Il y a quelques mois, alors que j’étais en poste au Ghana, des collègues et des amis m’ont demandé comment éviter d’être contaminé par le virus Ebola. Leurs inquiétudes se nourrissaient des reportages dans les médias sur l’augmentation du nombre de cas confirmés et de décès dans les pays voisins.
L’inquiétude était justifiée. L’épidémie qui sévit actuellement en Afrique de l’Ouest est la plus meurtrière depuis la découverte du virus en 1976, dans ce qui s’appelait alors le Zaïre (aujourd’hui la République démocratique du Congo), par le docteur Peter Piot notamment, qui a par la suite mené la lutte mondiale contre le VIH. Aujourd’hui, on dénombre au total 982 cas, dont 539 décès, en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone.
Comme l’écrit le docteur Piot dans son autobiographie, No Time to Lose, et plus récemment dans le Financial Times, le virus, qui serait véhiculé par les chauves-souris, infecte les humains par contact avec du sang ou des gouttelettes contaminées. Une fois chez l’homme, le virus se transmet entre humains par le biais d’injections contaminées, de contact avec du sang et d’autres fluides corporels, de rapports sexuels, et peut-être de la mère à l’enfant. Environ une semaine après l’infection, le malade est pris d’une forte fièvre, de diarrhée et de vomissements, il commence à saigner et des caillots se forment dans ses vaisseaux sanguins, provoquant une défaillance généralisée des organes, un choc et la mort. Le taux de létalité est extrêmement élevé : 90 % au Zaïre et 60 % en Afrique de l’Ouest.
Aussi effrayante que soit une épidémie non contrôlée d’Ebola, elle devrait en principe être facile à maîtriser, comme l’explique le docteur Piot, à condition que le personnel médical et les établissements de santé adoptent des stratégies simples, peu onéreuses et efficaces : usage de gants, lavage des mains, méthodes d'injection sans risque, isolement des malades, levée rapide des corps des victimes du virus dans de bonnes conditions de sécurité, traçage des contacts et observation de suivi des populations à risque. Les actions de mobilisation sociale et de communication à l’intention des « groupes à risque » (consommateurs de viande de chauve-souris ou personnes se rendant fréquemment dans les pays voisins) ou axées sur les « comportements et activités à risque » (préparation/consommation de viande de brousse, soins aux malades ou manipulation des corps des personnes infectées décédées) permettent à la population de mieux connaître les causes, les symptômes et les modes de prévention.
Nous ne devons pas oublier toutefois que l’épidémie d’Ebola et d’autres virus dangereux, comme le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) en Arabie saoudite, constituent des dangers omniprésents dans notre monde interconnecté. Le risque de transmission de l’animal à l’homme continuera d’être alimenté par les contacts étroits des individus avec les espèces sauvages, contacts qui sont aujourd’hui facilités par l’expansion rapide des établissements humains, les pratiques agressives d’extraction minière, la dégradation de l’environnement, la mondialisation des échanges et des services, la mobilité des personnes à l’international ainsi que la médiocrité, l’inadaptation et le dysfonctionnement des systèmes de santé dans de nombreux pays.
La couverture de santé universelle offre aux pays et à la communauté internationale l’opportunité de passer de réponses à court terme et au cas par cas à l’élaboration de systèmes de santé publique et de plateformes de services solides. L’adoption d’approches « unifiées » de la santé est également essentielle : ces efforts de collaboration entre les services de santé publique, vétérinaires et environnementaux faciliteront le partage de l’information, et permettront une analyse globale des risques et des réponses conjointes afin de prévenir et de maîtriser les flambées de maladies d’origine animale, telles que le virus Ebola. Ce faisant, les pays se mettront également en conformité avec le Règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la santé qui impose aux autorités nationales d’avertir cette organisation en cas d’épidémies.
Comme en atteste l’expérience internationale, un leadership national fort est essentiel pour progresser dans ce domaine. Et la volonté politique doit impérativement être épaulée par un financement intérieur soutenu, conjugué à des accords de financement régionaux, tels que celui proposé par la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) lors du récent Sommet présidentiel pour instaurer un fonds régional commun de lutte contre le virus Ebola. L’appui international, tant technique que financier, est justifié car il contribuera à réduire le risque mondial de propagation des virus à sa source.
Comme l’a récemment décrit Laurie Garrett du Council of Foreign Relations, le virus Ebola en Afrique de l’Ouest doit être combattu de la même manière qu’il l’a été en 1976 : savon, eau propre, équipements de protection, pratiques médicales sans risque et mise en quarantaine. Ici, les technologies et les vaccins ne sont d’aucune utilité. À cela j’ajouterais qu’en poursuivant un projet de développement plus vaste visant à mettre fin à la pauvreté et à renforcer la prospérité partagée à moyen terme, les pays et la communauté internationale se doivent de reconnaître que les facteurs environnementaux peuvent avoir une incidence sur la santé humaine et de soutenir par conséquent la mise en place de plateformes sanitaires unifiées et durables pour faire face à l’apparition de nouveaux virus ou à la réapparition de pathogènes connus qui risquent de toucher des populations dans le monde entier.
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