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Le défi de la mobilite urbaine à Abidjan

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On me demande souvent comment je vois l’avenir économique de la Côte d’Ivoire. Une de mes certitudes est que le pays sera urbain. Déjà plus de la moitié de sa population vit en ville et cette proportion devrait atteindre deux tiers en 2050, notamment avec l’expansion d’Abidjan qui abritera plus de 10 millions d’habitants.

L’urbanisation de la Côte d’Ivoire est en principe une bonne nouvelle car les pays les plus urbanisés sont aussi les plus riches. Tant la théorie économique que l’expérience historique ont démontré que, l’urbanisation était un vecteur puissant de développement économique à travers l’émergence d’effets d’agglomération et un meilleur accès des populations aux infrastructures et aux services sociaux. Ce n’est donc pas un hasard si approximativement 80 % des entreprises formelles du pays se concentrent à Abidjan et que les travailleurs y soient rémunérés en moyenne deux fois plus qu’ailleurs. Les taux de fréquentation scolaire y sont aussi plus élevés, comme pratiquement tous les autres indicateurs d’accès aux services sociaux et d’infrastructure de base.

Pourtant, si le lien entre urbanisation et développement économique est réel, il n’est pas automatique. Entre 2008 et 2014, la pauvreté a augmenté à Abidjan (+7 points) alors qu’elle a diminué (-6 points) dans les zones rurales. L’augmentation de la précarité urbaine se traduit par un manque de logements, une saturation des services sociaux et une insécurité plus forte. Bref, si l’on vit mieux en général à Abidjan que dans les campagnes, il semble que l’on y vive de moins en moins bien.

Parmi les tracas quotidiens de la vie urbaine se trouvent le coût et le temps perdu dans les transports. Difficile d’imaginer une ville productive et efficiente quand les déplacements sont lents et onéreux. Aujourd’hui, à Abidjan, les ménages les plus pauvres, quand ils ne renoncent pas à se déplacer, dépensent en moyenne 20 à 30 % de leur revenu dans les transports et passent 200 minutes par jour à les utiliser ou les attendre. À ces coûts s’ajoutent les pertes de compétitivité pour les entreprises ainsi que l’insécurité et la pollution. Au bout du compte, le dernier rapport sur la situation économique en Côte d’Ivoire, que nous publions aujourd’hui, estime que le manque de mobilité au sein de l’agglomération d’Abidjan fait perdre jusqu’à 4-5 % de son revenu national à la Côte d’Ivoire.

Améliorer la mobilité urbaine devient donc un impératif économique et social, non seulement pour Abidjan mais pour l’ensemble de la Côte d’Ivoire. Dans ce sens, l’adoption du plan d’aménagement du Grand Abidjan en 2016 a été une avancée notoire car il propose une vision cohérente sur la manière dont la ville devrait se développer au cours des prochaines décennies. Mais cette vision a encore besoin d’être accompagnée par un cadre institutionnel fort car les responsabilités sont aujourd’hui éparpillées entre diverses institutions gouvernementales, ce qui nuit à une prise de décision rapide, à la mise en œuvre et à la coordination de l’action ainsi qu’au suivi des résultats et, à la redevabilité de l’administration publique.

Il sera tout aussi important d’articuler cette vision de l’espace urbain autour d’un réseau de transport moderne et intégré. Parce que 80 % des déplacements urbains se font encore à pied et dans des transports non conventionnés (taxis collectifs et minibus), il faudra donner la priorité à des modes de transport de masse sur les axes principaux de l’agglomération, comme des lignes de métro et de bus à haut niveau de service (BHNS), car eux-seuls pourront réduire les coûts et les embouteillages. En parallèle, l’accès des usagers au premier kilomètre (en dehors de leur foyer) devra être facilité par une réorganisation des transports non conventionnés et de la compagnie publique de bus-SOTRA – qui souffrent aujourd’hui de nombreuses défaillances.

La ville de demain devra aussi miser sur les nouvelles technologies. Les nouveaux outils de communication favorisent les déplacements virtuels plutôt que physiques, réduisant ainsi les encombrements. L’usage de censeurs électroniques permet d’améliorer la gestion des flux de circulation ainsi que l’identification des mauvais conducteurs en temps réel. Enfin, les nouvelles plateformes électroniques et l’usage de paiements en ligne, offrent un meilleur partage de l’information et permettent aux usagers de minimiser les temps d’attente et les coûts de transactions.

J’aimerais conclure en soulignant l’urgence d’agir rapidement car l’agglomération urbaine du Grand Abidjan va continuer de s’agrandir au cours des prochaines années. L’expérience de Paris et Londres au XIXe siècle a montré qu’il a fallu détruire des logements et déplacer des gens ainsi que des entreprises lorsque la densité de population devenait trop élevée. Parce que je crois que la Côte d’Ivoire est arrivée à ce moment stratégique, il n’y a plus de temps à perdre.


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