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Pour un avenir sans violence : donner une voix et des soins aux survivantes

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Pour un avenir sans violence : donner une voix et des soins aux survivantes Pour un avenir sans violence : donner une voix et des soins aux survivantes

Esther (a) n'a que 16 ans quand sa vie est bouleversée à jamais. Partie chercher de l'eau dans les environs de Bukavu, en République démocratique du Congo (RDC), elle est kidnappée, attachée à un arbre et violée. Après quatre jours de supplices, Esther parvient à s'échapper, avant de tomber dans les griffes d’un autre homme qui, sous prétexte de la secourir, la violente à son tour. Elle réussira finalement à se rendre à l'hôpital de Panzi, où elle découvrira qu'elle est enceinte.

L'histoire d'Esther n'a rien d'exceptionnel. Les violences contre les femmes sont un fléau mondial : une femme sur trois subit des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Mais le taux de violences conjugales est 34 % plus élevé dans les pays touchés par un conflit que dans les pays en paix. Et comme au cours des trois dernières décennies les conflits violents ont atteint des niveaux historiques, les femmes et les enfants en subissent les effets de plein fouet et pendant longtemps. L’ONU fait état d’une montée des violences contre les femmes dans plusieurs pays depuis le début de la pandémie de COVID-19, en particulier en ce qui concerne les violences domestiques.

Selon le colonel Bodeli, le chef de la police de la province du Sud-Kivu en RDC, les rebelles considèrent le viol comme une arme de guerre : « En Afrique, la femme est un pilier de la famille et de la communauté. Si vous la blessez et que vous ébranlez sa confiance dans la vie, vous brisez la vie de famille. Si ce sentiment imprègne toute une société, alors ses membres seront moins susceptibles d'opposer une résistance aux rebelles. »

Les guerres et les conflits ont toujours eu des répercussions disproportionnées sur les femmes et les enfants, et cet impact peut se perpétuer sur plusieurs générations, nuisant aux progrès en matière de santé, d'éducation et d'emploi. Aujourd'hui, l’ampleur des déplacements forcés de population dans le monde provoque une crise sans précédent, les femmes représentant plus de la moitié de toutes les personnes déplacées.

Autant de faits alarmants qui devraient nous faire réfléchir, car ils ont des répercussions importantes sur le plan de la lutte contre la pauvreté. Pour inverser la tendance et aider les personnes les plus touchées, nous devons nous attaquer aux causes profondes de la violence et assurer une prise en charge globale aux victimes. Ces efforts doivent impliquer une approche qui mobilise l'ensemble de la société, avec des solutions provenant des gouvernements, des communautés, de la société civile et du secteur privé pour relever des défis que la crise du coronavirus a exposés au grand jour.

C'est pourquoi la Banque mondiale renforce son engagement pour lutter contre les violences de genre dans les États fragiles et en conflit, notamment en travaillant avec la Fondation et l'hôpital de Panzi en RDC. L'objectif de la Banque mondiale est de faire évoluer les normes sociales en promouvant l'égalité des sexes et les changements de comportement grâce à une collaboration soutenue avec les organisations de la société civile. Cette démarche s’articule autour de trois axes essentiels.

La première étape consiste à fournir une prise en charge globale aux femmes qui ont subi des violences sexuelles.

Pour l'équipe de l'hôpital de Panzi, cela signifie répondre aux besoins des victimes par des soins cliniques et le traitement des blessures gynécologiques et physiques, des conseils psychologiques, une assistance juridique et un soutien socio-économique par le biais notamment de cours d’alphabétisation, de formations pour la gestion de petites entreprises et de programmes de microcrédit.

Deuxièmement, il s'agit non seulement de protéger les femmes dans les situations de conflit, de guerre et de violence, mais aussi de leur permettre de faire partie de la solution. Selon l'OCDE, lorsque les femmes participent activement à la consolidation de la paix et au renforcement de l'État, les chances de paix et de résilience s'améliorent considérablement. Pour apporter un soutien transformateur à l'égalité hommes-femmes dans les contextes fragiles, il faut non seulement faire plus, mais aussi agir autrement, notamment en ayant une meilleure compréhension des causes profondes de l'inégalité entre les sexes et de la fragilité. Il faut notamment investir dans l’accès des filles à l’enseignement secondaire, élément important de toute approche globale en faveur de l’autonomisation des femmes.

Afin de soutenir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes dans les situations de fragilité et de conflit, la Banque mondiale s’attache à donner aux femmes la possibilité de jouer un rôle positif dans la société et de faire entendre leur voix dans le processus décisionnel. Nous promouvons également le développement de la recherche afin d’acquérir une meilleure compréhension des discriminations fondées sur le sexe et des normes de genre, ainsi que des inégalités hommes-femmes en matière d'accès aux opportunités économiques.

Enfin, nous investissons dans les femmes afin de lutter contre les répercussions intergénérationnelles des conflits. Il est prouvé (a) que lorsque la mère contrôle les ressources, l'impact positif sur la santé et l'éducation des enfants est plus fort que lorsque les ressources sont contrôlées par le père.

Alors que nous célébrons les nombreuses réalisations des femmes dans notre société, nous devons également continuer à prendre des mesures qui placent les femmes au centre des efforts visant à briser l’engrenage de la pauvreté, en particulier dans des contextes de guerre et de violence. Les femmes comme Esther exigent notre vigilance, notre respect et notre soutien. Elle est aujourd'hui la mère de Josue, un garçon d'un an en bonne santé, et c'est une survivante stoïque et digne. Nous devons lutter contre les répercussions intergénérationnelles des conflits sur la société et ouvrir la voie à la sécurité et à la prospérité pour tous.


Auteurs

Denis Mukwege

Nobel Peace Prize Winner and Founder of Panzi Hospital, Democratic Republic of the Congo

Louise Cord

Directrice mondiale, pôle Développement social, Banque mondiale

Jean-Christophe Carret

World Bank Country Director for the Middle East Department

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