Publié sur Opinions

Avant-propos : Perspectives économiques mondiales, janvier 2021

Des salariés portant des masques préparent des emballages de mangues fraîches. © Iakov Filimonov/Shutterstock Des salariés portant des masques préparent des emballages de mangues fraîches. © Iakov Filimonov/Shutterstock

Après la crise sanitaire et économique dévastatrice provoquée par la COVID-19, l'économie mondiale semble émerger de l'une de ses plus profondes récessions et s'orienter vers une reprise timide. Au-delà de présenter des projections à court terme, cette dernière édition des Perspectives économiques mondiales expose clairement les défis redoutables que doivent relever les responsables politiques  — qu’il s’agisse de la santé publique, de la gestion de l’endettement, des politiques budgétaires, de l’action des banques centrales ou des réformes structurelles — pour faire en sorte que cette dynamique encore fragile se confirme et jette les bases d’une croissance solide et d'un développement durable.

Gouvernements, ménages et entreprises, tous doivent maintenant s'adapter au nouveau visage de l'économie. Les politiques publiques devront d'une part protéger les plus vulnérables et, d'autre part, permettre aux capitaux, à la main-d'œuvre, aux compétences et à l'innovation de se réorienter vers de nouveaux objectifs afin de construire un environnement économique post-COVID plus vert et plus vigoureux. Certains pays, déjà engagés dans cette voie vers le dynamisme et la résilience, doivent encore redoubler d'efforts. Pour d'autres, la transition est particulièrement critique à un moment où les finances publiques sont mises à rude épreuve par la pandémie et où les autres moteurs de la croissance à long terme tournent au ralenti.

Les investissements, en particulier, se sont effondrés en 2020 dans de nombreuses économies de marché émergentes et en développement, après une décennie de morosité persistante. Ils devraient reprendre en 2021, mais en dépit d'un rebond dans le domaine des technologies numériques, cela ne sera pas suffisant pour contrebalancer le déclin important de l'année passée. L'expérience des crises précédentes soulève une autre crainte : sans correction urgente de la trajectoire actuelle, l'investissement pourrait demeurer atone pendant des années. 

Pour affronter les vents contraires à l’investissement, une impulsion décisive est indispensable afin d'améliorer l’environnement des affaires, d'accroître la flexibilité du marché du travail et des biens et de renforcer la transparence et la gouvernance. Soit autant de mesures à même de redynamiser les investissements et de les utiliser plus judicieusement, dans un contexte où des niveaux d'endettement non soutenables constituent toutefois un obstacle important. Déjà à des niveaux records avant la pandémie, le fardeau de la dette intérieure et extérieure s'est considérablement alourdi en raison de la baisse dévastatrice des recettes dans les économies émergentes et en développement.

« La définition des plans de relance donne aux pays l'occasion de s'engager sur une voie de développement plus écologique, plus intelligente et plus équitable. »

Une combinaison de mesures politiques est nécessaire pour maîtriser le poids de la dette extérieure  : la participation plus large de tous les créanciers bilatéraux privés et officiels aux efforts actuels d'allégement du service de la dette ; une réduction importante de cette charge pour les pays en surendettement afin de favoriser l'attractivité des investissements ; de meilleures pratiques de transparence par opposition au secret et aux restrictions entourant les accords de prêt ; des réformes législatives pour accélérer la restructuration de la dette du secteur privé ; un meilleur enchaînement de ces processus, ce qui peut impliquer que les pays aient des arriérés de paiement envers leurs créanciers tandis qu'ils travaillent avec les institutions financières internationales pour assurer la viabilité de leur dette.

Un autre risque vient compliquer le problème de l’endettement : la possible addition de passifs résultant de l'explosion de l'endettement privé à une dette publique déjà conséquente. Durant la pandémie, de nombreux gouvernements ont facilité l'octroi de prêts aux entreprises pour faire face aux manques de liquidités, au moyen notamment de garanties des emprunts, de reports de paiement et de tolérances réglementaires. De telles interventions mettent en évidence le compromis difficile entre la nécessité d’augmenter l’offre de crédit et le maintien de normes réglementaires permettant de limiter les risques financiers. Au fur et à mesure que la crise sanitaire et économique s'atténue, ces dispositions doivent être réévaluées périodiquement pour garantir la transparence de la qualité des actifs et ne pas compromettre la capitalisation des banques.

Les pouvoirs publics doivent également renforcer les contrôles prudentiels de la qualité des prêts et améliorer les mécanismes de règlement et de recouvrement afin de remédier aux difficultés que pourraient poser les niveaux élevés d'endettement des entreprises. Les créances douteuses étant susceptibles de se multiplier, il sera important d'accélérer les processus de règlement des faillites et de la dette intérieure pour libérer les capitaux en litige et les réaffecter à d'autres usages. L'ajout de nouveaux investissements aux actifs productifs existants sera essentiel pour favoriser un développement durable. 

Que ce soit dans les mécanismes de règlement de la dette extérieure ou intérieure, la transparence est fondamentale. Elle permet de renforcer la responsabilisation, de rendre les investissements et les emprunts futurs plus productifs et de soutenir le redressement des économies, levier essentiel de réduction de la pauvreté. La non-résolution des situations d'insoutenabilité de la dette et les insuffisances des restructurations auront pour conséquence de freiner des processus de reprise économique pourtant vitaux, en particulier dans les pays les plus pauvres.

Les risques climatiques et environnementaux toujours plus importants rendent l'action politique encore plus urgente, y compris en matière de réduction du poids de la dette et d’amélioration du cadre d'investissement. La définition des plans de relance donne aux pays l'occasion de s'engager sur une voie de développement plus écologique, plus intelligente et plus équitable.  Investir dans des projets d'infrastructures vertes, supprimer progressivement les subventions aux combustibles fossiles et offrir des incitations en faveur de technologies écologiquement durables sont autant de mesures à même d'étayer la croissance à long terme, de réduire la production de carbone, de créer des emplois et de faciliter l'adaptation aux effets du changement climatique.

Il est primordial de consentir les bons investissements dès maintenant, à la fois pour soutenir une reprise urgente et pour favoriser la résilience. La réponse que nous apporterons aujourd'hui à la crise sanitaire façonnera notre avenir commun pour les années à venir.  Nous devons saisir l'occasion qui nous est offerte de jeter les bases d'une économie mondiale durable, équitable et viable.

Initialement publié dans l'avant-propos de l'édition de janvier 2021 du rapport sur les Perspectives économiques mondiales.

 

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Auteurs

David Malpass

Ancien président du Groupe de la Banque mondiale

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