Publié sur Opinions

Au-delà de l'égalité salariale

Au-delà de l'égalité salariale Au-delà de l'égalité salariale

La première Coupe du monde féminine de football a eu lieu en 1991, soit soixante ans après le premier tournoi masculin. Nous avons toutes deux passé notre enfance à regarder les matchs et intégré l'équipe de foot féminine de notre lycée. Si certaines d'entre nous rêvaient seulement de marquer un but, d'autres aspiraient à devenir joueuses professionnelles.

Pourtant, il n'y a pas si longtemps, de nombreux pays interdisaient purement et simplement aux femmes de jouer au football. Ce sport était qualifié d'« inapproprié » (a) pour les femmes au Royaume-Uni, où il leur a été interdit de jouer de 1921 à 1971, et de trop « violent » (en portugais) au Brésil, qui a interdit le football féminin de 1941 à 1979. Même si ces interdictions ont été levées depuis, les femmes rencontrent toujours des obstacles pour faire jeu égal avec les hommes. 

Des footballeuses aux ouvrières dans les usines, partout dans le monde, les femmes sont moins bien payées que les hommes pour la seule et unique raison que ce sont des femmes. Selon des estimations récentes, la rémunération des femmes à l’échelle mondiale ne représente que 77 % de celle des hommes. La législation est l'une des premières étapes dans la lutte contre ces inégalités salariales. La Banque mondiale a mis au point un indice qui permet d’évaluer le cadre législatif qui conditionne la place des femmes dans la vie économique pour 190 pays. Selon le rapport 2020 sur les Femmes, l'Entreprise et le Droit, le score moyen est d'à peine 66,1 sur 100 en ce qui concerne l'indicateur Rémunération (a). Autrement dit, 70 % des pays du monde disposent encore de lois et de règlements susceptibles de favoriser l'écart salarial entre les sexes. 

 

Scores moyens pour l'indicateur Rémunération dans le rapport Les Femmes, l'Entreprise et le Droit, par région

Source : Les Femmes, l'Entreprise et le Droit.


La plupart des pays luttent contre la discrimination salariale au moyen de la législation, en imposant notamment le principe de l'égalité de rémunération pour un travail égal. Cependant, le problème ne se limite pas au fait de moins bien rémunérer les femmes pour un même travail. En raison d’une forme de ségrégation professionnelle, les femmes se retrouvent généralement dans des professions moins bien rémunérées. C'est pourquoi les responsables politiques doivent aller au-delà de l'égalité salariale pour instaurer une égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et supprimer les interdictions qui s'appliquent aux emplois que les femmes peuvent exercer. 

Le principe de l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, inscrit par l'Organisation internationale du travail dans la Convention sur l'égalité de rémunération de 1951, est distinct de la notion de salaire égal pour un travail égal. Comparez, par exemple, le personnel d'entretien (surtout des femmes) et les chauffeurs (surtout des hommes). Bien qu'objectivement différents, ces emplois peuvent être considérés comme étant de valeur égale. Aujourd'hui, moins de la moitié des pays du monde (88 au total) ont instauré l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale.

Pour lutter contre les inégalités salariales entre les sexes, il est également essentiel de supprimer les restrictions à l’emploi. Quatre-vingt-dix pays appliquent des restrictions légales à l'emploi des femmes, en leur interdisant de travailler la nuit, en limitant les tâches qu'elles peuvent effectuer dans certains secteurs ou en les empêchant d'exercer des métiers jugés trop dangereux. Nombre des professions où les femmes se heurtent à de tels obstacles sont des emplois pénibles, dangereux ou salissants, dont personne ne veut, mais qui, en contrepartie, peuvent être mieux rémunérés. En Sierra Leone, par exemple, les femmes ont interdiction de travailler dans les mines. En Azerbaïdjan, elles n'ont pas le droit de conduire le métro. Et le Viet Nam leur interdit d'installer des plateformes pétrolières en mer. 

Bien que la rémunération soit le deuxième indicateur le plus faible de l'indice sur les Femmes, l'Entreprise et le Droit, c'est aussi l'un des domaines qui fait l'objet du plus grand nombre de réformes. Depuis 2017, 12 économies ont amélioré la législation relative à la rémunération des femmes. Par exemple, les Émirats arabes unis ont supprimé toutes les restrictions à l'emploi des femmes et la Thaïlande a adopté une loi relative à l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale. Et les choses avancent également dans le sport. Alors que la génération de nos mères a assisté à la levée de l'interdiction sur le football féminin, la nôtre se bat pour l'égalité des salaires : du Nigéria (a) aux États-Unis (a), les joueuses réclament une rémunération équitable. Il faut espérer que les inégalités salariales entre les hommes et les femmes continueront à se réduire à travers le monde, pour que, demain, nos filles puissent pleinement réaliser leur potentiel économique. 


Auteurs

Katrin Schulz

Private Sector Development Specialist, World Bank Group

Prenez part au débat

Le contenu de ce champ est confidentiel et ne sera pas visible sur le site
Nombre de caractères restants: 1000