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Madagascar face au défi énergétique : Libérer l’investissement privé pour accroître et améliorer l’accès à l’énergie

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Madagascar face au défi énergétique : Libérer l’investissement privé pour accroître et améliorer l’accès à l’énergie Parc solaire développé par un opérateur privé à Fort-Dauphin, Madagascar / Tsiky Ranaivoarisoa, 2023

Madagascar s’est fixé un objectif ambitieux : atteindre 80 % d’accès à l’électricité et augmenter la part des énergies renouvelables à au moins 85 % dans le mix énergétique d’ici 2030. Pour y parvenir, le pays devra mobiliser plus de 7,2 milliards de dollars d’investissements. Le secteur privé est appelé à jouer un rôle central en apportant plus de 4,5 milliards de dollars, soit 60 % du financement total requis.

Madagascar, malgré son immense potentiel en énergies renouvelables, fait face à l’un des plus grands déficits d’accès à l’électricité au monde. Seuls 36 % de la population ont accès à l’électricité, et même pour ceux qui en bénéficient, le service reste souvent instable. Les récents délestages massifs perturbent lourdement les ménages et les entreprises. Cette situation souligne une évidence : si un secteur mérite une attention immédiate pour soutenir la croissance du pays, c’est bien celui de l’énergie.

La crise énergétique à Madagascar résulte de plusieurs facteurs accumulés au fil des décennies : la dépendance de la compagnie nationale d’eau et électricité, la JIRAMA, au fuel, la baisse de la production hydroélectrique en raison du manque d’eau, les déficits financiers et opérationnels de la JIRAMA, la vétusté des infrastructures de production, de transport et de distribution de l’électricité, entraînant des pertes considérables.

Sans actions immédiates, ces longues coupures d’électricité risquent de se répéter l’année prochaine et au-delà. Il est donc urgent d’agir. À court terme, Madagascar doit renforcer sa capacité de production électrique en prenant plusieurs mesures essentielles : rénover les centrales existantes de la JIRAMA, encourager rapidement le secteur privé à développer et construire de nouvelles centrales solaires, moderniser les infrastructures existantes du secteur privé et renforcer le réseau de transport et de distribution de la JIRAMA pour limiter les pertes et garantir un service plus stable.

Nous nous réjouissons de voir le Président Andry Rajoelina s’engager, aux côtés de 30 autres chefs d’État africains, lors du Sommet africain de l’énergie « Mission 300 » en janvier 2025 en Tanzanie, à mettre en place des réformes et des actions concrètes pour garantir un accès élargi à une énergie fiable, abordable et durable. Madagascar fait partie des 12 pays ayant présenté leur Pacte Énergétique National. Pour Madagascar, le Pacte Énergétique vise à raccorder 2,2 millions de personnes par an, dont 1,8 million grâce aux mini-réseaux privés et aux kits solaires individuels. Ce Pacte met aussi l’accent sur la création d’un environnement favorable à l’investissement privé et cherche à mobiliser 4,5 milliards de dollars auprès du secteur privé.

La participation du secteur privé est cruciale pour résoudre la crise énergétique de Madagascar. Mais pour libérer son potentiel, il est impératif de créer un climat de confiance et un cadre propice à l’investissement. Cela passe notamment par l’amélioration de la viabilité financière et opérationnelle de la JIRAMA et un environnement d’investissement fiable où les investisseurs sont assurés de rentabiliser leurs projets.

Si ces conditions sont réunies, à court terme, le secteur privé pourrait accroître la capacité de production d’au moins 130 MW d’ici fin 2026, réduisant ainsi les coupures et permettant aux ménages et aux entreprises de fonctionner de manière plus stable.

Cependant, mobiliser des investissements privés pour la production d’électricité sur le réseau est aujourd’hui extrêmement difficile. La JIRAMA traverse une crise financière majeure, avec un déficit annuel d’environ 250 millions de dollars et des arriérés de paiement atteignant 400 millions de dollars, ce qui complique le règlement des fournisseurs privés et freine de nouveaux investissements. Sans le soutien du secteur privé, atteindre 80 % d’accès à l’électricité d’ici 2030 sera impossible.

Notre expérience du projet LEAD (Least-Cost Electricity Access Development) montre bien l’impact positif et la valeur ajoutée du secteur privé. Ce projet soutient une vingtaine d’entreprises privées qui desservent des zones isolées et difficiles d’accès. De plus, le Fonds de développement des marchés hors réseau (OMDF), mis en place pour accompagner le secteur privé, a déjà permis à 1,5 million de personnes (303 000 connexions) d’accéder à l’énergie. Le Fonds DECIM, doté de 97 millions de dollars et lancé le 23 janvier 2025 dans le cadre du projet DECIM (Digital and Energy Connectivity for Inclusion in Madagascar), viendra renforcer ces efforts en soutenant l’expansion des résultats de l’OMDF.

Nous avons eu l’opportunité d’échanger avec plusieurs entreprises privées, et la bonne nouvelle est qu’elles sont prêtes et enthousiastes à investir dans le développement de nouvelles infrastructures énergétiques à Madagascar, que ce soit en hydroélectricité, en solaire ou via d’autres sources. Si ces investissements se concrétisent, Madagascar pourrait franchir une étape décisive vers un accès généralisé à l’électricité, améliorant ainsi la vie de millions de personnes et dynamisant la croissance des entreprises locales.

Au Groupe de la Banque mondiale, nous sommes convaincus que les partenariats et la collaboration sont essentiels pour accélérer l’accès à l’énergie en Afrique. Nous sommes fermement engagés aux côtés de Madagascar pour accompagner cette transformation à travers des projets comme LEAD et DECIM, ainsi que des réformes du secteur de l’énergie. Nous sommes prêts à renforcer notre soutien financier et technique. Cependant, nous appelons le gouvernement à poursuivre les réformes indispensables pour assurer la viabilité financière de la JIRAMA et à faciliter activement l’implication du secteur privé.

C’est ensemble, avec détermination, que nous pourrons réussir une véritable avancée énergétique à Madagascar. En donnant au secteur privé les moyens d’investir, nous pouvons ouvrir la voie vers un accès universel à l’énergie et éclairer l’avenir de millions de Malagasy.


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