« Avant de participer à ce projet, je ne savais ni lire, ni écrire. Je tiens à exprimer ma reconnaissance aux organisateurs. J’ai beaucoup appris grâce à vos formations, et je suis maintenant capable de lire, d’écrire et de faire des calculs. J’ai l’impression que de nombreuses possibilités s’offrent désormais à moi. »
Femme autochtone membre d’une Association villageoise d’épargne et de crédit à Rwanguba
En République démocratique du Congo (RDC), les femmes sont confrontées à de multiples obstacles qui les empêchent de participer pleinement à la vie économique de leur pays. La RDC occupe la 179e place sur 191 sur l’Indice d’inégalité de genre, avec seulement 63 % des femmes intégrées au marché du travail, et 8,8 % titulaires d’un emploi salarié contre 18,2 % des hommes. Dans ce contexte, il est essentiel d’investir pour améliorer l’accès des femmes aux services financiers, et contribuer ainsi à atténuer les écarts entre les genres , favoriser l’amélioration des moyens de subsistance, et lutter contre les violences basées sur le genre (VBG). Dans cet article de blog, nous partageons les enseignements tirés du Projet de prévention et de réponse aux violences basées sur le genre en RDC (en anglais), au cours duquel des Associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC) ont aidé des femmes vulnérables — y compris des survivantes de violences basées sur le genre — à se réintégrer à la société, et ont favorisé l’émergence d’opportunités pour ces personnes fragilisées. À l’origine, le projet devait accompagner 570 AVEC dans 38 zones de santé situées dans l’est de la RDC. Chaque aire de santé disposait d’une AVEC comptant jusqu’à 25 membres, et ceux-ci pouvaient acheter des parts dans des fonds de prêt et emprunter jusqu’à trois fois le montant de leurs parts. Les membres des AVEC ont reçu une formation en alphabétisation et en gestion d’entreprise ; en outre, des animateurs qualifiés ont encadré une série de huit discussions de groupe entre les membres des AVEC et leurs partenaires masculins sur le thème du Dialogue entre les genres. Ces discussions visaient à réduire les inégalités de genre dans les ménages en mettant l’accent sur l’importance de la non-violence au sein du foyer, en encourageant le respect mutuel entre les partenaires, et en favorisant la communication entre hommes et femmes. Le projet a également offert une assistance aux survivantes de VBG en matière de services psychosociaux, médicaux et juridiques.
Les membres des communautés concernées ont accueilli ce projet avec enthousiasme et reconnaissance. Comme le souligne le diagnostic de la Banque mondiale intitulé « L’autonomisation économique des femmes en RDC : Obstacles et opportunités », la capacité des femmes à épargner et à emprunter est limitée par une certaine méfiance à l’égard des institutions financières formelles, ainsi que par les frais élevés que facturent les services bancaires mobiles. De nombreuses femmes finissent par conserver tout leur argent sur elles. Les montants des prêts octroyés se sont généralement étendus de 10 000 (3,75 $) à 100 000 francs congolais (37,50 $) et les sommes ont été utilisées pour financer des activités génératrices de revenus.
Les réunions hebdomadaires ont permis aux participantes de renforcer leur réseau, et aux organisateurs de dispenser des formations en matière de gestion d’entreprise, d’alphabétisation, et d’autres domaines essentiels. Le nombre de personnes souhaitant participer dépassant les capacités d’accueil du projet, beaucoup de candidats ont fini par former leurs propres groupes AVEC informels, et certains animateurs ont donné de leur temps pour assister aux réunions de ces AVEC « hors réseau » et les aider à mettre en place leurs propres fonds de prêt. Face à cette forte demande, les ressources en personnel affectées au projet ont été revues, et le soutien a été étendu à de nouvelles AVEC : ainsi, 426 AVEC étaient pleinement opérationnelles dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu au bout de cinq mois, en octobre 2022. À la date de clôture du projet, en septembre 2023, le programme avait permis de former 1 128 groupes AVEC rassemblant plus de 26 000 membres dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et du Maniema.
Les AVEC ont également servi de vecteur d’inclusion sociale pour les Personnes autochtones (PA). Dans un contexte où près de neuf cents membres d’AVEC s’identifiaient comme PA, la tenue de plus de cent échanges inter-AVEC a permis d’identifier les bonnes approches permettant au projet de favoriser l’inclusion sociale et de répondre aux problématiques de participation et de remboursement auxquelles les PA sont parfois confrontées. Une table ronde organisée en mai 2022 a permis de rendre compte des méthodes qui fonctionnent pour aider les PA à rembourser leurs emprunts et à continuer à faire partie des AVEC, ce qui a contribué à augmenter le taux de remboursement parmi les PA. Le groupe a convenu de tester toute une gamme d’approches auprès de ces populations, en proposant notamment des accompagnements ciblés supplémentaires et des formations additionnelles en matière d’éducation financière, ou encore en identifiant d’autres moyens de rembourser les prêts.
L’une des alternatives les plus prometteuses est une pratique appelée homme jour par laquelle un membre de l’AVEC peut rembourser son prêt en travaillant pour un autre membre ou pour un animateur du projet. Cette
méthode ne donne lieu à aucune stigmatisation, si bien que les membres qui l’emploient, une fois leur prêt considéré comme remboursé, peuvent contracter un autre prêt comme s’ils avaient remboursé l’emprunt précédent en espèces.
Les principaux enseignements tirés des services d’accompagnement économique du projet nous ont permis d’acquérir des connaissances utiles sur l’autonomisation économique des femmes en RDC. Parmi les pistes de progrès à envisager, citons les suivantes :
- Utiliser les AVEC comme un canal essentiel de fourniture de services et de distribution d’informations dans l’objectif de promouvoir l’autonomisation économique des femmes,
- Reconnaître combien il est important de comprendre les normes sociales et les obstacles auxquels les femmes sont confrontées, et travailler dans le cadre de ces paramètres,
- Travailler avec la société civile et les communautés pour identifier et tester différentes manières de lever les obstacles qui se présentent,
- Faire preuve de souplesse pour tenir compte de ce qui fonctionne bien et répondre à ce que demandent les bénéficiaires.
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