégie. La pandémie de COVID-19 nous donne l’occasion de réajuster les programmes et de nous concentrer sur le développement de systèmes de prestation de services résilients, équitables et de qualité pour un avenir plus inclusif. 

Éduquer une femme, c’est éduquer toute une nation.
Proverbe africain

Voir l'événement : Plan pour le capital humain en Afrique : pourquoi il est plus important que jamais d'investir dans les femmes et les filles


Auteurs

Mamta Murthi

Vice-présidente de la Banque mondiale pour le Développement humain

Hafez Ghanem

Former World Bank Vice President, Eastern and Southern Africa

Ousmane Diagana

Vice-président, Afrique de l’Ouest et centrale, Afrique

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