En parcourant le Sahel, j’ai vu comment les conflits, la pauvreté, les catastrophes naturelles et le changement climatique viennent enrayer la trajectoire de développement de la région et aggraver les déplacements de population et l’insécurité alimentaire. Mais j’ai vu aussi l’espoir et la résilience, et la confirmation de la vocation de notre institution à changer les choses.
Il y a un an — en février 2020 — je me suis rendu au Sahel et j’ai écouté les luttes quotidiennes des habitants et leurs incroyables récits de résilience face à l’adversité. Je me souviens en particulier d’une femme rencontrée dans un village proche de Niamey, au Niger. En me montrant ses mains, marquées par toute une vie de labeur, elle m’a confié qu’elle ne voulait pas que ses enfants connaissent les mêmes difficultés. Cette mère nigérienne a dit son espoir que le projet communautaire financé par la Banque mondiale transforme véritablement les perspectives d’avenir de ses enfants. Peu après, la pandémie de COVID-19 s’est abattue sur le Niger. J’ai appris avec tristesse qu’Issaka Assane Karanta, le gouverneur de la région de Niamey, qui m’avait accompagné lors de cette visite, avait été infecté par le virus et était décédé il y a un mois.
Outre son bilan humain, la COVID-19 provoque la plus grave récession que le Sahel ait connue depuis l’indépendance et plonge 1,3 million de personnes de plus dans l’extrême pauvreté. Ce défi s’ajoute à la violence qui s’est propagée au cours des deux dernières années, du nord du Mali au centre du pays et à travers la région des trois frontières, où le Mali borde le Niger et le Burkina Faso. Le nombre de personnes qui fuient la violence dans la région a été multiplié par quatre, et on compte aujourd’hui 2 millions de déplacés internes. Dans le sillage de la crise de la COVID, comment pouvons-nous aider à inverser cette tendance à la fragilité et placer la région du Sahel sur une trajectoire de reprise résiliente ?
Pour les pays du Sahel et la communauté internationale, c’est le moment d’agir, c’est-à-dire de faire avancer les réformes et de mieux mettre en œuvre des solutions durables à grande échelle et rapidement.
Pour obtenir des résultats à grande échelle, nous avons défini nos priorités essentielles stratégiques et nous nous employons à atteindre des objectifs ambitieux. Nous centrons notre action sur trois aspects essentiels : le climat, en transformant l’agriculture et la gestion de l’eau ; la population, en investissant dans le capital humain et l’autonomisation des femmes et des filles ; et l’infrastructure, en développant la connectivité et l’accès à l’électricité.
Concernant le climat, nous investissons dans des programmes destinés à restaurer les terres dégradées, accroître la productivité agricole et renforcer la sécurité hydrique afin de bâtir des systèmes alimentaires résilients au changement climatique et des paysages durables. Les températures au Sahel s’élevant 1,5 fois plus vite que la moyenne mondiale, ces pays sont confrontés à un manque d’eau grandissant, qui réduit les rendements agricoles et la productivité du cheptel, et affecte la sécurité alimentaire et les prix des denrées.
Ces difficultés ont des répercussions significatives sur les éleveurs nomades, qui sont des liens essentiels pour le développement socioéconomique et la stabilité. Il est par conséquent indispensable d’accroître leur résilience. Le projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS) contribue à la protection des systèmes pastoraux en améliorant la gestion des ressources, en facilitant l’accès aux marchés et en diversifiant les sources de revenus des ménages concernés.
Concernant la population, nous avons fait d’importants efforts pour investir dans les filles et les maintenir à l’école. Au cours de mon voyage, j’ai vu la détermination de nombreuses jeunes femmes à briser le cycle de la pauvreté dans leurs familles et à réaliser leurs aspirations. Le projet pour l’autonomisation des filles et le dividende démographique au Sahel (SWEDD) transforme la vie d’un grand nombre d’adolescentes. C’est un des meilleurs investissements pour aider ces pays à tirer profit des bénéfices de leur dividende démographique tout en luttant contre les mariages précoces et en autonomisant les femmes, tant à la maison qu’au travail.À ce jour, le SWEDD a déjà permis à près de 300 000 femmes et adolescentes de suivre une formation, accéder à la contraception et bénéficier d’aides pour poursuivre leur scolarité.
Concernant l’infrastructure, nous progressons dans l’amélioration de la connectivité et la promotion de la transformation numérique. Plus de 500 000 personnes ont désormais accès à des routes praticables en toutes saisons pour se rendre à l’école, dans les centres de santé et les marchés locaux au Mali. Au Niger, le projet Villages intelligents pour la croissance et l’inclusion numérique dans les zones rurales vise à développer l’accès à la téléphonie mobile et au haut débit.
Une chose est sûre : la communauté internationale doit faire plus pour le Sahel. Nous devons faire preuve de solidarité dans les mots et dans les actes. C’est pourquoi, à travers l’Association internationale de développement (IDA), nous avons augmenté notre appui financier aux pays du G5 Sahel — Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad — afin de soutenir la prévention des conflits, la résilience et les interventions d’urgence. Nos financements en faveur de ces pays sont ainsi passés de 2,5 milliards de dollars au cours des trois années d’IDA-17 à 6 milliards de dollars sur IDA-18, et nous avons maintenant l’ambition d’atteindre 8,5 milliards de dollars pour les exercices 2021-23.
Nous nous attachons en particulier à multiplier les possibilités d’emploi pour les 1,4 million de jeunes qui entrent chaque année sur le marché du travail dans les pays du Sahel. Il est indispensable de relever ce défi pour favoriser la reprise économique et empêcher que les jeunes soient recrutés et radicalisés par les groupes d’insurgés et les bandes criminelles.
Sur ce point, la création d’emplois passe par la promotion du secteur privé et l’amélioration du climat des affaires grâce à l’adoption de réformes et à la réduction des risques. Au Mali, nous soutenons des filières compétitives à fort potentiel d’exportation, comme la mangue et le bœuf de qualité supérieure, et finançons la construction de la première usine de production de beurre de karité du pays. Au Niger, le projet Villages intelligents pour la croissance et l’inclusion numérique dans les zones rurales vise à développer l’accès à la téléphonie mobile et au haut débit. De son côté, la Société financière internationale (IFC) (a), la branche du Groupe de la Banque mondiale dédiée au secteur privé, soutient le développement des investissements privés dans la région.
La deuxième vague épidémique et l’apparition de nouveaux variants du coronavirus sur le continent amplifient la nécessité d’une action urgente. La pandémie accroît les inégalités partout dans le monde, et sans accès aux vaccins, l’écart va se creuser davantage. Il ne faut pas abandonner le Sahel.
C’est pourquoi nous intensifions nos efforts pour aider les pays à acheter et distribuer des vaccins, des tests et des traitements et à renforcer les systèmes de vaccination. Au cœur de notre action pour l’équité vaccinale, nous collaborons avec les gouvernements de chaque pays et diverses organisations afin d’évaluer l’état de préparation des systèmes de vaccination et garantir l’accès de tous aux vaccins.
Un an après mon voyage au Sahel, je me remémore avec espoir toutes celles et ceux que j’ai rencontrés et leurs aspirations à se forger un avenir meilleur. Ensemble, le Groupe de la Banque mondiale, le secteur privé et les partenaires tels que l’Alliance du Sahel, l’Organisation des Nations unies (ONU) et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) continueront de les aider à réaliser ces aspirations.
L’incroyable résilience du Sahel nous donne de l’espoir, mais surtout, elle confirme que nous pouvons — et devons — rester unis pour cette importante mission.
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