Publié sur Opinions

Droit au travail : une condition nécessaire mais pas suffisante de l’accès des réfugiés à l’emploi formel

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Pour que les réfugiés puissent devenir autonomes, reconstruire leur vie et mener une existence digne, il est indispensable qu’ils puissent travailler et s’insérer sur le marché du travail. C’est pourquoi les articles 17 à 19 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés garantissent à ces derniers le droit d’exercer une profession salariée, non salariée et libérale.

Mais qu’en est-il dans la pratique ? Une étude réalisée par Héloïse Ruaudel et Roger Zetter pour le KNOMAD (Partenariat mondial pour les connaissances sur le développement et les migrations) (a) se penche sur 20 pays qui accueillent 70 % des réfugiés dans le monde, afin d’examiner le rôle et l’incidence des principaux déterminants du droit au travail et de l’accès au marché de l’emploi : la législation sur les réfugiés et l’emploi, les politiques et les pratiques qui facilitent ou au contraire entravent le droit à travailler, et les facteurs socioéconomiques qui influent sur l’accès réel au marché du travail. Les études de cas nationales ont été revues par des équipes de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).

Ces travaux révèlent que le droit au travail est rarement simple et clairement défini. Si certains pays interdisent totalement aux réfugiés de travailler, qu’il s’agisse d’occuper un emploi salarié ou de monter une entreprise, nombre d’entre eux leur permettent en théorie de travailler, tout en imposant des restrictions qui limitent en réalité ce droit (la loi circonscrit par exemple les secteurs dans lesquels les réfugiés peuvent travailler). Outre le droit au travail lui-même, les auteurs relèvent l’impact très considérable d’autres législations et réglementations connexes sur l’accès aux marchés du travail, de même que l’importance d’autres facteurs qui facilitent, entravent ou influent sur cette insertion. Certaines restrictions portent par exemple sur la liberté de circulation et empêchent les réfugiés de se déplacer là où il y a des débouchés économiques ; d’autres restrictions concernent le droit de propriété, de créer un commerce ou de détenir un compte bancaire. Les modalités d’accès à la protection dont ils font l’objet constituent également un facteur important qui détermine la capacité des réfugiés à se prévaloir effectivement de leur droit au travail. Or, dans certains pays, les « sans papiers » sont bien plus nombreux que les réfugiés reconnus comme tels. Quant aux procédures d’obtention d’un permis de travail, elles sont souvent complexes et leurs coûts parfois exorbitants. Les réfugiés ont aussi beaucoup de mal à faire reconnaître leurs diplômes et leurs qualifications.

L’étude du KNOMAD rend compte d’une diversité notable des dispositions juridiques et autres contraintes auxquelles est soumis le droit au travail des réfugiés, et ne met pas en évidence en la matière de distinction marquante entre pays signataires et non signataires de la Convention de 1951. Il existe par ailleurs un certain nombre de facteurs qui influent sur l’exercice de ce droit : les réfugiés sont souvent victimes de discriminations, ils ne possèdent pas les compétences demandées sur le marché du travail ou vivent dans des pays d’accueil confrontés à des taux élevés de chômage ou de sous-emploi. Les interactions complexes qui se jouent entre tous ces différents facteurs souligne l’importance d’examiner à la fois la situation juridique des réfugiés et leur situation de fait, pour être en mesure de cerner leur accès réel au marché du travail.

Le droit au travail est une condition nécessaire mais pas suffisante de l’accès des réfugiés à l’emploi légal. Comme le montre l’étude publiée par le KNOMAD, une écrasante majorité de réfugiés (quels que soient leur statut et les dispositions du droit au travail) est employée dans le secteur informel. Ce constat ne découle pas seulement de leurs difficultés d’insertion sur le marché de l’emploi ; il s’explique aussi par le fait que la plupart des réfugiés vivent dans des pays à revenu faible ou intermédiaire où le secteur informel occupe une place considérable dans l’économie. Par rapport aux ressortissants des pays d’accueil, les réfugiés connaissent toutefois des conditions de travail moins satisfaisantes et sont davantage exposés à des employeurs qui les exploitent. Aussi est-il essentiel de s’intéresser non seulement au droit au travail mais aussi aux droits du travail.

Étude du KNOMAD – 1re partie : synthèse (a)
Étude du KNOMAD – 2e partie : études de cas nationales (a)


Auteurs

Kirsten Schuettler

Senior Program Officer, Social Protection and Jobs Global Practice, World Bank

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