Publié sur Blog de Données

Pour un soutien accru aux statistiques officielles dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord : le MENA Statistics Compact

Des élèves de l?école publique de Bourj Hammoud (Liban) écoutent leur professeur. Crédits photo : Dominic Chavez/Banque mondiale Students at the Second Bourj Hammoud Public School listen to their teacher while in class. Photo © Dominic Chavez/World Bank

Selon certains, les statistiques, c'est facile : il suffit de compter. Ce n'est pas faux car, par essence, il s'agit bien de compter. Ce qui est faux, c'est que ce soit facile. Car produire des statistiques officielles exige un énorme travail, réalisé de façon méthodique et sans relâche, ainsi que l'emploi de techniques souvent complexes.  Il est étonnamment difficile de recenser la population totale d'un pays ou de rendre les recensements comparables dans le temps. Le fait est qu'une voiture d'aujourd'hui est fort différente d'une voiture d'il y a trente ans.

Les statistiques officielles sont le seul moyen de mesurer tant la situation actuelle que son évolution dans le temps. Elles procurent un dénombrement de la population et en constatent la variation d'une année sur l'autre. Elles montrent aussi les variations de prix. Enfin, elles reflètent la croissance des activités économiques d'un pays, les secteurs qui progressent et ceux qui déclinent. Sans statistiques officielles, nous serions incapables de comparer nos conditions de vie actuelles à celles d'il y a vingt ou trente ans.

C'est pourquoi nous devons poursuivre notre soutien à la production de statistiques officielles, malgré la mutation rapide des écosystèmes de données, comme l'indique le Rapport 2021 sur le développement dans le monde – Des données au service d'une vie meilleure. En effet, les organismes qui procurent ces données, c'est-à-dire les instituts nationaux de la statistique, gardent un rôle toujours aussi important, même au sein d'un écosystème de données qui s'est considérablement étendu.

Il est donc d'autant plus préoccupant que, dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), le fonctionnement des instituts nationaux de statistique soit insatisfaisant, en particulier par rapport aux organismes analogues ailleurs dans le monde, selon les indicateurs de performance statistique de la Banque mondiale (seule l'Afrique subsaharienne obtient de plus mauvais scores). Dans la région MENA, les pays ne procèdent pas en général à la collecte d'ensembles de données de base issues d'enquêtes sur la consommation, la santé ou la main-d'œuvre, ou de recensements des établissements. Et quand cette collecte existe, les données ne sont pas rendues publiques et sont donc impossibles à réutiliser, ou bien, comme le montre cette étude cosignée avec Uche Ekhator-Mobayode, elles sont obsolètes. Dans ce dernier cas, des informations dépassées servent donc à établir des indicateurs aussi fondamentaux que l'indice des prix à la consommation ou le produit intérieur brut (PIB).


Les instituts nationaux de la statistique dans la région MENA ont besoin d'un soutien pour assurer la fonction que l'on attend d'eux dans le nouvel écosystème de données


Si l'ère du numérique est une aubaine pour ceux qui recherchent des informations, elle est aussi source de confusion. En effet, n'importe qui semble aujourd'hui apte à produire des statistiques. Mais à quelles données se fier ? Quels chiffres rendent compte des faits avec véracité ?  À cet égard, les « statistiques non officielles » présentent un risque considérable pour la société et pour le contrat social. Il importe par conséquent que les instituts officiels ne perdent pas leur primauté en matière de mesure des progrès accomplis.

La bonne nouvelle, c'est que l'avènement du numérique a aussi pour effet d'améliorer incroyablement la production de statistiques officielles . Par exemple, les données relatives à la mobilité ou à l'éclairage nocturne peuvent contribuer à de meilleures estimations du PIB. De même, les prix obtenus à l'aide des lecteurs de supermarché apportent un complément bienvenu à la collecte des prix dans les commerces.  

Tout cela conduit à trois observations :

  1. les instituts nationaux de la statistique dans la région MENA ont besoin d'un soutien pour assurer la fonction que l'on attend d'eux dans le nouvel écosystème de données ;
  2. il est urgent de combler le manque de données fondamentales ;
  3. les instituts officiels doivent tirer parti des possibilités offertes par le numérique.

C'est ici qu'entre en jeu le MENA Statistics Compact. Cette initiative régionale a pour objectif de combler les lacunes en données fondamentales et de moderniser les systèmes nationaux de statistique.

De quoi s’agit-il ? Pas d’un plan de refonte grandiose des systèmes statistiques de la région qui, tout souhaitable qu’il soit, a peu de chances de voir le jour. Cependant, étape par étape, un progrès est possible. Depuis un an, la Banque a ainsi entrepris des actions de fond, menées de façon graduelle. Par exemple :

  • Pour pallier le manque de données sur le niveau de vie des populations, nous travaillons en Arabie saoudite avec l'Autorité générale pour les statistiques (GASTAT), afin de réviser son enquête sur les dépenses et les revenus des ménages. Nous réalisons des projets comparables avec les instituts nationaux d'Iraq, du Kurdistan iraquien et d'Algérie. Nous ferons bientôt de même en Libye et en Palestine.
  • En Jordanie, nous avons intégré une composante « statistiques » dans un programme d’appui aux investissements axé sur les résultats, avec l'adjonction d'une aide apportée par un fonds fiduciaire.
  • En Palestine, nous inclurons un soutien aux statistiques dans le nouveau projet de gestion des finances publiques.
  • En Tunisie, nous soutenons l'Institut national de la statistique en collaboration avec l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS).

D'autres initiatives pourraient se déployer, en particulier avec des ressources disponibles. Pour financer l'aide à la production de statistiques dans la région, le Compact prévoit d'utiliser deux sources de financement : les projets de la Banque mondiale et le nouveau fonds fiduciaire-cadre pour les données (Global Umbrella Data TF).

Concernant les projets de la Banque mondiale, il faudrait qu'ils englobent désormais systématiquement l'aide aux statistiques. Et, dans le cadre du fonds fiduciaire, il sera créé un guichet spécialement dédié à la région MENA. Cela devrait permettre de financer, d'une part, l'assistance, la supervision et la coordination techniques et, d'autre part, l'accélération de l'exploitation des données administratives dans la production de statistiques.

Si le MENA Statistics Compact se définit de manière de plus en plus précise, il reste encore à le parachever. Nous travaillons actuellement avec l'équipe du dispositif de financement mondial des données (a), mis en place sous l'égide de la Banque mondiale, en vue de créer un guichet dédié et de mobiliser des ressources destinées à appuyer la mise en œuvre du Compact. Nous nous sommes donné jusqu'à l'été pour rendre celui-ci opérationnel afin de le lancer avant, ou pendant, nos Assemblées annuelles 2022, qui se tiendront à Marrakech.


Auteurs

Johannes Hoogeveen

Responsable mondial pour les États fragiles et touchés par un conflit

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