Publié sur Opinions

Agir contre le changement climatique – pour nos enfants

Si vous avez des enfants ou des petits-enfants, vous vous êtes sans doute demandé à quoi ressemblerait leur monde d’ici 20 à 30 ans : sera-t-il plus agréable ou bien le changement climatique aura-t-il totalement changé la donne ?

C'est une chose à laquelle je pense souvent depuis que je suis devenu président du Groupe de la Banque mondiale, en juillet 2012. Quelques mois à peine après mon arrivée, j’ai eu connaissance des conclusions du prochain rapport sur le changement climatique (a) et ce que j’ai découvert m’a choqué. J’ai su alors que la lutte contre le changement climatique serait l’une de mes priorités à la tête d’une institution de développement dont le double objectif consiste à mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2030 et à promouvoir une prospérité partagée. Si nous ne prenons pas le contrôle de l’évolution du climat maintenant, nous échouerons à éradiquer la pauvreté.

La semaine dernière, j’ai donné une conférence sur le changement climatique (a) à l’université de Georgetown, à Washington, devant un parterre de jeunes gens certainement conscients de l’impact de ce phénomène sur leurs vies. Les experts du climat prévoient que si nous ne faisons rien pour maîtriser les émissions de carbone, la planète pourrait se réchauffer de 4 °C d’ici les années 2080. Au cours de la dernière période glaciaire, la température moyenne était inférieure de 4,5 à 7 °C à la température actuelle – sachant que l’évolution a été progressive, s’étalant sur des millénaires. La hausse que redoutent les scientifiques sera de la même ampleur, mais sur un laps de temps nettement plus court. La vie sur Terre risque de changer du tout au tout.
 
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Tout le monde subit probablement déjà le changement climatique — victime des températures extrêmes, des sécheresses, des inondations ou des tempêtes toujours plus fortes et violentes. En 30 ans, plus de 2,5 millions d’êtres humains ont perdu la vie lors d’une catastrophe naturelle, le coût économique de ces événements avoisinant les 4 000 milliards de dollars. Plus des trois quarts des décès sont survenus dans des pays en développement et pratiquement la moitié d’entre eux dans des pays à faible revenu. J'ai encore eu la preuve du tribut payé par l’humanité il y a 15 jours, lors de la Conférence mondiale des Nations Unies sur la réduction des risques de catastrophe, organisée à Sendai, au Japon, en discutant avec le président du Vanuatu, submergé par l’émotion. Un cyclone de catégorie 5 s’était abattu sur l’archipel la nuit précédente, ravageant tout sur son passage. J’ai assuré le président Baldwin Lonsdale que le Groupe de la Banque mondiale aiderait son pays à rebondir. Les pays pauvres comme le Vanuatu ne sont pas préparés pour encaisser de tels chocs. Nous devons développer des mécanismes et des dispositifs de protection des populations pauvres face aux catastrophes naturelles, pour les aider à s’en remettre plus rapidement.

Nous avons besoin d’un plan pour la planète

Le monde doit freiner le changement climatique sans sacrifier pour autant la croissance économique, indispensable pour mettre fin à la pauvreté extrême, réduire les inégalités et assurer l’accès des pauvres à l’énergie.  « Nous devons dissocier croissance et émissions de carbone. » Voici cinq pistes pour engager le monde dans une dynamique de croissance sobre en carbone:

  1. Définir un prix pour le carbone

    Obliger les entreprises à payer pour leurs émissions de carbone est un moyen de les inciter à investir dans des énergies plus propres et des solutions innovantes sobres en carbone. Il est temps de passer du principe à l’action. Aujourd’hui, près de 40 pays et plus de 20 villes, États fédérés et provinces appliquent ou s’apprêtent à instaurer une tarification du carbone, et leur nombre ne cesse d’augmenter. En septembre dernier, à la veille du Sommet des Nations Unies sur le climat, quelque 74 pays, États fédérés, provinces et villes et plus de 1 000 entreprises et investisseurs ont affirmé leur soutien à la tarification du carbone. Définir un prix pour le carbone permettra de libérer des forces du marché au service de la lutte contre le changement climatique. C’est l’aspect le plus essentiel que nous devrions pouvoir concrétiser avec l’accord international attendu en décembre 2015 à Paris.
     
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  2. Éliminer progressivement les subventions aux combustibles fossiles

    Il faut profiter de la baisse des cours du pétrole pour supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles, qui encouragent le gaspillage et découragent la transition vers une croissance décarbonée. Dans le monde, en 2013, les subventions directes aux combustibles fossiles, qui abaissent artificiellement les prix de l’énergie, se sont chiffrées à près de 550 milliards de dollars, absorbant une forte proportion du PIB de certains pays. Or, on constate que les subventions aux combustibles fossiles profitent davantage aux riches qu’aux pauvres  De fait, des études montrent que les 20 % les plus riches bénéficient six fois plus de ces subventions que les 20 % les plus pauvresLes sommes économisées grâce aux démantèlement de ces subventions pourraient être réinvesties là où les besoins sont les plus criants, y compris dans la santé, l’éducation et d’autres domaines bénéfiques pour les pauvres.

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  3. Promouvoir l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables

    Au niveau planétaire, environ 1,2 milliard d’individus n’ont toujours accès à l’électricité. Le développement des énergies renouvelables sera vital pour remédier durablement à cette situation. Heureusement, elles deviennent de plus en plus abordables. Dans nombre de pays, leur développement à l’échelle industrielle revient à présent moins cher ou équivaut à celui des combustibles fossiles. Les gains d’efficacité énergétique sont également cruciaux pour réduire les émissions. Chaque gigawatt économisé est un gigawatt qui n’a pas dû être produit. Dans le monde, l’utilisation de l’énergie est aujourd’hui inférieure d’environ un tiers au niveau qu’elle aurait atteint en l’absence d’une meilleure maîtrise énergétique sur les vingt dernières années.
     
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  4. Construire des villes sobres en carbone

    L'expansion des villes est effrénée, surtout dans les pays en développement. Durant les deux prochaines décennies, on devrait construire davantage d’infrastructures que tout au long des six derniers millénaires. En Afrique et ailleurs, c’est l’occasion de bâtir des villes qui éviteront l’écueil d’une trajectoire de développement non viable (a), tout en permettant aux pauvres d’accéder aux emplois et aux opportunités. Le financement de cette croissance pourrait se révéler délicat. D’après les données disponibles, seulement 4 % des 500 plus grandes villes des pays en développement sont jugées solvables sur les marchés internationaux. C’est pourquoi le Groupe de la Banque mondiale aide les villes à améliorer leur planification stratégique et à renforcer une situation financière qui les empêche aujourd’hui d’accéder aux financements.
     
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  5. Pratiquer une agriculture climato-intelligente

    L'agriculture, la sylviculture et d’autres formes d’utilisation des terres contribuent à un peu moins d’un quart des émissions mondiales de gaz à effets de serre – sachant que si la population mondiale atteint les 9 milliards d’habitants prévus à l’horizon 2050, les besoins alimentaires iront grandissant et, partant, ces émissions. Les techniques climato-intelligentes  (a) peuvent accroître les rendements agricoles, renforcer la résilience des agriculteurs au changement climatique et réduire les émissions nettes, grâce à des sols et des végétaux en bonne santé qui constituent autant de pièges à carbone. Cette approche de la gestion des terres arables, du bétail, des forêts et des pêches permettra par ailleurs de produire plus d’aliments sur moins de terres, de réduire les émissions et de renforcer la sécurité alimentaire dans le monde. Le graphique suivant illustre les approches envisagées par nos experts dans les différentes régions.
     
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Ces cinq pistes d’action pourraient aider le monde à ne pas s’engager dans une trajectoire de réchauffement de 4 °C. Pour sa part, le Groupe de la Banque mondiale s’efforce d’intégrer des considérations climatiques dans toutes ses opérations, bien conscient que si nous ne réagissons pas aujourd’hui au changement climatique, nous ne parviendrons jamais à mettre fin à la pauvreté ou à promouvoir une prospérité partagée. Plus nous tardons, plus nous devrons dépenser d’argent pour transmettre une planète saine à nos enfants.

Auteurs

Jim Yong Kim

Ancien président du Groupe de la Banque mondiale

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