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À Madagascar, la place des femmes gagne du terrain

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Lors d’une récente mission à Madagascar, je me suis rendue dans le petit village de Maromoka, à une centaine de kilomètres de la capitale Antananarivo. J’y ai rencontré un groupe de femmes bénéficiaires de l’ACTP, un programme de filets sociaux mis en place par les autorités et financé par la Banque mondiale depuis 2015. 

Colette Rangeline en faisait partie. Cette mère de six enfants âgés de 3 à 18 ans bénéficie du dispositif depuis trois ans. Elle perçoit 320 000 ariary (soit un peu plus de 80 dollars), travaille 80 jours par an grâce au programme, et suit des ateliers sur les techniques agricoles et la gestion de l’épargne. Ce revenu est modeste, mais il change tout. Avec l’argent et les formations qu’elle reçoit, la mère de famille a non seulement été en mesure d’économiser et d’accroître sa petite production, mais elle est aussi parvenue, depuis deux ans, à scolariser ses cinq enfants en âge d’aller à l'école et à acheter les fournitures scolaires en temps voulu. Elle envisage même prochainement de se lancer dans l'élevage de poulets.

Le parcours de Colette n’est qu’un témoignage parmi tant d’autres de l'intérêt d’investir dans le potentiel des femmes et de la nécessité d’agir davantage dans ce sens. Le rôle des femmes pour améliorer les conditions de vie des familles et des communautés est absolument crucial, et il est possible de faire en sorte que cette ressource ne soit pas négligée en adoptant les interventions, les politiques et les comportements appropriés.

Hélas, les avancées féminines se heurtent à des obstacles qui semblent souvent insurmontables. Les femmes paient un tribut plus lourd que les hommes à la pauvreté, aux discriminations et à l’exploitation. À Madagascar, elles sont largement exclues de la vie économique et politique, et subissent encore trop souvent le poids de stéréotypes et de normes socioculturelles qui les freinent dans leurs ambitions. Parmi les 151 députés nouvellement élus à l'Assemblée nationale, 24 seulement sont des femmes, tandis que l’actuel gouvernement ne compte que six membres féminins sur 22 ministres au total.

Le pays possède l’un des taux de violence sexuelle les plus élevés du monde : un tiers des femmes âgées de 15 à 49 ans ont été victimes d’au moins une forme de violence sexiste au cours de leur vie. Près de quatre femmes sur dix se marient avant leurs 18 ans. Dans le domaine du travail, la rémunération des hommes est supérieure de 37 % à celle des femmes, tandis que la probabilité que ces dernières soient au chômage est supérieure de 20 %.

Toutefois, les choses évoluent peu à peu. L’autonomisation des femmes est devenue récemment une priorité pour Madagascar, grâce à l’engagement capital de la première dame, qui a apporté un soutien vigoureux à l’adoption d’une loi contre les violences de genre. C’est la première fois qu’une législation est mise en place dans le pays pour protéger les femmes et les enfants contre les violences sexuelles, sociales et économiques.

Au cours de mon séjour, j’ai eu l’immense plaisir de m’entretenir avec des femmes qui se distinguent dans des champs divers : des membres du gouvernement et du Parlement, mais aussi des représentantes de la société civile et du secteur privé. J’ai aussi rencontré une jeunesse féminine dont le dynamisme pourrait pousser Madagascar très loin en avant. Il est encourageant de voir le courage et la volonté dont font preuve ces jeunes femmes pour avancer envers et contre tout. Leur ambition est un moteur essentiel pour propulser le pays dans une tout autre dimension.

L’avenir de Madagascar repose sur l’émergence d’une classe moyenne indispensable au maintien d’une stabilité économique et politique, elle-même nécessaire pour créer les emplois dont les jeunes Malgaches ont besoin. L’essor de cette classe moyenne prendra du temps, il nécessitera des réformes et l’appui du secteur privé. Et il ne se fera pas sans les femmes, ce qui signifie leur donner plus de responsabilités, la possibilité d’exercer leurs talents au même titre que les hommes et les mêmes opportunités.

En poursuivant dans la bonne direction, Madagascar pourra construire un avenir à la hauteur des attentes de sa population. Supposons que Colette n’ait pas reçu 80 dollars, mais 100, et que l’on ait multiplié ces investissements partout dans le pays avec, à la clé, l'égalité d’autonomie entre hommes et femmes. Je vous laisse imaginer les immenses retombées qui en découleraient pour les individus et les communautés. L’avenir est plein de promesses pour Colette, pour toutes ces femmes que j’ai rencontrées et pour leur pays. 


Auteurs

Diarietou Gaye

Ancienne vice-présidente du Groupe de la Banque mondiale pour le personnel et la culture institutionnelle

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