Billet rédigé par Sarah Rotman et Omar Ndaye. Publié initialement sur le blog du CGAP.
La Côte d’Ivoire a vu son marché des services de mobile money connaitre une remarquable progression ces dernières années. Les derniers résultats enregistrés dans le secteur laissent entrevoir de belles perspectives intéressantes. En effet à la fin du troisième trimestre 2012, ce ne sont pas moins de 2.6 millions de clients aux services de mobile money qui étaient enregistrés sur le territoire ivoirien tous fournisseurs confondus.
Depuis le lancement des services de mobile money en décembre 2008, la Côte d’Ivoire est le théâtre d’une compétition très dense, impliquant deux grands opérateurs de réseaux mobiles internationaux (MTN et Orange) et un émetteur de monnaie électronique non bancaire à dimension nationale (Celpaid).
Il est vrai que le marché ivoirien présente des caractéristiques particulièrement intéressantes au développement du marché du mobile money, à savoir une masse monétaire de l’ordre de 33% de celle de la zone UEMOA (Source: BCEAO 2011), un taux de pénétration des services mobile de l’ordre de 95% de la population (Source: Wireless Intelligence, Q3 2012), un PIB en parité de pouvoir d’achat par habitant des plus élevé de la région UEMOA qui s’élève à 1803 US $ (Source: Banque Mondiale. 2011).
Face à un tel marché, les deux opérateurs mobiles, MTN et Orange, pour les citer, qui ont des parts de marché semblables de l’ordre de 30% chacun, se mènent une compétition à nulle autre pareille, sur les services de mobile money, rivalisant de stratégies et d’approches marketing sans cesse affinées à mesure que le marché livre ses secrets, mais également capitalisant sur leur apprentissage des déploiements similaires dans d’autres marchés africains. En effet le groupe Orange totalise huit (8) déploiements de mobile money en Afrique, dont quatre (4) dans la zone UEMAO tandis que MTN en enregistre au total (12) dans le continent dont (3) dans la zone UEMOA.
La Côte d’Ivoire se trouve ainsi être le seul pays de la zone UEMOA dans lequel ces deux acteurs sont en compétition sur le marché du mobile money. Il en résulte une offre de services qui comprend entre autres le : cash in, cash out, paiement marchand, paiement de factures, transfert d’argent, paiement de salaire, et assurance. Cette diversité de l’offre est soutenue par une accélération du nombre de points de transactions au niveau du réseau de distribution, qui a connu cette année une croissance fulgurante. En effet le nombre d’agents du réseau de distribution a quasiment doublé en une année s’établissant à plus de 3000 agents au total pour les deux opérateurs.
Les conséquences d’une telle compétition ne se sont pas fait attendre. Selon une étude récente du CGAP (a), parmi les 120 initiatives de branchless banking recensées de par le monde au premier trimestre 2012, 21 avaient enregistré plus de 1 million de clients inscrits et seulement 11 parmi elles avaient totalisé plus de 200 000 clients actifs. Or depuis le premier semestre 2012, la Côte d’Ivoire fait parti du cercle restreint des pays où l’on retrouve une initiative ayant enregistré plus de 1 million de clients inscrits et plus de 200 000 clients actifs. L’activité des clients bien que encore faible, dans l’ensemble, demeure en progression constante, reflétant ainsi les efforts marketing consentis par les deux acteurs sur le volet mobile money.
Néanmoins, au regard des résultats qu’affiche le marché du mobile money en Côte d’Ivoire, une série de questions nous interpellent: Les populations à faibles revenus et pauvres utilisent-elles réellement les services proposés ? De récentes recherches menées au Kenya (a) (Jack & Suri) montrent que le mobile money est utilisé par les populations très pauvres après plusieurs années d’existence dans le marché. Toutefois la recherche doit être entreprise sur d’autres marchés afin de prouver que c’est réellement le cas. Quelle est, dans sa forme actuelle, la proposition de valeur du mobile money pour les populations à faibles revenus et les pauvres en Côte d’Ivoire ? Dans quelle mesure cette proposition de valeur et les progrès observés offrent-ils aux populations les moyens de mieux gérer leurs finances notamment par rapport aux solutions palliatives existantes au niveau du secteur informel? Par exemple, comment la grande communauté burkinabé qui habite en Côte d’Ivoire pourrait profiter du mobile money pour envoyer de l’argent chez eux ?
Dans la zone UEMOA, le mobile money est perçu par d’aucuns comme un viatique pour promouvoir l’accès des populations pauvres aux services financiers de base et accroitre le taux de bancarisation. Toutefois, malgré des avancées notables, en Côte d’Ivoire, de nombreux défis subsistent pour atteindre les objectifs de bancarisation associés au mobile banking: les réseaux de distribution restent très peu développés dans les zones rurales, l’offre de services bien que assez développée reste encore trop classique et pas assez ‘’customisée’’ aux attentes des populations à faibles revenus et des pauvres et l’éducation inclusive qui interpelle tant les fournisseurs de services que les autorités publiques demeure un maillon faible au franchissement de la barrière de l’utilisation de services financiers formels pour les populations cibles.
Il est vrai qu’il y a eu déjà beaucoup de progrès réalisés, mais il y a alors encore du travail à faire.
Regardez ce court entretien vidéo (a) avec Serigne Dioum où il parle de MTN Mobile Money en Cote d’ivoire.
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