Disponible en : English
Si la notion de « fossé entre les sexes » s’est banalisée, cela ne doit pas masquer l’absence criante de données sexospécifiques.
Depuis le siège de l’institut Gallup, à Washington, la secrétaire d’État américaine, Mme Hillary Clinton, et le président du Groupe de la Banque mondiale, M. Jim Yong Kim, ont appelé aujourd’hui à redoubler d’efforts pour collecter plus de données sur les filles et les femmes et favoriser ainsi leur émancipation économique et la croissance. « L’égalité hommes-femmes est cruciale pour la croissance et la compétitivité », a déclaré Jim Yong Kim lors de la conférence intitulée Evidence and Impact: Closing the Gender Data Gap (Données et impact : pallier l’absence de statistiques sexospécifiques), co-organisée par le département d’État et l’institut Gallup.
Mais la carence de données par sexe freine les efforts de développement dans de nombreux pays. « Nous devons combler ces lacunes et faire en sorte que les femmes comptent », a ajouté M. Kim.
Selon le Rapport sur le développement dans le monde 2012, les retards sont particulièrement criants au niveau de la capacité d’expression et d’action des femmes. Sans parler des données très parcellaires sur leurs opportunités économiques et leurs capacités d’expression dans les pays en développement.
M. Jim Yong Kim a présenté le nouveau portail de la Banque mondiale consacré aux données sexospécifiques – qui rassemble des informations ventilées par sexe (enquêtes, statistiques, analyses ou documents de référence) rendant compte de la situation des filles et des femmes sous différents aspects : emploi, accès aux activités productives, éducation, santé, vie publique et pouvoir de décision, droits de l’homme et démographie.
Mme Clinton a également évoqué une nouvelle initiative, baptisée Data 2X, chargée d’élaborer de nouvelles normes pour les programmes de formation destinés aux producteurs et aux utilisateurs de statistiques, afin d’intégrer les techniques sensibles au genre. Ce projet associera les grands organismes producteurs de données, comme les Nations Unies, la Banque mondiale, l’OCDE, PARIS21 et Gallup, pour tracer une feuille de route et satisfaire au plus vite les besoins prioritaires en la matière. Dans un an, l’initiative Data 2X dressera premier un bilan.
Écoutons la secrétaire d’État : « si notre engagement à combler le fossé hommes-femmes et à donner un coup de pouce supplémentaire aux filles et aux femmes est sincère, alors nous devons tout faire pour collecter et analyser les informations qui rendent compte de la situation. L’expérience nous a appris que la société avait tout à gagner d’investissements en faveur des femmes, mais nous manquons des statistiques nécessaires pour mieux orienter ces investissements… et comme les femmes représentent la moitié de l’humanité, c’est comme si notre univers, toujours plus dépendant des statistiques, était traversé par un immense trou noir ».
Citant le Rapport sur le développement humain, Mme Clinton a rappelé que les inégalités hommes-femmes pouvaient réduire jusqu’à 85 % les progrès d’un pays en matière de santé, d’éducation et de niveaux de vie.
D’autres études ont prouvé que la suppression des obstacles à la participation des femmes dans certains secteurs d’activité ou à certains échelons hiérarchiques pouvait entraîner un gain général de productivité de 3 à 25 %. De surcroît, si les femmes agricultrices avaient accès aux mêmes semences, équipements et systèmes d’irrigation que les hommes, elles pourraient accroître leurs rendements de 20 à 30 % et fournir ainsi à 150 millions d’êtres humains supplémentaires les denrées alimentaires qui leur manquent.
« Le potentiel est immense », a poursuivi la secrétaire d’État. « On sait que l’amélioration du statut des filles et des femmes agit positivement sur la société tout entière et que, dans les pays qui évoluent dans ce sens, l’éducation s’améliore, les dépenses d’alimentation et de santé augmentent, la productivité progresse et l’économie se développe ».
Jim Yong Kim et Hillary Clinton ont lancé un appel pour investir davantage dans des statistiques et des données susceptibles d’orienter les décisions et de pallier les carences actuelles de la ventilation par sexe. L’an prochain, a indiqué le président de la Banque mondiale, l’institution s’efforcera d’aider dix pays à se lancer dans la collecte de ce type de données.
Le nouveau site de la Banque mondiale sur l’égalité hommes-femmes offre un accès aisé à de multiples sources d’informations, comme la base de données sur l’accès aux services financiers dans le monde (Global Findex), les sites consacrés aux données sexospécifiques (GenderStats), aux indicateurs du développement dans le monde et aux données collectées par la Banque mondiale sur les entreprises dans le monde (Enterprise Surveys), sans oublier l’initiative Les femmes, l’entreprise et le droit (Women Business and the Law) et quantité d’autres sources. Des outils de visualisation permettent de créer des cartes, des graphiques et des diagrammes par pays. La base sera constamment actualisée, en fonction des progrès de la collecte de données. Dans le cadre de l’initiative Open data de la Banque mondiale, les internautes pourront accéder à un large éventail d’informations sur les activités et les financements de l’institution.
« Si nous voulons imprimer un changement durable et profond, nous devons aider les pays en développement à exploiter toutes ces données », a indiqué M. Kim. « En diffusant largement ces statistiques, nous contribuons à la responsabilisation des hommes et des femmes qui pourront ainsi militer pour le changement. C’est là un aspect crucial car, au final, c’est la demande de données sexospécifiques de qualité qui sera garante du succès ».
Prenez part au débat