À l'occasion de l'actualisation des données sur la pauvreté dans le monde, publiées par la Banque mondiale il y a quelques semaines, le site PovcalNet (a) s'est enrichi de métadonnées sur la comparabilité des estimations de la pauvreté (a) dans les pays au fil du temps. Ces métadonnées ont été compilées par les économistes-pays spécialistes de la pauvreté du pôle Pauvreté et équité de la Banque mondiale. Dans ce billet, nous montrons comment l’outil de calcul PovcalNet permet d’exploiter ces métadonnées par le biais d’une librairie R (a) ou d’une commande dans Stata (a).
Sachant que les pays améliorent régulièrement les enquêtes auprès des ménages et leurs méthodes de mesure, la stricte comparabilité dans le temps des estimations de la pauvreté est souvent limitée. Obtenir des données rigoureusement comparables dans un pays exige un processus de production statistique cohérent, notamment en ce qui concerne la base d'échantillonnage, les questionnaires, la construction méthodologique des agrégats du bien-être et des seuils de pauvreté, ainsi que la déflation des prix dans le temps et dans l'espace. Ainsi, l'évaluation de la comparabilité dépend du pays et repose sur les connaissances de l'économiste chargé de ce pays et de l’équipe régionale concernée au sein du pôle Pauvreté, ainsi que sur un dialogue constant avec les producteurs nationaux de données, qui doivent parfaitement maîtriser la conception et la méthodologie des enquêtes. Pour un pays donné, nous supposons que les estimations de la pauvreté sont comparables dans le temps, à moins de modifications connues dans la méthodologie d'enquête, la mesure ou la structure des données. Le chapitre 4 de la note technique Atamanov et al. 2019 (a) fournit plus de détails sur les métadonnées concernant la comparabilité. Cette base de données peut être téléchargée au format csv.
Nous examinons ici l'évolution des inégalités en Argentine, au Ghana et en Thaïlande depuis 1990. Pour ces trois pays, la base de données de comparabilité fournit les informations suivantes (nous n’indiquons ici qu’un échantillon d’années) :
Pays |
1998 |
1999 |
2000 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2012 |
2013 |
2014 |
2016 |
2017 |
Argentine |
1 |
1 |
1 |
1 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
Ghana |
1 |
1 |
1 |
1 |
||||||||
Thaïlande |
1 |
1 |
2 |
2 |
2 |
2 |
2 |
3 |
3 |
3 |
Source : Base de données de comparabilité (csv), pour un échantillon d’années seulement.
Pour chaque pays, la variable de comparabilité prend initialement la valeur zéro (0) pour la série de données comparables la plus ancienne. En cas de rupture de cette série temporelle, la variable passe à un (1) pour l'année concernée et conserve cette valeur jusqu'à la prochaine année de rupture. Dans le tableau ci-dessus, la Thaïlande commence par un 1 en 1998, car la comparabilité des données s'était interrompue en 1990. Il s'est produit une autre rupture en 2000, puis les données sont restées comparables jusqu'en 2013, année d'une nouvelle interruption.
PovcalNet (a) contient plusieurs indicateurs de l'inégalité, tels que l'indice de Gini, l'écart logarithmique moyen ou encore la répartition des revenus ou des dépenses de consommation par décile. La ligne de commande suivante permet d’importer tous les indicateurs d'inégalité disponibles pour l'Argentine, le Ghana et la Thaïlande au cours des années d'enquête :
povcalnet, country(arg gha tha) year(all) clear
Cette base de données peut aisément être fusionnée avec les métadonnées sur la comparabilité des estimations (code de réplication pour R et Stata). Nous examinons d'abord la tendance de l'indice de Gini pour les trois pays depuis 1990, en scindant les périodes comparables de chaque pays. En Argentine, les inégalités ont fortement augmenté jusqu'en 2002, de près de 10 points. Après 2003, la situation s'est inversée et on observe un recul marqué et continu des inégalités. L'indice de Gini était assez similaire dans les années 90 en Argentine et en Thaïlande, mais il s'est sensiblement dégradé ensuite dans ce dernier pays. Par ailleurs, les inégalités se sont creusées au Ghana entre le début des années 90 et le milieu des années 2000, avant de stagner ces dernières années.
PovcalNet contient également des statistiques sur la répartition des revenus ou des dépenses de consommation par décile. Dans le graphique ci-dessous, nous représentons les courbes d'incidence de la croissance dans les trois pays, pour les plus longues périodes comparables de chacun d'entre eux. Ces courbes montrent le taux de croissance du revenu moyen entre la première et la dernière année (variable d'un pays à l'autre) par décile de population (par exemple, les 10 % les plus pauvres). Une courbe descendante est associée à un modèle de croissance réduisant ou lissant les inégalités.
Entre 2003 et 2017, l'Argentine a enregistré une forte croissance des revenus qui a été favorable aux pauvres. Tandis que les revenus des 10 % les plus pauvres ont progressé de près de 8 % par an, ceux des 10 % les plus riches ont augmenté de moins de 2 %. Sur la même période environ, la croissance de la consommation en Thaïlande a également été forte et favorable aux pauvres, mais les gains ont été plus également répartis qu'en Argentine. Au début d'une période commençant plus tôt au Ghana, la croissance a favorisé les classes aisées, les 10 % les plus riches progressant à un taux proche de 4 %, contre 2 % seulement pour les 10 % les plus pauvres. Ces tendances des courbes d'incidence de la croissance sont cohérentes avec l'évolution de l'indice de Gini observée dans le premier graphique. En Argentine, cet indice a fortement diminué, passant de 51,2 à 41,2 entre 2003 et 2017. La Thaïlande a connu une baisse moins marquée, de 42,8 en 2000 à 37,8 en 2013. En revanche au Ghana, l'indice de Gini a augmenté, passant de 38,4 en 1991 à 43,5 en 2016.
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