En Côte d’Ivoire, la chaîne de valeur du cacao est bien structurée. Cependant, les petits producteurs agricoles n’ont pas accès aux services des banques, établissements de microfinance et autres institutions financières formelles. Le défi est donc d’offrir à ces clients des services financiers qui soient à la fois abordables et adaptés à leurs besoins.
Le développement du système financier et l’amélioration de l’inclusion financière sont des priorités, notamment pour les exploitants agricoles, qui n’utilisent que de l’argent liquide. Le porte-monnaie électronique est une opportunité pour évoluer vers le paiement numérique et améliorer l’inclusion financière.
L’entreprise Advans s’est engagée à relever ce défi. Un projet pilote a été mis en œuvre pendant près de deux ans avec l’appui du Groupe consultatif d’aide aux pays les plus pauvres (CGAP) et ses résultats sont prometteurs.
Après une étude de faisabilité, Advans a décidé d’offrir à des producteurs de cacao un compte d’épargne numérique rémunéré, en partenariat avec l’opérateur de téléphonie mobile MTN. Les transactions entre le compte d’épargne et le porte-monnaie électronique sont gratuites. La plateforme utilise la technologie USSD (Unstructured Supplementary Service Data ou Service supplémentaire pour données non structurées), une fonctionnalité des réseaux téléphoniques mobiles qui propose des services sous forme de courts textes, sur des portables ne possedant pas de connexion internet.
Quand les producteurs sont rémunérés par les coopératives de cacao, ils peuvent décider du montant qu’ils souhaitent recevoir sur leur compte d’épargne Advans, et du montant qu’ils souhaitent recevoir en espèces. “Avec ce compte, je fais moins de dépenses inutiles parce que je n’ai pas tout mon argent sur moi”, dit N’Goran Koffi Lucien. Ce producteur de cacao trouve avantageux de disposer d’un compte d’épargne. “Je gère mieux mon argent.”
Plus de 7 000 producteurs de cacao, qui sont membres de 58 coopératives, ont souscrit au service et disposent d’un compte d’épargne dans une institution financière formelle. 2 700 d’entre eux ont été actifs au cours de la récolte de cacao en avril et mai 2016.
Plusieurs leçons intéressantes peuvent être tirées de ce projet pilote :
- L’utilisation de la plateforme USSD est la solution la mieux adaptée aux petits exploitants agricoles. L’USSD fonctionne avec n’importe quel type de téléphone portable et les menus numériques ne nécessitent pas d’être lettré ;
- Une tarification adaptée est nécessaire, dans un contexte où les producteurs doivent être convaincus du bénéfice d’un compte d’épargne. Advans et l’opérateur MTN doivent partager la même vision et adapter le modèle d’affaires à la clientèle cible. MTN a aussi adapté les règles de fonctionnement des comptes de porte-monnaie électronique, en autorisant une plus longue période d’inactivité pour ces producteurs dont les activités sont saisonnières.
- Les partenariats efficaces et solides prennent du temps à se mettre en place mais sont très importants. L’appui des coopératives et d’exportateurs de cacao a été crucial dans le processus d’inscription et de formation des producteurs.
- L’institution financière doit mettre en place une équipe dédiée et bien formée pour conduire avec succès un tel projet sur le terrain. Une équipe back office doit aussi être dédiée au projet pour accompagner le processus de création des comptes dans un contexte où les procédures d’identification sont effectuées en dehors des agences.
- Une forte capacité d’innovation et d’adaptation est essentielle. Les partenaires du projet doivent pouvoir rapidement adapter aux réalités de terrain les processus conçus sur le papier.
- La formation est importante pour que les producteurs aient la capacité d’utiliser cet outil. La capacité des producteurs illettrés à naviguer dans un menu USSD doit être analysée de manière précise. Il peut être intéressant d’évaluer la pertinence d’introduire d’autres technologies adaptées, comme celles basées sur les menus vocaux.
- Les besoins en services financiers des producteurs vont au-delà des produits d’épargne. Ils expriment le souhait d’accéder à d’autres services que les institutions financières devraient prendre en considération dans leur offre pour fidéliser les producteurs.
L’ouverture de 7 000 comptes est la première étape d’un long parcours. Pour Advans, le défi est d’accroître le nombre d’utilisateurs et de fournir des services additionnels qui répondront aux besoins des producteurs tout en étant rentable pour l’institution. Advans peut servir d’exemple pour les acteurs impliqués dans d’autres chaînes de valeur agricoles en Côte d'Ivoire et ailleurs où les paiements sont effectués majoritairement en espèces.
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