Publié sur Opinions

De meilleures données sur les projets d’infrastructure pour encourager l’investissement privé dans les pays émergents

Nous vivons dans un monde interconnecté où les données occupent une place de plus en plus importante. Les investisseurs n’échappent pas à cette tendance, qui s’appuient toujours plus sur des données précises pour savoir où, quand et comment investir.

Comme je l’ai évoqué dans un récent billet, face au manque de données sur les marchés émergents, on assiste à la multiplication de plateformes commerciales qui s’efforcent de réunir des informations sur les projets d’infrastructure dans ces pays. Ces plateformes, à l’instar d’autres bases de données spécialisées, ont pour objectif de cartographier les marchés et de permettre aux investisseurs de localiser des projets prêts à recevoir des investissements et offrant de bonnes perspectives de rentabilité. 

Soutenir l’investissement privé dans des infrastructures de qualité au sein des pays émergents : cet enjeu est au cœur de l’action du Groupe de la Banque mondiale, qui s’attache actuellement à déterminer comment il pourrait contribuer à une meilleure organisation et un partage plus efficace des données. Le mois dernier, la Banque a organisé un séminaire portant précisément sur les plateformes de projets d’infrastructure et réuni à cette occasion plusieurs promoteurs de bases de données, ainsi que des investisseurs et d’autres parties prenantes. Un large éventail d’initiatives était représenté, avec des plateformes de taille considérable (plusieurs milliers de projets dans le monde entier, pour une valeur totale de près de 10 millions de dollars) et des bases de données de moins grande envergure et spécialisées (moins d’une centaine de projets, mais tous situés dans des pays émergents). Ce séminaire a donné le coup d’envoi d’une série de réunions consacrée à des sujets qui se situent au carrefour de la finance et du développement, et organisée par la direction financière du Groupe de la Banque mondiale.

La première discussion s’est révélée très instructive. Même si les plateformes de projets se sont multipliées et agrandies au cours des dix dernières années, de nombreuses difficultés demeurent : manque de données, informations pas assez détaillées, de mauvaise qualité, voire contradictoires. Il est essentiel de remédier à ces problèmes afin d’attirer l’attention des investisseurs sur des projets d’infrastructure rentables.

Voici quelques aspects à prendre en compte pour une amélioration des données :

  • Profil de risque. La réunion a révélé des inquiétudes quant à la capacité des plateformes existantes à refléter avec exactitude le profil de risque d’un projet. Par exemple, les bases de données n’ont à l’heure actuelle aucun moyen de signaler comme « risqué » un projet à l’arrêt. Certains développeurs se sont engagés à se montrer plus offensifs pour obtenir et publier des informations sur les calendriers de passation des marchés, de sorte que les investisseurs disposent d’un meilleur suivi des projets qui les intéressent. Ce degré de précision supplémentaire devrait permettre aux investisseurs de mieux évaluer le risque que présente un projet en cours et les difficultés auxquelles il est confronté.
     
  • Comparabilité des projets. Les participants ont mis en évidence l’absence de normalisation des données sur les projets (il n’existe pas de clauses communes ou standardisées pour les marchés) ainsi que des lacunes dans les informations fournies (sur les rendements relatifs des projets, par exemple). Il est par conséquent difficile de comparer les opportunités dans le cadre d’une même base de données ou entre plusieurs plateformes. Les participants ont fait observer qu’une telle normalisation permettrait en outre de réduire les asymétries d’information qui entravent la comparabilité entre les nombreuses bases de données spécialisées.
     
  • Hiérarchisation des projets dans les programmes d’investissement publics. Les participants ont également souhaité que figurent dans les bases de données des indications sur la place et le niveau de priorité de chaque projet dans le programme d’investissement public du pays concerné. Le cas de l’Ontario a été cité en exemple : cet État du Canada publie chaque année ses plans d’infrastructure pour les douze prochains mois. Cette liste est rendue publique dans une base de données à l’intention des promoteurs de projet, des investisseurs et d’autres parties prenantes ; les bailleurs de fonds sont ainsi en mesure de préparer leur offre en toute confiance, ce qui n’aurait pas été le cas sans ce dispositif et la certitude qu’il apporte. À cet égard, la Plateforme globale pour l’infrastructure (GIF) a annoncé le lancement en 2017 d’un nouvel outil d’évaluation qui aidera les pays à analyser les modalités de préparation des projets au regard de ces bonnes pratiques. La discussion a également permis de pointer des interrogations quant au degré de prise en compte des projets infranationaux et des opérations des entreprises publiques dans les bases de données.
     
  • Une information sur mesure et actualisée. Parmi les nouvelles fonctionnalités envisagées par les développeurs des plateformes, figure notamment l’envoi d’alertes pour informer leurs abonnés des opportunités qui s’offrent dans un secteur d’activité ou une région en particulier. Les développeurs prévoient aussi de faciliter le référencement des divers projets qui sont soutenus par un bailleur de fonds spécifique ou qui bénéficient de l’avis d’un consultant donné.

Les participants ont également souligné que l’éventail des investisseurs intéressés par le développement des infrastructures dans les pays émergents s’était nettement élargi, aussi bien du côté des banques d’affaires que de celui des investisseurs, et que ces différents acteurs ne demandaient pas nécessairement les mêmes informations. Aussi sont-ils convenus de se pencher sur cette question et de faire en sorte que l’offre d’informations corresponde mieux aux besoins de plus en plus spécifiques des investisseurs potentiels.

Le Groupe de la Banque mondiale, quant à lui, par le biais de l’équipe chargée des partenariats public-privé, de la GIF et de l’ensemble des services concernés, continuera d’explorer les meilleures pratiques en matière de partage de l’information et de préparation des projets, et de s’efforcer de les adapter au mieux aux marchés émergents. 


Auteurs

Joaquim Levy

Ancien directeur général et directeur financier

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