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Le déploiement des innovations dans l’agriculture : coup de projecteur sur l’Afrique

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Le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest est en train de mettre en place un système alimentaire soutenable et équilibré afin de créer des emplois pour les jeunes. Photo: Dasan Bobo/Banque mondiale

Peu de débouchés intéressants, des rendements qui ne décollent pas et des exploitations de petite taille : voilà ce à quoi les débats réduisent le secteur agroalimentaire africain depuis trop longtemps.

Certes, en dépit des efforts entrepris récemment pour accroître les investissements, l’Afrique ne fournit encore aujourd’hui qu’une quantité bien insuffisante de denrées et de produits à valeur ajoutée, et, comme le montre un rapport de 2018 sur l’état de l’agriculture en Afrique (a), la productivité agricole stagne globalement depuis les années 80. En outre, dans des zones sensibles comme le Sahel, la région des Grands Lacs et la Corne de l’Afrique, le problème de l’insécurité alimentaire va se poser de manière d’autant plus aiguë qu’il est aggravé par les conséquences du changement climatique. Mais, au-delà de ces constats, on assiste actuellement à une transformation de l’agriculture africaine impulsée par la hausse de la demande alimentaire, la progression de l’urbanisation et l’émergence d’une classe moyenne en quête de nouvelles opportunités d’investissement. À cet égard, plusieurs tendances me semblent particulièrement prometteuses en Afrique : la hausse rapide du PIB par habitant, un taux de croissance agricole qui s’est établi en moyenne à 4,6 % entre 2000 et 2017 et, la montée en puissance d’agriculteurs enclins à investir qui ont l’esprit d’entreprise, un bagage éducatif et accès à des capitaux (a).

Que faisons-nous à la Banque mondiale pour favoriser la transformation de l’agriculture en Afrique ? Voici trois exemples que je souhaiterais mettre en lumière :

Diffuser l’adoption de semences améliorées grâce au Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest

En raison de la taille relativement modeste des pays d’Afrique de l’Ouest, ces derniers n’ont guère la possibilité de réaliser des économies d’échelle dans la recherche agronome et de mettre au point des variétés à plus haut rendement. Le Programme de productivité agricole en Afrique de l’Ouest (PPAAO) s’est donc attaché à mettre en place des centres de recherche dédiés à des filières spécifiques (maïs ou aquaculture par exemple) ainsi que des réglementations harmonisées afin de faciliter la circulation de variétés améliorées entre les pays. Après avoir débuté dans trois pays, le projet en couvre 13 désormais. Ses résultats sont éloquents : le PPAAO recense à ce jour environ 9 millions de bénéficiaires, il s’étend sur quelque 4,8 millions d’hectares et a permis la diffusion de 200 technologies améliorées. Les revenus ont augmenté en moyenne de plus de 30 %, et plus d’un millier de scientifiques ont bénéficié d’une bourse de master ou de doctorat.

Relier les agriculteurs aux marchés grâce à des alliances productives

Comment mieux relier les agriculteurs aux marchés ? Cette question particulièrement épineuse peut être résolue en appliquant une approche qui renforce les liens entre les producteurs, les acheteurs et le secteur public. Une « alliance productive » (a) met en relation des petits producteurs, un ou plusieurs acheteurs et le secteur public dans le cadre d’un plan de développement qui leur permettraient de renforcer leurs capacités et leurs techniques de production.

Cette approche est modulable en fonction des caractéristiques du marché. Elle a été expérimentée en Colombie avant d’être déployée dans dix pays d’Amérique latine, dont le Brésil, Haïti et le Pérou. Les alliances productives sont aujourd’hui en cours de déploiement en Asie et en Afrique, au profit notamment de nombreuses familles du Mali et de Sierra Leone (a).

Tirer le triple bénéfice d’une agriculture climato-intelligente

Face au défi climatique, l’Afrique a indubitablement besoin d’améliorer son système alimentaire pour faire en sorte qu’il améliore la productivité agricole, tout en renforçant sa résilience aux dérèglements du climat et en réduisant ses émissions de gaz à effet de serre (GES). La Banque a accru considérablement son appui à cette agriculture « climato-intelligente » en soutenant des coalitions en faveur d’une action à grande échelle, en menant des travaux analytiques avec ses partenaires et en apportant une aide opérationnelle aux pays. La Banque collabore avec le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR), le plus grand réseau mondial d’innovation agricole, à la réalisation de rapports détaillés permettant de mettre en évidence les pratiques agricoles climato-intelligentes à l’œuvre dans chaque pays ainsi que les possibilités d’amélioration — en Afrique, le Kenya, le Rwanda ou encore l’Ouganda (a) ont déjà fait l’objet de ce type d’étude. Nous aidons également les pays à élaborer des plans d’investissement climato-intelligents. Tous nos projets sont évalués à l’aune du risque climatique et leurs émissions de gaz à effet de serre comptabilisées, tandis que nous nous efforçons aussi d’identifier systématiquement dans chaque opération la possibilité d’intégrer des actions climato-intelligentes. En 2018, 45 % de nos prêts alloués au secteur de l’agriculture avaient des retombées positives sur le plan de l’atténuation des émissions et de l’adaptation au changement climatique.

Quels enseignements tirer de ces exemples ? Premièrement, pour mieux appréhender les possibilités de déploiement à grande échelle d’une initiative, il est indispensable d’effectuer une analyse systématique au stade de la conception du projet afin de bien y intégrer les opportunités mais aussi les risques et d’y expliciter les modalités d’extension. Deuxièmement, le fait de procéder par étapes, comme dans le cas de la mise en œuvre du PPAAO, permet de déployer de manière systématique une initiative entre plusieurs pays en assurant sa durabilité. Troisièmement, il est capital de s’adapter à chaque situation en fonction des leçons de l’expérience et de reconnaître qu’il n’y a pas de modèle unique — comme dans le cas des alliances productives, où les programmes ont été adaptés pour prendre en compte les réalités locales et gagner ainsi en efficacité. Enfin, personne ne peut agir seul : dans tous les exemples présentés ici, les partenariats ont joué un rôle déterminant, qu’il s’agisse de la collaboration avec le CGIAR, des coalitions comme l’alliance pour une agriculture climato-intelligente ou de la participation d’acteurs du secteur privé.


Auteurs

Simeon Ehui

Directeur régional pour le développement durable en Afrique, Banque mondiale

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