Publié sur Nasikiliza

Profiter du mouvement citoyen vert pour protéger les forêts de Madagascar

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Lémuriens près de Ranomafana, Madagascar. Photo: Arne Hoel/Banque mondiale Lémuriens près de Ranomafana, Madagascar. Photo: Arne Hoel/Banque mondiale

Imperméables sur le dos et pelles entre les mains, je suis ravi de retrouver mes collègues du bureau de la Banque mondiale à Madagascar ce matin pluvieux de janvier 2020 pour planter 1000 plants sur la colline d’Ampangabe, à une vingtaine de kilomètres de la capitale Antananarivo. C’est notre contribution à la vaste campagne de reboisement initiée par le gouvernement dont l’objectif est de planter 60 millions d’arbres en un an pour freiner la déforestation préoccupante qui détruit chaque année plus de 100 000 ha de forêts du pays. 

Autrefois appelée l’île verte, Madagascar n’est plus recouvert que par 11,5 millions d’hectares de forêts. Le pays a perdu plus de 40 % de ses forêts naturelles au cours des six dernières décennies. Tous les dix ans, c’est un million d’hectares de forêts qui partent en fumées, défrichés et détruits, causant d’importants problèmes d’érosion de sols et de perte de biodiversité.

Madagascar fait partie des dix pays de la planète qui abritent un large échantillon de la biodiversité mondiale et possède l’un des écosystèmes les plus riches au monde. 95 % des mammifères, 90 % des plantes, 96 % des reptiles et 100 % des amphibiens qui vivent dans ses forêts sont endémiques. Ce qui veut dire que quand les forêts sont détruites, ces espèces le sont aussi. Près de 2 300 espèces endémiques sont directement menacées par la déforestation. La situation est particulièrement préoccupante pour les orchidées avec 158 espèces en danger critique d’extinction. Plus de la moitié (54 %) de la flore malgache est en danger.

Au-delà de la faune, la déforestation affecte également de nombreux Malgaches qui dépendent de la forêt pour, se nourrir, cuisiner, se chauffer ou se soigner. Quatre Malgaches sur cinq sont directement tributaires du sol, de l’eau et des forêts pour vivre. En 2019, à l’occasion d’une visite au parc de Masoala, la plus grande des aires protégées de l'île avec ses 235 000 ha de forêt tropicale humide, j’ai rencontré et discuté avec les habitants des alentours. Eliane Nivoarisoa, mère de cinq enfants, m’a notamment confié ne pas pouvoir imaginer une seconde de vivre sans la forêt. Elle y est née, y a grandi et vit de ses produits. Avec sa communauté, elle voudrait mettre en place un système de gestion locale de la forêt afin de la protéger mais aussi de bénéficier des avantages qu’elle offre comme les fruits, les bois séchés et les plantes médicinales. 

À Madagascar, les causes de la déforestation sont nombreuses. Parmi les plus pointées du doigt figurent le tavy, une technique de cultures d’abattis-brûlis nécessitant un défrichage de la forêt pour ensuite y mettre le feu, la production de charbon de bois pour la cuisson ou encore l’exploitation illicite des bois précieux.

Tout en défendant les droits des communautés locales à avoir accès et à utiliser les zones forestières, la Banque mondiale renforce le rôle des forêts dans la lutte contre la pauvreté à travers deux principaux programmes : le programme de réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation forestière (REDD+); et le projet d’agriculture durable par une approche paysage (PADAP) approuvé en 2017. Le premier consiste à rémunérer les efforts de réduction des émissions de carbone provenant de la déforestation et la dégradation des forêts. Dans ce cadre, Madagascar a développé un premier programme de réduction des émissions dans l’écorégion des forêts humides de l’est du pays, approuvé par le Fonds carbone. Il donnera lieu à un contrat de vente de crédits carbone de Madagascar pour un montant environnant les 50 millions de dollars. Le second programme entend réduire la dégradation des sols et des forêts, mieux gérer les ressources hydriques et renforcer de manière intégrée la productivité et les revenus des habitants. Grâce à son approche originale du paysage, le projet intègre les secteurs de l’agriculture, de l’eau et de l’environnement et aidera Madagascar à remplir son engagement auprès du Défi de Bonn qui vise à réhabiliter 4 millions d’hectares de forêts d’ici 2030.

Mais la réussite de la lutte contre la déforestation passera avant tout par l’implication des communautés locales. Dans de nombreux cas, celles-ci constatent déjà les conséquences de la déforestation sur leurs vies et leurs productions. Notre rôle est de les aider à comprendre pourquoi les choses changent, pourquoi les forêts sont importantes pour leurs activités et leur survie. Il est difficile pour les communautés locales de prendre conscience des différents impacts de la déforestation sans faire le lien avec leur quotidien. D’où l’importance de fournir, parallèlement aux deux programmes, un gros travail de sensibilisation.

Il ne suffira pas de planter des arbres. Mais reboiser, c’est le début d’une plus grande et vaste initiative pour sauver et préserver les forêts de Madagascar. Cet élan national vert qui a poussé 10 000 Malgaches à planter un million d’arbres sur plus de 500 hectares à Ankazobe le 19 janvier 2020 est déjà très encourageant. Nous devons profiter de cette prise de conscience collective spectaculaire sur l’urgence d’agir pour redonner à Madagascar son titre d’île verte, joyau de l’océan Indien.


Auteurs

Erik Reed

Spécialiste en gestion des ressources naturelles

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