L’apprentissage traverse une crise. À l’intérieur des pays comme d’un pays à l’autre, l’éducation varie grandement en qualité et en quantité. Partout dans le monde, des centaines de millions d’enfants grandissent sans avoir acquis ne seraient-ce que les compétences nécessaires à la vie.
Le Rapport sur le développement dans le monde 2018 puise dans une diversité de disciplines allant de l’économie aux neurosciences pour étudier cette question et proposer des pistes d’amélioration aux pays. Vous pouvez consulter le rapport intégral ici. Entretemps, pour vous donner un aperçu de ce qu’il contient, vous trouverez ci-dessous quelques idées et graphiques qui m’ont paru les plus marquants à la lecture du rapport.
Chaque année de scolarité supplémentaire augmente le revenu de 8 à 10 %
Le rapport fournit plusieurs arguments pour établir la valeur de l’éducation. Lequel est le plus clair pour moi ? L’éducation est un moyen puissant d’accroître les revenus. Chaque année de scolarité supplémentaire augmente de 8 à 10 % le revenu des individus, particulièrement des femmes. Ce n’est pas seulement parce que des individus plus compétents et mieux connectés reçoivent plus d’éducation : des « essais réalisés en milieu naturel » dans une diversité de pays – notamment le Honduras, l’Indonésie, les Philippines, les États-Unis et le Royaume-Uni – attestent que la scolarisation favorise effectivement l’accroissement des revenus. Une éducation plus poussée est également liée à une existence plus longue et en meilleure santé, et a des effets positifs durables sur les individus et la société dans son ensemble.
Seul un enfant sur trois achève le cycle secondaire dans les pays à revenu faible et intermédiaire
Ces effets positifs potentiels nonobstant, les jeunes suivent des parcours différents en matière d’éducation. Dans les pays à revenu faible et intermédiaire, pour 100 enfants qui entrent à l’école primaire, 90 achèvent leur cycle primaire, 61 vont au bout du premier cycle du secondaire et 35 seulement finissent le second cycle du secondaire. Ce qui signifie qu’environ un tiers des jeunes quittent l’école entre le premier et le second cycles du secondaire sans être préparés, pour un grand nombre, à poursuivre leur éducation et faire une formation par la suite.
Dans les pays les plus pauvres, moins d’un élève du primaire sur cinq possède les compétences suffisantes en mathématiques et en lecture
Ce qui compte, ce n’est pas juste la quantité de l’offre d’éducation, c’est sa qualité. Certes, il est difficile de mesurer l’apprentissage d’une façon comparable d’un pays à l’autre, mais le rapport s’appuie sur de nouveaux travaux de recherche qui s’y essaient. La base de données de la Banque mondiale intitulée « A Global Data Set on Education Quality » mise à jour récemment semble indiquer que plus de 60 % des élèves du primaire dans les pays à revenu faible et intermédiaire ne parviennent pas à atteindre le seuil minimal de compétence en mathématiques et en lecture. En comparaison, la quasi-totalité des enfants des pays à revenu élevé atteint ce seuil au primaire.
Les écarts de performance entre les enfants riches et pauvres commencent dès la maternelle et se creusent avec l’âge
Les disparités existent non seulement entre les pays, mais aussi entre différentes régions d’un même pays. Pour moi, les plus impressionnantes sont surtout une conséquence de la pauvreté. Près d’un enfant de moins de cinq ans sur trois dans les pays à revenu faible et intermédiaire présente un retard de croissance physique, qui est généralement dû à la malnutrition chronique. Ce type de privations – en termes de nutrition ou d’insalubrité – a des effets durables sur le développement des fonctions cérébrales. C’est ainsi que même dans de bonnes écoles, les enfants victimes de privations (qui sont généralement plus pauvres) apprennent moins, et ont plus de mal à dévier de cette trajectoire à mesure qu’ils grandissent parce que leur cerveau devient moins malléable et qu’il leur est plus difficile d’acquérir de nouvelles connaissances.
Les élèves sont souvent desservis par leurs écoles et leurs enseignants
Il ne s’agit pas seulement d’élèves en échec scolaire, mais aussi d’écoles qui desservent leurs élèves. Dans sept pays africains, en moyenne un enseignant sur cinq était absent de l’établissement le jour d’une visite-surprise des équipes d’inspection, deux sur cinq se trouvant certes dans l’enceinte de l’école, mais hors de la salle de classe. Ces problèmes sont encore plus marqués dans l’arrière-pays. Une telle analyse n’a cependant pas pour but de blâmer les enseignants ; elle vise plutôt à attirer l’attention sur les questions systématiques de dotations en ressources, de gestion et de gouvernance qui nuisent souvent à la qualité de l’enseignement.
Il n’y a pas trop, mais bien trop peu d’outils de mesure des résultats scolaires
Pour faire face à la crise de l’apprentissage, la première recommandation du rapport est de multiplier et d’améliorer les outils de mesure des acquis scolaires. Alors que l’attention des médias et les débats sur l’éducation se concentrent dans bien des cas sur la question du « trop grand nombre d’évaluations » et des examens nationaux clés, une revue des données disponibles laisse penser que beaucoup de pays ne disposent même pas d’informations sur les acquis de base. Une étude menée dans 121 pays a révélé qu’un tiers de ces derniers ne possèdent pas de données pour rendre compte des aptitudes en lecture et en mathématiques des élèves en fin de cycle primaire, et que plus nombreux encore sont ceux qui ne possèdent pas de telles données pour la fin du premier cycle du secondaire.
Les pays sont disposés à investir dans l’éducation, mais ces investissements doivent être plus avisés
Les pays sont certes disposés à investir dans l’éducation, mais le rapport fait valoir qu’ils ne doivent pas seulement dépenser plus, ils doivent dépenser mieux, en faisant en sorte que les ressources soient allouées d’une façon plus efficace et équitable. L’essentiel du financement de l’éducation provient de sources intérieures, et ce secteur se taille généralement la plus grosse part des crédits budgétaires, soit environ 15 % en moyenne du budget dans les pays à revenu faible et intermédiaire. Si ces pourcentages témoignent de l’importance que les pouvoirs publics accordent à l’éducation, le rapport montre qu’un accroissement des dépenses ne suffira pas seul à améliorer les résultats scolaires.
Les taux de scolarisation dans le primaire et le secondaire augmentent depuis deux siècles
En dépit de tous les défis que pointe le rapport, il convient de prendre du recul pour reconnaître les progrès que le monde a accomplis dans le domaine de l’éducation ces 200 dernières années. Aujourd’hui, la plupart des enfants ont accès à l’éducation de base, et chaque nouvelle génération passe plus de temps à l’école que la précédente. Le nombre d’années de scolarité accumulées par un adulte moyen d’un pays à revenu faible ou intermédiaire a plus que triplé entre 1950 et 2010, passant de 2 à 7,2 – une performance sans précédent. Par exemple, il a fallu 40 ans aux États-Unis – de 1870 à 1910 – pour faire passer le taux d’inscription des filles de 57 à 88%, alors que le Maroc a réalisé une progression semblable en 10 années à peine.
Ce sont-là quelques-uns des graphiques et idées que j’ai trouvés les plus intéressants dans le Rapport sur le développement dans le monde 2018 consacré à l’éducation. Celui-ci a cependant bien plus à offrir, et vous pouvez le télécharger ici
Prenez part au débat