Depuis bien trop longtemps, les femmes et les jeunes filles en Afrique font l’objet de discriminations, phénomène qui affecte leur famille, leur communauté et leur pays tout entier. Alors que nous célébrons «l’année de l’émancipation économique des femmes en Afrique » (thème choisi par l’Union Africaine pour 2015), il est illusoire de penser que sans œuvrer pour l’égalité homme-femme, nous parviendrons à réduire la pauvreté.
Alors que la plupart des gouvernements africains reconnaissent l’émancipation des femmes comme un facteur essentiel de développement économique, la transition démographique sur le continent a été cependant plus lente que dans d’autres régions du monde. Or, on sait que l’accès des jeunes femmes aux services de planification familiale et de santé maternelle ainsi qu’à l’éducation crée des opportunités économiques. Certains pays africains ont d’ailleurs mis en place des initiatives innovantes pour accélérer cette transition démographique. Au Niger, pays dont le taux de fertilité est l’un des plus élevés de la planète (7,6 enfants par femme), « les écoles des maris », espaces de dialogue et de réflexion animés par des chefs traditionnels, respectés par leur communauté, visent par exemple à sensibiliser les hommes à l’importance du planning familial et de la santé maternelle.
Bien que le continent recense l’un des plus fort taux de participation des femmes à la vie active (derrière l’Asie), les emplois précaires demeurent cependant la norme. Les femmes africaines travaillent bien souvent plus que les hommes et assument la plupart des tâches ménagères (non rémunérées). Des études réalisées dans quatre pays d’Afrique subsaharienne ont ainsi révélé que les agricultrices travaillaient en moyenne 467 minutes par jours contre 371 minutes pour les agriculteurs.
Pourtant, bien que les femmes représentent près de la moitié de la population active agricole du continent, leur productivité est plus faible que celle de leurs homologues masculins. Au Malawi par exemple, une étude récente a révélé que les parcelles exploitées par des femmes avaient un rendement inférieur de 25% à celui des parcelles exploitées par des hommes. Pourtant, on estime que si les femmes avaient le même accès que les hommes aux intrants agricoles (semences, engrais etc.), chaque jour, dans le monde, entre 100 et 150 millions de personnes cesseraient de souffrir de la faim.
On oublie trop souvent que les femmes, en Afrique, contribuent énormément au commerce régional en traversant les frontières pour aller vendre leurs produits, pour fournir leurs services et apporter leurs compétences afin de répondre aux besoins économiques locaux. Les femmes représentent 70% des échanges informels transfrontaliers et génèrent ainsi 17,7 milliards de dollars par an en moyenne dans les 15 États membres de la Communauté de développement de l’Afrique Australe. Mais des obstacles tels que les barrières non tarifaires qui limitent les importations les empêchent de contribuer pleinement à la vie économique, tant au niveau régional que mondial.
Dans les secteurs non agricoles, la majorité des femmes travaillent à leur compte dans le secteur informel. Mais elles ne peuvent développer leur entreprise à cause du manque d’accès au financement. De plus, dans le monde du travail, les femmes sont souvent reléguées à des secteurs moins productifs. Une récente étude réalisée en Ouganda a pourtant démontré que les femmes qui travaillent dans des secteurs à forte dominante masculine gagnent trois fois plus d’argent que celles qui occupent des emplois traditionnellement réservés aux femmes.
Dans l’enseignement, on observe partout ces mêmes disparités. Bien que la proportion de filles dans les écoles primaires ait augmenté de manière significative en Afrique subsaharienne, les garçons ont toujours 1,55 fois plus de chance d’être diplômés de l’enseignement secondaire. À l’inverse, les filles qui arrivent jusqu’au lycée sont plus susceptibles de décrocher de leur scolarité que les garçons. En Afrique de l’Est et Australe, la pauvreté et la participation des filles aux tâches ménagères les empêchent souvent d’aller à l’école. Cette tendance est accentuée par les mariages précoces. En Angola, en Erythrée, en Ethiopie et au Mozambique, le taux de scolarisation des filles à l’école primaire est plus bas que celui des garçons et la situation s’empire dans les classes secondaires et à l’université.
Le fait est qu’il y a moins de pauvreté quand les femmes et les filles sont éduquées : les jeunes filles diplômées du secondaire gagneront ainsi entre 10 à 20% de plus que celles qui ne finissent pas le lycée. De plus, les femmes sont généralement plus enclines à investir dans la santé et la prospérité future de leurs enfants.
Identifier des solutions pour combler les disparités homme-femme
La parité homme-femme est l’une des principales priorités de la Banque mondiale. En 2013, nous avons lancé un Laboratoire d’innovation consacré à l’égalité des genres qui s’appuie sur des méthodes rigoureuses d’évaluation d’impacts pour identifier les causes de l’inégalité homme-femme. Et à trouver des solutions afin d’y remédier. Ces évaluations ont démontré par exemple qu’en Ouganda, un programme de formation permettant aux filles d’acquérir des compétences essentielles tant sur le plan personnel (« life skills » en anglais) que professionnel, améliorait considérablement les conditions de vie des adolescentes. Nos chercheurs ont également constaté qu’au Burkina Faso, l’émancipation économique des adolescentes et de leurs familles avait un impact très positif sur leurs comportements sexuels et leur santé.
Le président du Groupe de la Banque mondiale Jim Yong Kim a annoncé en mai 2013 une aide financière d’un milliard de dollars en faveur de l’Afrique des Grands lacs avec une attention particulière donnée aux femmes, catégorie de la population particulièrement vulnérable. Dans le cadre de cet engagement, la Banque a débloqué 107 millions de dollars pour lutter contre les violences basées sur le genre au Burundi, en République Démocratique du Congo et au Rwanda. Ce projet, unique en son genre en Afrique, compte offrir de nouvelles opportunités économiques aux survivantes de violences sexuelles en leur apportant des services intégrés de santé, de conseil et d’assistance juridique.
Dans la région du Sahel, nous portons également une attention particulière aux femmes et aux filles comme l’illustre notre appui financier de 170 millions de dollars dans le cadre du projet Sahel Women’s Empowerment and Demographics (projet d’autonomisation des femmes et de transition démographique). Cette aide vient s’ajouter aux millions de dollars déjà engagés par la Banque mondiale pour financer un programme en faveur de la santé maternelle et infantile au Sahel. Ce financement permettra d’améliorer les services de gynécologie-obstétrique et de médecine reproductive dans la région en les rendant plus accessibles et plus abordables. Il financera également la formation des sages-femmes et des infirmières en zones rurales et des initiatives en faveur des adolescentes, en soutenant notamment le développement de centres de formation.
Si l’on veut mettre fin à la pauvreté dans le monde, misons sur les femmes. Cela est d’autant plus vrai en Afrique subsaharienne. Permettre à davantage de femmes d’accéder à de hautes responsabilités, leur donner la possibilité d’entreprendre, de consommer et de faire partie intégrante de la vie économique transformera le continent. Pour le meilleur.
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