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On m’invite souvent à titre de modèle de réussite féminine et, à ces occasions, on me demande généralement quel est mon sentiment sur une carrière qui m’a vu exercer des fonctions qui sont souvent l’apanage exclusif des hommes. Bien sûr, je suis fière de mes accomplissements et j’ai bien conscience que jamais, tout au long de mon parcours éducatif, je ne me suis entendu dire que certaines choses m’étaient impossibles parce que j’étais une femme. Mais j’ai bien conscience aussi que beaucoup de femmes à travers le monde ont en face d’elles des barrières qui les empêchent d’entrer en politique, de gagner leur vie, de prendre soin de leur famille, d’avoir une entreprise ou même d’ouvrir un compte en banque. J’ai googlisé l’expression "women and barriers" (« femmes et obstacles ») et obtenu 48 500 000 résultats. Le message du Rapport sur le développement dans le monde 2012, consacré à la place de l’égalité hommes-femmes dans le développement, est on ne peut plus clair : l’égalité entre les sexes est un atout pour l’économie. Aplanir les différences n’est pas seulement un objectif fondamental en soi, c’est aussi un moyen de favoriser le développement économique. L’action que nous menons sur le front du développement devrait nous aider à faire baisser le nombre de résultats obtenus sur le web quand nous recherchons la combinaison « femmes et obstacles ». Et, dans cette bataille, l’élimination des obstacles qui entravent l’accès des femmes aux financements et l’égalité d’accès à ces financements jouent un rôle décisif.
Créer sa propre entreprise et la faire grandir est plus compliqué pour une femme que pour un homme. Dans les pays en développement, les femmes mentionnent l’accès aux financements comme le principal obstacle à la création et la gestion d’une entreprise. Elles se voient généralement accorder des conditions d’emprunt moins favorables que les hommes et appliquer des taux d’intérêt plus élevés. Selon une étude récente, les besoins de financements non couverts chez les femmes d’entreprise s’élèvent à plus de 300 milliards de dollars chaque année. Or, dans les pays en développement, les entreprises féminines représentent aujourd’hui entre 31 et 38 % de la totalité des PME du secteur formel. Si elles disposaient des capitaux nécessaires, elles pourraient être en mesure d’embaucher plus de personnel et de contribuer davantage au développement économique.
À l’origine de ces déséquilibres, il y a le fait que, dans nombre de pays du monde, les inégalités entre les sexes sont encore inscrites dans le droit. Seuls 38 pays sur 141 garantissent des droits égaux aux hommes et aux femmes dans 45 domaines considérés comme primordiaux : ouvrir un compte en banque, travailler sans l’autorisation du mari ou d’un tuteur, avoir le droit de posséder des biens et de les gérer… Dans un contexte de fortes inégalités, les femmes d’entreprise devront aussi verser des pots-de-vin plus élevés pour pouvoir mener leurs activités. Tout cela est injuste, et absurde du point de vue de l’économie.
Les barrières financières ont un impact considérable et leur élimination revêt un immense potentiel pour la réduction de la pauvreté et la croissance. C’est la raison pour laquelle en janvier dernier j’ai volontiers accepté, à l’invitation de la Secrétaire d’État américaine Hillary Clinton, de siéger au sein du « Conseil international sur le leadership des femmes dans les affaires » et de présider son sous-comité chargé de l’accès aux capitaux. À la tête d’organisations publiques ou privées, ces dirigeantes se sont regroupées pour promouvoir le rôle des femmes dans les affaires internationales, le développement économique et la croissance mondiale.
La Banque mondiale conduit de nombreuses opérations visant à élargir, en général, le champ des opportunités pour les femmes d’entreprise et, en particulier, améliorer leur accès aux capitaux. Dans plus de 55 pays, nous menons des projets de nature à faciliter la capacité des femmes à créer des emplois, de la croissance et des débouchés via l’entreprise. Nous travaillons avec les gouvernements à la conception et la mise en œuvre de stratégies nationales portant sur l’inclusion financière et visant à accroître l'accès aux financements pour les groupes de population qui en sont dépourvus, dont les femmes. La Banque mondiale va bientôt présenter un « indice mondial d’inclusion financière », élaboré avec le soutien de la Fondation Gates. Ce nouvel ensemble de données sur les obstacles au financement pour les femmes à travers les pays du monde constitue une source précieuse d’informations qui devrait aider à élaborer des politiques fondées sur des données concrètes et mieux concevoir les produits financiers. Enfin, nous collaborons aussi avec les institutions financières pour élargir les services financiers offerts aux femmes entrepreneurs.
Je suis convaincue que la Banque peut jouer un rôle déterminant dans ce domaine et je crois en l’importance de notre collaboration avec des partenaires animés de la même volonté et du même enthousiasme. À la tête du sous-comité sur l’accès aux capitaux pour les femmes et aux côtés de ces grandes figures du leadership féminin, je m'attacherai à exploiter l’énergie et le savoir de cette assemblée formidable pour véhiculer l’expertise de la Banque. Soyons honnêtes : en cette Journée internationale des femmes, rien ne justifie de mettre des bâtons dans les roues des femmes qui ont besoin de capitaux et de ressources pour faire tourner leur entreprise. Agissons ensemble pour lever un obstacle qui entrave l’ascension et la croissance.
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