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Les adultes qui ne maîtrisent pas suffisamment l’informatique ont moins de chances que les autres de trouver un emploi. Selon les résultats de la dernière enquête conduite par l’OCDE dans le cadre du Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes (PEICA), les adultes n’ayant pas d’expérience de l’informatique ou ceux ne parvenant pas à résoudre des problèmes dans des environnements à forte composante technologique se retrouvent plus souvent au chômage ou exclus du marché du travail.Dans les pays de l’OCDE participants, en moyenne 52,5 % seulement des adultes sans compétences en informatique ont un emploi, contre 72,7 % pour ceux qui ont au minimum un faible niveau de compétences en traitement de l’information. De fait, le taux d’emploi augmente avec les compétences : parmi les adultes maîtrisant le mieux le traitement de l’information et capables de résoudre les problèmes les plus complexes, le taux d’emploi passe à 78,2 %.
Ces éléments probants prouvent que les écoles doivent impartir aux élèves des compétences informatiques qui leur permettront de participer activement à une activité économique en constante évolution. Tout le problème est de savoir comment procéder de manière optimale et de définir les compétences à privilégier. À bien des égards, l’ordinateur a bouleversé nos vies. Il est donc logique que les écoles et, plus largement, l’éducation évoluent elles aussi. Mais ces attentes ne sont pas toujours satisfaites ni clairement exprimées.
Voici dix ou 20 ans, chacun était convaincu que l’ordinateur et les outils internet permettraient d’améliorer l’éducation dans le monde. Malgré l’absence de données probantes sur les solutions vraiment opérationnelles, les gouvernements ont investi lourdement pour équiper les structures scolaires en ordinateurs et connexions internet. Aujourd’hui, la plupart des établissements dans les pays développés disposent a minima d’infrastructures TIC de base.
L’arrivée de l’informatique dans les écoles pourtant est à la fois une source d’opportunités et de défis, sachant qu’il est difficile de réunir des éléments probants confirmant les effets positifs de l’utilisation d’un ordinateur sur les résultats scolaires. Tout l’enjeu est de savoir s’il convient de continuer à développer les infrastructures TIC dans les écoles et quel impact ces capacités supplémentaires ont sur l’enseignement et l’apprentissage.
Les élèves acquièrent souvent des compétences informatiques de base en dehors de l’école. Les données de l’enquête PISA montrent que l’emploi d’un ordinateur à la maison est en général positivement corrélé au niveau de maîtrise informatique de l’élève. Mais rien ne prouve que l’ordinateur à l’école profite effectivement aux élèves. L’absence de corrélation entre utilisation d’un ordinateur à l’école et résultats scolaires est frappante. Elle est d’ailleurs parfois négative : plus la pédagogie fait appel à l’ordinateur, moins les élèves obtiennent de bons résultats.
Dans aucun pays de l’OCDE, l’emploi d’un ordinateur à l’école n’est associé à des résultats scolaires manifestement meilleurs. L’utilisation d’un ordinateur et d’autres appareils TIC sans finalité clairement définie peut en fait distraire les élèves et compromettre leur apprentissage. Autre erreur d’appréciation, la conviction selon laquelle l’ordinateur réduit la quantité de connaissances à acquérir puisque tout est disponible sur l’internet. Pourtant, la maîtrise d’un vocabulaire de base est une condition préalable indispensable pour mettre efficacement en œuvre ses compétences. De sorte que le manque de connaissances reste pour la plupart des élèves un obstacle majeur.
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Comme pratiquement tous les établissements des pays développés sont équipés de laboratoires informatiques et ont accès à l’internet, les gouvernements n’ont donc plus à se soucier du volet « équipement ». Les résultats cités précédemment montrent que les élèves acquièrent les bases de l’informatique chez eux mais que l’école est incapable de faire fructifier ces acquis. Le rôle des établissements scolaires devrait plutôt être d’enseigner la pratique de l’informatique et la navigation sur le web de manière plus poussée afin de favoriser l’apprentissage et l’épanouissement personnel.
La maîtrise des fondamentaux TIC est nécessaire mais non suffisante pour participer à l’activité économique et occuper la plupart des postes disponibles sur le marché. D’où ce défi qui prend une importance croissante : comment enseigner aux élèves des compétences informatiques plus poussées ou les aider à faire preuve de davantage de créativité dans leur utilisation d’un ordinateur. Ils pourraient par exemple en apprendre le fonctionnement grâce à des cours de programmation ou en fabriquant un modèle simple. Le Royaume-Uni en a pris conscience, qui enseigne depuis peu le codage informatique aux élèves dès le plus jeune âge, les cours démarrant à 5 ans.
L’utilité d’un ordinateur en appui à l’enseignement peut également être nuancée. Ainsi, les écarts de compétences en lecture entre les filles et les garçons persistent dans tous les pays : les résultats des enquêtes PIRLS et PISA montrent qu’à 10 et à 15 ans, les filles dépassent les garçons dans les tests de lecture. Mais dans la plupart des pays, l’écart se réduit lorsque les tests se font sur ordinateur et que la lecture d’informations liées à l’internet est évaluée. La mise en place d’environnements où les garçons sont incités à lire et à se servir d’un ordinateur de manière à les obliger à lire des textes plus longs pourrait contribuer à améliorer leurs compétences.
Dans le même temps, les filles ont parfois la même réaction d’angoisse face à un ordinateur que face à des matières comme les mathématiques ou les sciences. Les politiques doivent dans ce cas œuvrer pour combler ce déséquilibre entre les sexes en luttant par exemple contre des stéréotypes fréquents dans certains pays, qui veulent que les garçons s’orientent vers les sciences « dures » et les filles vers les sciences « molles », ou en prônant la conception d’outils d’éducation à l’informatique et à l’internet dont le fond et la forme sont plus adaptés aux filles. Cette possibilité reste encore largement méconnue, dans la mesure où dans de nombreux pays, les politiques éducatives ne parviennent pas à appréhender de manière distincte les besoins des filles et ceux des garçons et privilégient des solutions uniformes incapables d’exploiter ce type de perspectives.
Étant donné l’importance de la maîtrise de l’outil informatique pour l’avenir professionnel des élèves, les écoles doivent revoir la manière dont elles enseignent ces matières. Il ne suffit pas d’avoir introduit l’ordinateur à l’école ni d’apprendre aux enfants à s’en servir. Il faut leur apprendre à exploiter toutes les possibilités de l’informatique pour accomplir des tâches plus complexes que la recherche de faits simples ou la participation à des réseaux sociaux. Les enseignants doivent apprendre comment exploiter les compétences que les élèves ont acquises chez eux et comment les guider vers une utilisation plus sophistiquée des TIC. Si nous voulons profiter à plein de la révolution numérique, nous devons modifier nos techniques d’enseignement et d’apprentissage.
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