Pour en savoir plus, consultez et téléchargez ici le document intégral de l’étude des auteurs, Satellite-Based Measures for Tracking Atmospheric CO2 and CH4 at National, Subnational, and Urban Scales.
Remédier au manque de données pour un développement à faible taux d’émission
Une croissance sobre en carbone dans les secteurs clés – agriculture, exploitation minière, sylviculture, industrie manufacturière, infrastructures et services publics – est essentielle au développement durable, à la réduction de la pauvreté et à une planète vivable. Intégrer la réduction des émissions dans la planification du développement est capital pour la résilience environnementale et économique à long terme.
Pourtant, les politiques relatives aux émissions ont longtemps été entravées par le manque de données fiables sur la pollution atmosphérique locale et régionale, nécessaires pour diagnostiquer les problèmes, concevoir des interventions et suivre les résultats. Or le suivi des émissions atmosphériques par satellite commence à combler cette lacune. Dans ce billet, nous présentons de nouvelles estimations issues de relevés satellitaires à haute résolution, effectuées par les départements Données et Recherche de la Banque mondiale afin de soutenir l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes.
Source des données : relevés satellitaires à haute résolution pour le suivi du CO₂ et du CH₄
Nous utilisons l’Orbiting Carbon Observatory-2 (OCO-2) de la NASA pour suivre le CO₂, à l’aide de mesures quotidiennes géoréférencées du xCO₂ à une résolution de 1,29×2,25 kilomètres. OCO-2 suit une orbite héliosynchrone, c’est-à-dire une trajectoire qui passe au-dessus de la même partie de la Terre à la même heure locale chaque jour, ce qui garantit une mesure cohérente de la pollution de l’air au fil du temps. Il traverse l’équateur vers 13h30, heure locale, et répète sa couverture tous les 16 jours.
Pour le méthane (CH₄), nous utilisons les données de TROPOMI (Sentinel-5P) de l’Agence spatiale européenne (ESA), qui suit une orbite similaire synchronisée avec le soleil, avec des passages quotidiens et une résolution de 5,5×3,5 kilomètres. Nous exploitons les données Offline xCH₄ de niveau 2, corrigées du biais de réflectance de la surface.
Ces ensembles de données permettent une surveillance cohérente et à haute résolution des émissions.
Assurer la comparabilité des estimations satellitaires dans l’espace et dans le temps
Pour garantir que les estimations de CO₂ et de CH₄ sont comparables entre différentes régions et dans le temps, nous traitons les données satellitaires brutes pour calculer les anomalies locales, c’est-à-dire les différences entre les concentrations observées et les concentrations de fond. Les valeurs de fond sont estimées à l’aide de la méthode de Hakkarainen et al. (2019), qui tient compte à la fois de la localisation géographique et du temps. Comme les estimations quotidiennes des concentrations de fond à haute résolution spatiale ne sont pas fiables, nous calculons les valeurs médianes quotidiennes de xCO₂ pour chaque bande de 10 degrés de latitude, puis nous les interpolons à une résolution de 1 degré. L’utilisation des médianes permet d’éviter les distorsions dues aux valeurs aberrantes. Nous soustrayons ensuite le fond de chaque observation pour obtenir l’anomalie locale. Enfin, nous calculons la moyenne de ces anomalies par mois pour chaque cellule de grille de 5x5 kilomètres afin de créer un ensemble de données cohérent et à haute résolution pour l’analyse.
Suivi des émissions de CO₂ et de CH₄ dans le temps
La NASA et l’ESA attribuent des notes de qualité à chaque observation satellite, et nous n’incluons que celles qui atteignent ou dépassent les seuils acceptables afin de garantir une analyse fiable des tendances. Cela conduit à une couverture spatiale inégale, en particulier dans les régions nuageuses. Plutôt que de réduire uniformément la grille, ce qui aurait pour effet d’ignorer les petites zones disposant de données suffisantes, nous étendons la zone d’observation autour de chaque cellule jusqu’à ce qu’elle atteigne un seuil minimal de données. Cette approche adaptative permet de concilier les détails locaux et la robustesse statistique dans l’ensemble de la zone d’étude.
Nous suivons les tendances des émissions dans chaque cellule de grille du monde de 5x5 kilomètres à l’aide de deux indicateurs :
(1) une tendance mensuelle de long terme (2014-2024 pour le CO₂ ; 2018-2025 pour le CH₄) ;
(2) une évolution à court terme, définie comme la différence entre la moyenne des 12 derniers mois et les valeurs antérieures.
Le deuxième indicateur met en évidence les changements récents, utiles pour les politiques à court terme.
Nous synthétisons les tendances pour n’importe quelle zone en utilisant deux méthodes :
(1) Non pondérée : toutes les cellules de grille sont traitées de la même manière. Nous calculons la part des cellules présentant des tendances à la hausse et à la baisse (y compris les cellules non significatives) et définissons un score comme suit : [% d’augmentation - % de diminution].
(2) Pondérée : même logique, mais avec des pondérations basées sur les émissions provenant de la base de données EDGAR (Emissions Database for Global Atmospheric Research) (a). Les pourcentages reflètent la part des émissions totales plutôt que le nombre de cellules, ce qui donne plus de poids aux zones à fortes émissions.
Dans les deux méthodes, les scores sont normalisés pour tenir compte de la part des résultats statistiquement significatifs dans une région. Les scores finaux peuvent aller de -100 (toutes les baisses significatives) à +100 (toutes les augmentations significatives), ce qui permet une comparaison aisée entre les régions.
Scores évolutifs de performance en matière d’émissions pour toute zone géographique
Notre suivi des tendances des émissions selon une grille de 5x5 kilomètres nous permet d’estimer les scores de performance en matière d’émissions pour des zones géographiques d’une échelle arbitraire. Nos ensembles de données comprennent actuellement des scores de performance à long et à court terme pour le CO₂ et le CH₄ pour 242 pays et territoires contestés, 3 242 provinces (unités administratives de niveau 1), 36 563 sous-provinces (niveau 2), 13 636 zones urbaines fonctionnelles et 670 zones pétrolières et gazières offshore au sein des zones économiques exclusives nationales. Le codage en libre accès permet des mises à jour au fur et à mesure que de nouvelles observations satellitaires sont disponibles.
Représentation des émissions mondiales
Weighted Score = Score pondéré
Par ailleurs, nos estimations des tendances et des changements au niveau infranational, présentées dans les diagrammes à barres, peuvent contribuer à l’allocation stratégique des ressources climatiques internationales, adaptées aux défis persistants et émergents en matière d’émissions.
Sur le long terme, les niveaux de CO₂ ont diminué dans 13 179 niveaux administratifs infranationaux et augmenté dans 9 616 autres, tandis que pour la période la plus récente, ils ont diminué dans 9 663 niveaux et augmenté dans 10 790 autres.
En ce qui concerne le méthane (CH₄), les tendances de long terme indiquent des baisses dans 13 734 zones administratives infranationales et des hausses dans 9 675 autres, tandis que les données récentes indiquent des baisses dans 15 143 zones et des hausses dans 8 689 autres.
Application de la méthode à d’autres polluants atmosphériques
Les mêmes méthodes et le même code peuvent être appliqués aux données satellitaires du GCOM-C japonais et du Sentinel-5P de l’ESA pour une estimation à haute résolution des émissions et de l’exposition de la population à d’autres polluants, notamment les PM₂.₅, NO₂, SO₂, CO et l’ozone, à l’échelle nationale, infranationale (niveaux 1 et 2) et urbaine, dans le monde entier.
Cette initiative entre dans le cadre du programme Space2Stats, soutenu par une subvention du Mécanisme mondial pour les données de la Banque mondiale et financé par la Direction générale de la politique régionale et urbaine de la Commission européenne (DG REGIO). Son objectif est d’améliorer la désagrégation, la disponibilité et la normalisation des données, tout en faisant progresser la recherche et les connaissances sur les défis de développement infranationaux, y compris le climat, la biodiversité, l’énergie propre et les dimensions de genre.
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