Aujourd’hui, 77 jours après la découverte du premier cas, les autorités de République démocratique du Congo (RDC) ont déclaré la fin officielle de la neuvième épidémie d’Ebola. Pour les familles des 28 victimes, qui ont succombé à une maladie à la fois évitable et guérissable, cette déclaration intervient trop tard. La tragédie qui les prive d’êtres chers n’aurait pas dû survenir.
Aujourd’hui, c’est aussi l’occasion de reconnaître les avancées spectaculaires obtenues pour enrayer l’habituel cycle de panique et de négligence en cas d’épidémie. Voici à peine deux mois et demi, la résurgence d’une pandémie paraissait imminente : de nouveaux foyers étaient signalés dans trois provinces reculées du pays, le virus Ebola se propageant rapidement vers le centre urbain de Mbandaka, une ville portuaire très active sur le fleuve Congo, et menaçant de s’étendre à tout le pays, voire à la région.
Mais à force de travail et de détermination, la population et les autorités congolaises sont venues à bout de l’épidémie, déjouant les pronostics contraires. Et, de toute évidence, la communauté internationale a su tirer des enseignements de l’épidémie d’Ebola qui a frappé l’Afrique de l’Ouest en 2014.
Le gouvernement de RDC a rapidement mis sur pied un plan de riposte de trois mois, chiffré à pratiquement 57 millions de dollars, pour apporter une réponse concertée avec des partenaires internationaux comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’UNICEF. En deux jours, les fonds nécessaires avaient été levés auprès de plusieurs donateurs, pour compléter la mise initiale des autorités congolaises de 4 millions de dollars. La Banque mondiale, déjà fortement engagée dans le système de santé du pays, a immédiatement débloqué l’enveloppe de 15 millions de dollars dédiée à la veille sanitaire. Et, pour la première fois, elle a activé le guichet de liquidités de son nouveau Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie (PEF), qui a instantanément approuvé un don de 12 millions de dollars en appui aux mesures de riposte sur le terrain.
Mobilisés en temps utile, ces fonds ont permis de déployer en à peine quelques semaines des mesures systématiques et efficaces. Très vite, les équipes organisaient une surveillance épidémiologique et identifiaient les malades et tous ceux qui avaient été en contact avec eux pour les placer en observation et leur apporter un traitement. Les contrôles effectués aux aéroports, sur les marchés et aux postes frontaliers ont permis d’enrayer la propagation du virus. Ces mesures se sont en outre accompagnées de la toute première campagne proactive de vaccination jamais organisée pendant une épidémie : plus de 3 000 personnes en RDC ont pu bénéficier d’un vaccin qui avait fait l’objet de tests cliniques probants en Guinée en 2015 mais obtenus trop tard à l’époque pour permettre son utilisation. Les autorités congolaises ont par ailleurs organisé une campagne originale d’information sur la santé publique, les chefs religieux et communautaires étant mis à contribution pour relayer à la radio des messages d’hygiène et de prévention et limiter ainsi les nouvelles contaminations.
La disponibilité de financements est l’un des nerfs de la guerre contre Ebola : c’est l’un des enseignements majeurs de l’épidémie qui a frappé l’Afrique de l’Ouest en 2014. La mobilisation des fonds doit être rapide et proportionnée pour permettre aux gouvernements et aux intervenants internationaux de se concentrer sur la lutte contre le virus et sauver des vies — au lieu de courir après l’argent. En 2014, il a fallu quémander des fonds pendant des mois, avec plus ou moins de succès, alors même que le bilan ne cessait de s’alourdir. Résultat, plus de 11 000 personnes ont succombé au virus et les pays touchés – la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone — en sont ressortis exsangues, avec des milliards de dollars de pertes à éponger. Un financement initial d’urgence est vital pour organiser une riposte rapide.
Rétrospectivement, l’on sait aussi que la préparation aux pandémies a été insuffisamment financée, alors même qu’elle exige des investissements de long terme dans la veille sanitaire et des systèmes de santé nationaux plus efficaces. Un système de santé bien organisé permet de déployer rapidement des services de soins, même dans les zones les plus reculées et de détecter suffisamment tôt les foyers épidémiques. Si les premiers cas d’Ebola dans les villages de Guinée avaient été correctement diagnostiqués et traités en 2013, la situation n’aurait jamais pu dégénérer en pandémie.
Après le traumatisme de 2014, la Banque mondiale s’est promis que cela ne se reproduirait « plus jamais ». Elle a redoublé d’efforts pour renforcer les capacités d’anticipation et consolider les systèmes de riposte : investissements dans la préparation aux pandémies dans 25 pays à faible revenu, investissements pour la sécurité sanitaire dans la région Asie de l’Est et Pacifique et investissements dans des programmes régionaux intégrés de veille sanitaire dans plusieurs pays d’Afrique de l’Est (a) et de l’Ouest (a).
Face à la menace, la Banque mondiale a conçu avec l’Allemagne, l’Australie, le Japon et des acteurs mondiaux de l’assurance le Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie (PEF) (a), opérationnel depuis juin 2017. Il a été pensé pour réagir rapidement aux épidémies grâce à une combinaison originale de dons en liquide et de couverture assurantielle pouvant monter jusqu’à 425 millions de dollars lorsque plusieurs pays sont concernés. Pour la première fois, le PEF propose à 77 des pays les plus pauvres du monde une couverture face aux menaces épidémiques.
Ces investissements comme les changements majeurs introduits à l’échelle mondiale — à l’image du nouveau programme de gestion des situations d’urgence sanitaire de l’OMS — ont fait la différence pour la RDC. Mais nous ne devons pas baisser la garde. Nous ne pourrons pas empêcher une épidémie de se déclarer. Mais nous avons les moyens d’éviter qu’elle ne se transforme en pandémie. Et ce sera effectivement le cas si nous ne sommes pas prêts à réagir en temps utile et de manière adaptée. Nous devons tirer au plus vite tous les enseignements de ces dernières semaines afin d’anticiper encore mieux la prochaine flambée épidémique — partout et à tout moment.
Ce billet a été publié initialement en anglais sur LinkedIn
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