Le jour vient de se lever au Bénin et Solange, une jeune mère, dépose son enfant dans l’une des nouvelles crèches avant de se rendre à son travail, dans l’entretien des lampes solaires. Il y a encore quelques années, elle ne pouvait pas travailler, comme beaucoup de femmes dans le pays, faute d’une réelle formation professionnelle ou d’accès à des services de garde d’enfants. Aujourd’hui, grâce au soutien du programme Azôli déployé au Bénin, elle travaille avec d’autres femmes de son village dans un domaine novateur, habituellement dominé par les hommes.
Les normes sociales poussent souvent les filles comme Solange à abandonner l’école, à se marier tôt et à assumer la charge des tâches ménagères. Au Bénin, une femme sur trois en âge de travailler n’a toujours pas les moyens de trouver un emploi et de gagner sa vie. Parmi les femmes en mesure de participer à la vie active, huit sur dix déclarent être sous-employées, contre six hommes sur dix. Sans les compétences requises, les femmes se retrouvent systématiquement dans des emplois moins bien rémunérés qui leur rapportent la moitié du salaire des hommes (a).
Ce cercle vicieux perpétue les inégalités entre les sexes, exacerbe les vulnérabilités des femmes et entrave leur participation à l’économie.
« La voie vers l’emploi »
Pour lutter contre le chômage et le sous-emploi des femmes et des jeunes ayant peu ou pas accès à l’éducation, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE) du Bénin a lancé le programme « Azôli », qui intègre les différences entre les sexes, dans le cadre du projet d’inclusion des jeunes de la Banque mondiale (a).
Depuis son déploiement national en octobre 2021, le programme Azôli, dont le nom signifie « parcours vers l’emploi » en langue fon, a touché près de 34 000 jeunes Béninois, dont 51 % de femmes. Il s’agit là d’une nette amélioration par rapport à la participation féminine de 40 % aux programmes d’emploi précédents.
Pour favoriser l’autonomisation des femmes, le Bénin a collaboré avec le Partenariat pour l’inclusion économique (PEI) — une plateforme mondiale hébergée par la Banque mondiale qui réunit des organisations non gouvernementales, des agences des Nations Unies, des instituts de recherche et des partenaires financiers — afin d’adopter et d’étendre des programmes d’inclusion économique qui aident les personnes vulnérables à se sortir de l’extrême pauvreté.
Trois innovations sensibles au genre mises en œuvre dans le cadre du programme permettent de tirer de nouveaux enseignements en matière d’autonomisation des femmes et d’augmentation de l’inclusion économique.
1. Offrir des services de garde d’enfants pour que les mères puissent participer
Après avoir analysé les raisons pour lesquelles les jeunes femmes n’exercent pas d’emploi salarié, le programme a mis en place des services de garde d’enfants pour les participantes, ce qui s’est avéré particulièrement utile pour les jeunes mères qui souhaitaient travailler et suivre un apprentissage.
À la fin juin 2024, 18 espaces communautaires d’accueil des enfants (ECAE) avaient été créés pour soutenir le programme, employant des mères de la communauté, formées pour devenir prestataires. L’ECAE a accueilli 197 nourrissons âgés de quatre mois à trois ans. Pour les jeunes mères comme Solange, cette offre a été un tournant décisif.
« Sans la garderie, il m’aurait été presque impossible de participer aux séances de formation. Je ne pouvais pas avoir mon enfant sur le dos, m’occuper d’elle et assimiler les enseignements », explique Solange.
Le programme comprenait également des activités de sensibilisation aux inégalités entre les sexes, des mécanismes d’orientation pour les personnes confrontées à la violence basée sur le genre et des supports de formation élaborés en partenariat avec le ministère béninois des Affaires sociales et de la Microfinance.
2. Donner aux pouvoirs publics les moyens de s’attaquer aux inégalités entre les sexes
Les femmes sont souvent soumises aux normes sociales et à la discrimination sexuelle sur le marché du travail. Fournir aux agents publics des outils et des connaissances sur les questions d’équité entre les genres peut contribuer à sensibiliser la population et à amener un changement durable.
Des sessions de renforcement des capacités ont été organisées aussi bien pour l’ANPE que pour les agents municipaux afin de les aider à accompagner efficacement les participants au programme Azôli. Le programme de formation, d’une durée de 16 heures, comprenait des sessions sur le marché du travail, les politiques d’emploi, l’information et le conseil pour les demandeurs d’emploi, les relations avec les employeurs, la gestion des partenariats ainsi que les questions d’équité entre les sexes.
Les agents ont appris comment surmonter les obstacles à l’emploi auxquels se heurtent les femmes, notamment le manque d’accès à un compte bancaire, les restrictions imposées par les maris ou les parents ou encore le soutien limité à la garde d’enfants. À l’issue de la formation, un agent local de l’emploi a déclaré : « Il y a des aspects de la spécificité du genre que j’ignorais avant la formation. Aujourd’hui, je suis mieux équipé pour aider et conseiller les jeunes de ma localité ».
Le financement a également soutenu l’élaboration d’un nouveau manuel opérationnel et l’adaptation de modules de formation pour répondre aux besoins des jeunes vulnérables, peu ou pas instruits.
3. Prendre en compte les retours d’information des participants dans le processus d’exécution
Un an après le début du programme, une enquête et une étude ont été utilisées pour contribuer à l’adapter et soutenir le parcours des jeunes femmes vulnérables vers l’emploi.
Les résultats montrent que les jeunes ayant peu d’éducation, en particulier les femmes, sont souvent mal à l’aise pour s’exprimer et présenter leurs objectifs professionnels. « Il faut d’abord leur donner une chance et renforcer leur confiance, avant qu’elles ne se rendent compte qu’elles en sont capables », souligne un employeur pour décrire les jeunes candidates qu’il rencontre.
Cependant, tous les employeurs n’ont pas ces qualités de mentors qui peuvent aider à renforcer la confiance en soi de leurs employés. Pour relever ce défi, l’équipe du programme œuvre aux côtés de l’ANPE afin de mettre à jour la formation aux compétences de vie et à l’emploi et la rendre largement accessible. Le contenu de ces programmes de formation s’appuie sur un projet antérieur sur l’emploi des jeunes (a), qui s’est révélé très efficace pour promouvoir l’augmentation des revenus chez les femmes.
Un démarrage modeste mais à fort potentiel
La réduction des inégalités entre les sexes et l’amélioration de l’accès des femmes à des emplois de meilleure qualité impliquent un processus à long terme qui nécessite des initiatives multidimensionnelles à grande échelle. Le programme Azôli a montré que le fait d’identifier et de surmonter les obstacles spécifiques auxquels les femmes vulnérables sont confrontées, grâce à des retours d’information réguliers et à la collecte de données, peut soutenir ce processus. De même, le renforcement des capacités des pouvoirs publics est essentiel pour favoriser la capacité d’agir et faire en sorte que le personnel local puisse soutenir les femmes plus efficacement.
Le soutien des partenaires est également essentiel. Le financement et l’assistance technique du PEI ont contribué à ouvrir la voie en produisant des données probantes et des connaissances pour les traduire en actions concrètes par le biais de l’ANPE, en collaboration avec d’autres organismes publics, des employeurs, des associations de travailleurs et des partenaires de développement. Un début modeste certes, mais à fort potentiel, qui permettra à l’ANPE de faire avancer durablement le programme d’action en faveur de l’égalité des sexes au Bénin.
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