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Le Burkina Faso à la reconquête de ses paysages et de ses moyens de subsistance

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Le Burkina Faso à la reconquête de ses paysages et de ses moyens de subsistance Maria Sarraf. Banque mondiale Le Burkina Faso à la reconquête de ses paysages et de ses moyens de subsistance Maria Sarraf. Banque mondiale

Je rentre tout juste du Burkina Faso, un pays aride et enclavé du Sahel, où les communautés font un travail incroyable pour préserver leurs ressources naturelles. Grâce à diverses techniques de conservation, ces hommes et ces femmes reprennent possession de leurs terres et de leurs moyens de subsistance. 

Tout au long de mes déplacements dans la commune de Sapouy et ses 49 villages, dans la région du Centre-Ouest, j’ai rencontré des agriculteurs qui connaissent mieux que quiconque les effets conjugués du réchauffement climatique et de l’irrégularité des précipitations. Avec le temps et l’extension des terres productives, mais aussi la surexploitation et le surpâturage, la pression foncière s’est accrue. Faute de gouvernance solide, la concurrence pour le sol a fini par définir les relations entre propriétaires terriens, migrants, agriculteurs et éleveurs — avec, à la clé, des tensions accrues au sein de la communauté. 

La dégradation des sols touche la plupart des pays du Sahel. Comme le souligne le rapport de la Banque mondiale intitulé Affronter la sécheresse dans les zones arides de l’Afrique, les zones arides — qui abritent la moitié de la population africaine — représentent déjà 43 % de la surface terrestre du continent. À l'horizon 2030, le changement climatique pourrait entraîner une extension des zones considérées comme arides, estimée à 20 % pour l’ensemble de la région mais qui devrait être nettement plus importante dans les pays du Sahel. 

Au Burkina Faso, plus de 9 millions d’hectares de terres productives sont déjà dégradés, avec une progression attendue de 400 000 hectares chaque année (FAO). Avec une croissance démographique parmi les plus fortes d’Afrique, le pays connaîtra une pression accrue sur les ressources menaçant la survie d’un nombre grandissant d’habitants. 


Mais cela n’a rien d’inéluctable : en témoigne Karidjatou Nama, une femme charismatique de Sapouy dont la vie a été métamorphosée par l’installation d’un biodigesteur. Ce dispositif, qui permet de produire du combustible et de l’énergie à partir d’un mélange de bouse de vache et d’eau, a été déployé dans le cadre d’un programme soutenu par le ministère des Ressources animales. Désormais, Karidjatou n’a plus à marcher pendant des heures pour la corvée de bois, elle a diminué par quatre le temps passé à cuisiner et elle a de quoi s’éclairer, ce qui permet à ses enfants d’étudier plus longtemps le soir. Et, cerise sur le gâteau, explique-t-elle tout sourire : « avec le biodigesteur, mes casseroles sont toujours propres, je n’ai plus besoin de les récurer autant qu’avant ! »

Le biodigesteur produit par ailleurs suffisamment de compost pour remplacer les engrais chimiques qu’elle devait acheter auparavant. Pour Sibiri Kabore, coordinateur du projet, le facteur le plus motivant est que chaque appareil peut permettre d’épargner 0,33 hectare de forêts par an. Pour Karidjatou, c’est avant tout le rééquilibrage des relations avec son mari qu’elle met en avant : ce dernier assume désormais une partie des repas, ce qui lui permet de dégager du temps pour elle.

Toutes ces activités s’inscrivent dans une vision nationale plus large de gestion intégrée des paysages. Le projet de gestion décentralisée des forêts et des espaces boisés (a) soutient cette vision à travers la promotion d’une gouvernance pleinement participative des ressources naturelles. Il est financé par la Banque mondiale dans le cadre d’une opération de 45 millions de dollars du Programme d’investissement forestier (FIP) (a). 

Quel a été le cheminement ? Le coordinateur du projet explique comment les habitants eux-mêmes cartographient ensemble les terres et les usages concurrentiels, conçoivent des systèmes de cogestion et décident des modes de restauration des sols pour améliorer la productivité, les revenus et la sécurité alimentaire et énergétique. « Cela prend du temps, mais le résultat en vaut la peine », ajoute-t-il. 

Les hommes et les femmes de Sapouy ont créé des zones de pâturage, des points d’eau et des stations de vaccination pour limiter le surpâturage et accroître la production animalière. Grâce aux appareils de cuisson améliorés et aux biodigesteurs, ils ont réduit jusqu’à 45 % les prélèvements de bois et diminué l’inhalation de fumées toxiques ainsi que la pollution à l’intérieur des habitations. Ils ont également assigné 77 lieux à la conservation et prévoient de restaurer 23 000 hectares de terres. 

Ce que font les habitants de Sapouy n’est que l’un des effets de l’engagement du Burkina Faso à endiguer la dégradation des sols. Une riposte à plus grande échelle est organisée dans le cadre de l’initiative REDD+, le pays tablant sur le développement d’une économie respectueuse de l’environnement sous l’impulsion vigoureuse du ministère de l’Environnement, de l’Économie verte et du Changement climatique. Plusieurs projets ont ainsi changé le quotidien des femmes, en leur procurant des revenus supplémentaires : c’est le cas de la production décarbonée de beurre de karité et de la vente de produits forestiers non ligneux.

L’engagement dont font preuve ces communautés nous rappelle que la transformation est possible. Mais nous devons redoubler d’efforts pour restaurer les paysages et transformer le quotidien de millions de ménages dont la survie dépend de ressources en terres et en eau qui s’épuisent lentement mais sûrement. 


Auteurs

Maria Sarraf

Responsable du pôle environnement, ressources naturelles et économie bleue pour l’Afrique de l’Ouest, à la Banque mondiale

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