Les efforts déployés par la République démocratique du Congo pour passer à une utilisation durable des terres produisent leurs premiers résultats dans la province de Mai Ndombe. C’est là un modèle encourageant pour d’autres pays cherchant à limiter le déboisement et la dégradation des forêts.
Alors que je regarde par le hublot du petit avion à hélices qui nous conduit à Inongo, la capitale de la province de Mai Ndombe en République démocratique du Congo (RDC), je suis frappée par le contraste des paysages. La région qui entoure Kinshasa, capitale tentaculaire de plus de 10 millions d’habitants, se caractérise par de grandes étendues de terres dégradées, sans aucun arbre. Tandis que nous nous dirigeons vers le nord et l’est, nous survolons des taches vertes disséminées dans la savane, mais, une fois arrivés au niveau du bassin du Congo, elles cèdent soudain place à des forêts à perte de vue. Mai Ndombe, ma destination finale, est une province de plus de 12 millions d’hectares, essentiellement couverte de forêts. Elle fait partie de l’un des écosystèmes tropicaux les plus importants qui subsistent encore sur notre planète.
Même si le rythme du déboisement en RDC est faible en comparaison avec d’autres pays d’Amazonie et d’Asie du Sud-Est, près d’un demi-million d’hectares (ce qui représente environ la superficie de l’État américain du Delaware) disparaissent chaque année. Dans ce pays, l’un des moins avancés du monde, le développement économique est une priorité absolue, et les forêts sont de plus en plus menacées.
Les autorités congolaises s’efforcent de lutter contre la disparition et la dégradation des forêts afin de faire face aux conséquences du changement climatique. Ces efforts (communément désignés par l’acronyme « REDD+ »), dont les effets bénéfiques sont visibles tant pour la population que pour les forêts, m’ont particulièrement impressionnée lors du dernier voyage que j’ai effectué dans la province de Mai Ndombe en compagnie de son gouverneur, Gentiny Ngobila.
Le programme de réduction des émissions (a) dans la province Mai Ndombe est le premier au monde à avoir été sélectionné pour être intégré au Fonds carbone du Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) (a) en décembre 2016. Ce programme de lutte à grande échelle contre les émissions constitue la première étape de la mise en œuvre de la stratégie nationale REDD+ au niveau local. Il pourrait fournir un modèle de développement vert dans le bassin du Congo, et permettre une évaluation en grandeur réelle de l’action climatique sur le continent africain.
Les résultats que nous avons récemment pu observer par nous-mêmes sont ceux d’un projet d’investissement qui a jeté les bases du programme de lutte contre les émissions dans la province de Mai Ndombe. Depuis 2015, et grâce à une aide de 37 millions de dollars (a) provenant du Programme d’investissement forestier (PIF) (a), la RDC s’emploie à lutter contre la déforestation imputable à la demande de produits agricoles et de bois de feu autour de Kinshasa. Durant notre voyage, nous avons constaté, dans le district du Plateau de la province de Mai Ndombe, que des activités étaient spécifiquement déployées pour améliorer les moyens de subsistance des populations et la gestion des paysages forestiers.
Rien que dans ce district, la planification de l’utilisation des terres est définie par environ 200 groupes, composés de chefs locaux, de femmes et d’autres membres de la communauté. Les plans de gestion ainsi élaborés localisent les zones à protéger et celles pouvant être utilisées pour une production durable. Toutes ces activités de planification respectent le principe du consentement libre, préalable et éclairé des acteurs locaux.
Les participants au projet ont déjà fait pousser plus de 100 000 plants d’acacia, et tirent des revenus de ces plantations destinées à restaurer des terres dégradées. Le choix s’est porté sur l’acacia, car c’est un arbre qui se développe vite et qui peut rapidement fournir du bois (servant de combustible et pour la construction), ce qui permet de préserver les forêts naturelles. À ce jour, une soixantaine de contrats de paiement de services environnementaux (PSE), supervisés par le Fonds mondial pour la nature (WWF) en tant que partenaire de mise en œuvre, ont été signés avec les comités de développement local dans le cadre de ces activités de reboisement. Voici comment fonctionnent ces contrats qui reposent sur un système de paiement innovant. Tout d’abord, les participants reçoivent 0,10 dollar par plant d’acacia produit. Trois mois après avoir préparé les terres dégradées, avec l’aide du projet, et mis les plants en terre, ils reçoivent leur première rémunération (75 dollars par hectare). Neuf mois plus tard, ils reçoivent un deuxième paiement (50 dollars par hectare) à condition d’avoir bien entretenu les plants. Et 27 mois après les premières plantations et après la saison sèche, ils encaissent un troisième paiement (25 dollars par hectare) si les arbres poussent bien.
La RDC pourra s’appuyer sur les résultats du programme mis en œuvre dans la province de Mai Ndombe pour négocier, avant la fin de l’année, son accord de paiement de réductions d'émissions (ERPA). Ce mécanisme de paiement fondé sur les résultats au regard des activités REDD+ du Fonds carbone du FCPF aidera la RDC à passer à une utilisation durable de ses terres et à protéger ses forêts. À l’heure où les négociations sur l’ERPA s’apprêtent à s’ouvrir, les effets des activités REDD+ que nous avions toujours espérés commencent à se matérialiser en RDC.
Dans cinq ans, le survol de la région qui va de Kinshasa à Inongo pourrait donner à voir un paysage très différent.
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