Publié sur Nasikiliza

La finance numérique en Côte d'Ivoire : À vos marques… Prêts ? Partez !

Cette page en:
La finance numérique en Côte d'Ivoire : À vos marques? Prêts ? Partez ! @ IFC


Lorsqu'on parle de finance numérique en Afrique subsaharienne, la conversation s’articule souvent autour des initiatives en Afrique de l'Est, et au Kenya en particulier. À première vue, l’Afrique de l’Ouest semble à la traîne, effectuant peu de progrès dans le domaine. En y regardant de plus près, on constate toutefois que les perspectives sont prometteuses. C’est notamment le cas en Côte d’Ivoire, qui recense 6 des 25 initiatives de mobile money déployées au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).

La Côte d'Ivoire est l'un des marchés de finance numérique les plus dynamiques au monde. Selon une étude récente de la Société financière internationale (IFC), de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et de la Fondation MasterCard, qui analyse les données des déploiements actifs de mobile money en Côte d'Ivoire, le nombre de clients utilisant des services financiers numériques est passé de 2,6 millions en 2012 à plus de 6 millions en 2013. Parmi ces clients, 2 millions sont des utilisateurs actifs ayant effectué au moins une transaction au cours des 90 derniers jours.

En outre, les transactions financières ont plus que doublé entre 2012 et 2013, aussi bien qu’en volume qu'en valeur. Cela indique que non seulement l’utilisation des services financiers numériques augmente, mais que les abonnés effectuent des transactions plus fréquemment.
 

Image
Flux cumulés de mobile money en Côte d’Ivoire en 2013
Comment les clients se servent-ils de la monnaie électronique ?
  
En 2013, les dépôts et les retraits ont représenté la majeure partie des transactions, totalisant 2,5 milliards de dollars. Sur ce montant, les transferts d'argent de particulier à particulier (P2P) n'ont représenté que 6 % des transactions, le paiement des factures et le rechargement de crédit téléphonique représentant 3 % (figure 1), ce qui suggère une utilisation différente de ce que l’on observe en Afrique de l'Est, où il y a une forte utilisation de la monnaie électronique pour les transferts P2P (transfert personne à personne).

 

 

 Principaux indicateurs de performance

Total en 2013

% de croissance T1-T4 2013

Clients inscrits

6 170 676

51 %

Clients actifs (90 jours)

2 109 682

92 %

Volume total des transactions

68 639 172

124 %

Valeur totale des transactions en milliards de CFA

1 200

123 %

Valeur totale des transactions en millions USD

2 479

123 %

Nombre total d'agents

12 093

91 %


Les banques ne servent actuellement qu'une minorité de la population : seul 11,6 % des Ivoiriens possèdent en effet un compte bancaire. Si l’on rajoute la microfinance et les comptes de mobile money, ce pourcentage grimpe à 44 %, selon la BCEAO. Il existe aujourd’hui en Côte d'Ivoire plus de comptes de monnaie électronique que de comptes ouverts auprès de banques et d’institutions de microfinance. Les Ivoiriens semblent utiliser principalement leur porte-monnaie électronique comme un coffre-fort électronique. Ceci confirme les analyses réalisées par l’lFC dans différentes zones du pays à travers des enquêtes quantitatives, réalisées auprès de plus de 1 500 agriculteurs, et des diagnostics approfondis. Les crises politiques et économiques de ces 15 dernières années ont profondément ébranlé la confiance de la population ivoirienne dans les banques et les coopératives financières, ce qui explique en partie leur besoin de sécuriser leur argent dans des systèmes alternatifs.

L’avenir de « mobile money » en Côte d’Ivoire 

En matière de « mobile money », le nombre de comptes peut être trompeur, en raison du nombre important de comptes inactifs. Si les prestataires de monnaie électronique n'offrent pas encore de produits d'épargne (rémunérée), ni de prêts, cette situation pourrait bientôt évoluer. Selon les participants d’une table ronde sur les conclusions de cette étude, les banques commencent à s'intéresser à la numérisation des services financiers. Cette tendance s’explique tant par le coût  élevé que représente l’ouverture d’une agence physique que par la décision de la BCEAO d’interdire de nombreux frais jusqu’ici appliqués par les établissements bancaires.
 
Les institutions de microfinance ont commencé à établir des partenariats avec les opérateurs de téléphonie mobile.  Advans Côte d’Ivoire, institution de microfinance soutenue par l’IFC, vient de lancer Advans Mobilité, un service permettant à ses clients d’alimenter leur compte d'épargne Advans par le biais d'un porte-monnaie électronique. Les acteurs du secteur agricole réfléchissent quant à eux à la manière dont la monnaie électronique pourrait améliorer la vie des populations rurales (qui représentent 75 % de la population employée en Côte d'Ivoire) et les aider à gérer les risques liés à l’irrégularité et aux montants élevés de leurs transactions en liquide. La tendance est donc à la diversification des usages et des produits pour bâtir un véritable écosystème de finance numérique en Côte d'Ivoire.

Les prestataires de services augmentent autant que possible leur couverture géographique  pour répondre à cette nouvelle demande. En 2013, les guichets de « mobile money » étaient au nombre de 12 000 tandis que les banques et les institutions de microfinance ne totalisaient que 1 000 agences. Ces chiffres ne reflètent cependant pas nécessairement le taux d’activité des prestataires, car les données manquent pour mesurer la fréquence d’utilisation par les particuliers titulaires de comptes des services de mobile money. En Côte d'Ivoire par exemple, les comptes inactifs constituent un problème de taille.

Il convient également de prêter attention au prix des services. Une transaction de particulier à particulier d’un montant équivalent à 10 dollars est bien plus coûteuse en Côte d'Ivoire qu'au Kenya, au Mali, au Ghana ou en Tanzanie.

Les prestataires de mobile money, tout comme les banques traditionnelles, sont très exposés aux contraintes de masse monétaire imposées par les banques centrales des États dans lesquels ils opèrent. Les autorités doivent donc injecter suffisamment de liquidités dans l’économie pour s’assurer que l’activité des prestataires et de leurs agents ne soit pas entravée.

Le phénomène des dépôts directs semble rester extrêmement important, ce qui est susceptible de mettre en danger la viabilité financière des prestataires et de poser des difficultés du point de vue des règles dites « know your customer » (« connaître son client »).

L’Afrique de l’Ouest ne suscite pas encore l'engouement des investisseurs, des innovateurs ou des gourous de la finance numérique. Si le marché de la monnaie électronique évolue au rythme actuel, la Côte d'Ivoire et les pays voisins pourraient cependant, à moyen terme, s’imposer comme les nouveaux leaders.


Le document mentionné dans cet article est disponible ici en français et en anglais. IFC et la Fondation MasterCard ont établi en janvier 2012 un partenariat visant à accélérer la croissance et la portée de la microfinance et des services financiers mobiles en Afrique subsaharienne. L'objectif de ce partenariat est de faire émerger en Côte d'Ivoire un modèle de réussite qui rayonnera dans toute l'Afrique de l'Ouest francophone. IFC s'efforce de travailler avec l'intégralité de l'écosystème financier numérique, et notamment avec la BCEAO, le CGAP, les institutions financières et les opérateurs mobiles. 

Auteurs

Susie Lonie

Spécialiste de la finance numérique

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000