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Des services bancaires pour tous en Afrique de l’Ouest

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Il y a quelques semaines, la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a annoncé une bonne nouvelle : au cours des cinq dernières années, la proportion de la population bancarisée dans la région a progressé de plus de 5 points, passant de 9 % en 2006 à 14,3 % à la fin 2011.

Les banques postales et les institutions de microfinance, qui ont un statut juridique particulier dans la région, desservent près de 9 % de la population, tandis que les 5 % restants sont servis par les banques commerciales.

Cette évolution témoigne du rôle important que continue de jouer le secteur de la microfinance pour l'accès aux services financiers des personnes à bas revenus. Elle indique aussi qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, d’autant plus qu’il existe toujours d’importantes disparités entre les pays — par exemple, 28,3 % de la population est bancarisée au Bénin, contre 2,6 % seulement au Niger.

En 2012, les huit pays (Mali, Sénégal, Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Togo, Niger et Guinée Bissau) de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) ont finalement tous adopté la nouvelle réglementation sur la microfinance. Ce nouveau cadre réglementaire pourrait faire évoluer le paysage de l’inclusion financière au cours des prochaines années.

Il ouvre en effet la voie à des formes juridiques autres que les coopératives financières/caisses mutuelles, qui prédominent dans la région et permet, par exemple, à des sociétés anonymes telles que les "Greenfield" d'offrir des services financiers aux personnes à faibles revenus.

La BCEAO a également introduit un mécanisme de supervision fondé sur les risques et, avec la Commission bancaire, elle assurera la surveillance des grandes institutions de microfinance (IMF). D’autres initiatives importantes figurent également parmi les priorités de la BCEAO, comme la création d'un fonds de garantie des dépôts, l’instauration d’une centrale des risques et la protection des consommateurs de services financiers.

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De 2001 à 2011, le volume des dépôts mobilisés et l’encours du portefeuille de prêts des établissements de microfinance ont plus que quadruplé, enregistrant un taux de croissance annuel moyen de, respectivement, 16 et 18 %. Fin 2011, on dénombrait 759 institutions de microfinance et près de 4 700 points de service dans toute la région. Ces institutions continuent de jouer un rôle particulièrement important pour la mobilisation de l’épargne, puisqu’elles détiennent 20 % de la masse monétaire.

Dans ce contexte, il faut souligner le dynamisme de l’Afrique de l’Ouest dans le secteur des services bancaires mobiles. L’environnement réglementaire actuel, relativement souple, est en outre propice aux activités bancaires sans agence. Dix-huit opérateurs de téléphonie mobile sont actuellement actifs dans la région, et un nouvel acteur est entré sur le marché de la Côte d’Ivoire en 2012. Le taux de pénétration de la téléphonie mobile continue d’augmenter, avec une croissance annuelle de 9,4 % en 2012, et s’établissait en moyenne à 70,2 % pour la région (Source : Wireless Intelligence, T4, 2012).

Des services financiers de banque à distance sont déjà proposés dans six des huit pays de l’UEMOA par l’intermédiaire de sept acteurs : trois opérateurs de téléphonie mobile ayant déployé un produit de "Mobile Money", trois établissements non bancaires émetteurs de monnaie électronique et une banque ayant développé son propre produit. Certaines IMF et certaines banques nouent des partenariats avec ces acteurs, tandis que d’autres développent leur propre solution de banque mobile.

Les IMF entendent jouer un rôle plus actif dans ce domaine et certaines d’entre elles ont déposé en 2012 une demande d'agrément en tant qu'émetteur non bancaire de monnaie électronique. En Côte d’Ivoire, pays qui affiche le taux de pénétration le plus élevé de la région (92 %), deux opérateurs de téléphonie mobile totalisaient en 2012 2,6 millions de clients enregistrés pour des services de Mobile Money. Cette même année, l’un d’eux est entré dans le club très fermé des opérateurs de téléphonie mobile (ils sont 11 en tout dans le monde, selon une étude récente du CGAP) qui comptent plus d’un million de clients enregistrés pour ce service et plus de 200 000 clients actifs.

Soucieuse de faire progresser l’inclusion financière dans la région grâce à ces nouveaux types de services, la BCEAO a engagé en 2012 un dialogue ouvert avec les principaux acteurs du secteur privé, du secteur public et des autorités de réglementation de la région.

Malgré ces avancées, l’inclusion financière demeure faible dans la région et n’atteint pas l’objectif ambitieux de 20 % que s’était fixé la BCEAO dans son plan d’action pour 2007-2012. Divers obstacles peuvent expliquer cette situation, et notamment le fait que certaines grandes institutions de microfinance ont connu des difficultés au cours de cette période. Ces situations ont eu un impact négatif sur la santé du secteur et mis en évidence quelques défis dans la gestion et la gouvernance de ces institutions. Cette dégradation de la situation des IMF, conjuguée à la faiblesse des capacités de supervision dans la région, suscite quelques préoccupations concernant la protection des déposants.

En 2012, la BCEAO a ainsi adopté un plan d’action visant à remédier à ces faiblesses, et divers acteurs (dont la Commission bancaire, les Ministères des Finances et les associations nationales de microfinance) se sont engagés à ses côtés à prendre des mesures visant à améliorer la santé du secteur de la microfinance. Des bailleurs de fonds sont prêts à supporter ces actions et ces améliorations.

En 2013, une nouvelle stratégie régionale d’inclusion financière sera adoptée pour les cinq prochaines années. Elle se fondera sur le principe d’« un compte pour tous » : tous les prestataires de services financiers devraient dorénavant être tenus de proposer un compte bancaire de base et une offre de services gratuits sans conditions de revenu régulier minimum.

Alors que l’année 2012 a permis de jeter les bases d’un certain nombre de grandes initiatives destinées à faire avancer l'inclusion financière dans la région, 2013 doit être une année d’action : il s’agit à présent de transformer ces bonnes intentions en changements concrets pour les personnes qui se trouvent en bas de l’échelle des revenus. Outre l’intervention de la BCEAO et des acteurs privés, le succès nécessitera la mobilisation des gouvernements de chacun des huit pays de l’UEMOA.

Corinne Riquet est représentante régionale du CGAP en Afrique de l’Ouest et Djibril Maguette Mbengue est spécialiste de microfinance, également au CGAP.

Photo@Mary Thibaut


Auteurs

Corinne Riquet

Représentante régionale en Afrique de l'Ouest

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