Il y a quelques jours, les Ivoiriennes Murielle Ahouré and Marie-Josée Ta Lou remportaient, en un doublé historique, la finale du 60 mètres des Championnats du monde d’athlétisme en salle de Birmingham. Tandis que la Burundaise Francine Niyonsaba, s’est imposée championne du monde du 800 mètres. Quelle que soit la distance, les athlètes africaines ont prouvé leurs talents en grimpant sur les premières marches du podium ou en s’en approchant de très près.
Qu’elles soient championnes d’athlétisme, de basket ou encore de football, ces athlètes montrent, au travers de leur succès sur la scène internationale, combien le sport peut permettre d’abolir les obstacles et d’affranchir les femmes des barrières qui les entravent.
Certaines d’entre elles sont aussi des actrices du développement. Des coureuses, en particulier au Kenya et en Éthiopie, ont ainsi entrepris d’investir dans leurs communautés les gains de leurs exploits sportifs et de promouvoir la course féminine en tant qu’activité professionnelle rémunératrice. Tegla Loroupe, l’une des femmes les plus rapides du monde et première Africaine à remporter le marathon de New York, s’est personnellement et financièrement investie dans la promotion de la cohésion sociale au Kenya (a). L’ancienne athlète est en outre à l’origine d’un centre d’entraînement destiné à former les futures générations de coureurs, notamment parmi les populations de réfugiés ayant fui les conflits dans la Corne de l’Afrique.
Enfants, les filles d’Afrique subsaharienne fréquentent généralement moins l’école primaire et secondaire (a) que les garçons. Or, c’est dans ce cadre que les jeunes découvrent l’éducation physique. Adolescentes, elles doivent ensuite composer avec l’absence de matériel et d’équipements sportifs ou éducatifs conçus pour elles, comme des toilettes réservées ou des produits d’hygiène féminine, ce qui ne peut que contribuer à les décourager un peu plus. Enfin, les préjugés des parents, des professeurs ou des entraîneurs sur le sport féminin finissent d’éloigner celles qui auraient pu s’approcher des terrains sportifs.
Pourtant, loin de renoncer, les athlètes africaines s’attaquent à ces obstacles, se révélant aussi brillantes à la ville que sur le terrain car, finalement, ces deux aspects de leur vie vont de pair. « Les leçons de vie que l’on reçoit dans le sport vous rendent indestructibles », a déclaré un jour Eniola Aluko, (a) surdouée du football d’origine nigériane, membre de l’équipe féminine de Chelsea qui a participé aux Jeux olympiques avant de devenir une avocate accomplie.
De fait, les avis convergent toujours plus sur les retombées positives que la pratique sportive peut générer, tant dans le domaine académique que professionnel. Ainsi, les études réalisées aux États-Unis sur l’impact du « Titre IX », (a) une législation adoptée en 1972 interdisant toute discrimination sexuelle dans les programmes d’éducation financés par l’État fédéral, révèlent que lorsque les jeunes femmes ont un meilleur accès au sport, elles font des études plus longues et s’orientent davantage vers des carrières scientifiques, traditionnellement réservées aux hommes. Par ailleurs, le nouvel engouement pour la pratique d’un sport chez les femmes a généré l’éclosion de nouveaux et fructueux marchés dans les domaines de l’habillement, du matériel, des infrastructures ou encore des compétitions. Pourquoi cet effet multiplicateur ne s’appliquerait-il pas maintenant au continent africain ?
Les pays d’Afrique subsaharienne ont certes déjà bien du mal à financer leurs budgets éducatifs et sportifs, mais tous les acteurs doivent prendre conscience que les bénéfices tirés des investissements dans le sport féminin sont très largement supérieurs aux sommes investies. Une initiation sportive précoce est susceptible de transformer la vie de millions de filles, car le sport est un excellent moyen de sensibilisation à de nombreux problèmes sociaux ou sanitaires : VIH/sida, alimentation, règles d’hygiène, santé sexuelle, grossesse chez les adolescentes, vaccination ou encore lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
En Tanzanie, le Laboratoire d'innovation de la Banque mondiale pour l'égalité des sexes en Afrique (a) collabore ainsi avec l’organisation Grassroot Soccer (a) pour évaluer l’impact d’une opération d’information des jeunes sur les questions de santé sexuelle et reproductive. La campagne, menée au travers des clubs de football, fournit notamment aux filles des formations, des conseils pour les aider à se fixer des objectifs et des stratégies comportementales ainsi qu’un accès gratuit à des moyens de contraception. L’étude d’impact de cette opération devrait apporter des enseignements précieux sur l’efficacité des campagnes de santé s’appuyant sur le sport, potentiellement déterminants pour les politiques futures.
Par ailleurs, comme l’a récemment annoncé Emmanuel Macron lors de la visite en France du président du Libéria, George Weah, la Banque mondiale s’associe avec l’Agence française de développement (AFD) pour étudier de nouveaux modèles économiques qui permettraient de promouvoir le rôle du sport dans le développement et seraient transposables aux pays d’Afrique. Nous lançons ainsi une étude qui permettra d’évaluer l’intégration de composantes sportives dans divers projets éducatifs, sanitaires ou de développement urbain, et de mesurer l’essor des projets sportifs axés sur le développement et portés par des organisations de la société civile. Enfin, nous travaillons également en partenariat avec les ministères de la jeunesse et des sports des pays africains ainsi que les fédérations sportives afin d’encourager les écoles à utiliser la pratique sportive, chez les filles comme chez les garçons, comme un outil d’acquisition de compétences.
Ces actions ne donnent néanmoins qu’une faible idée de l’ampleur de la tâche qui attend les gouvernements africains et leurs partenaires pour préparer le terrain de leurs athlètes de demain. Nous nous engageons à défendre l’accès des femmes à l’éducation sportive en Afrique afin de garantir à toutes la possibilité d’évoluer et de devenir un jour championne olympique, PDG, coach, professeur… en un mot, leader de demain.
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