Il est peut-être encore trop tôt pour affirmer que nous avons enrayé la spirale de la panique et de la négligence. J’ai cependant bon espoir que, depuis l’épidémie meurtrière d’Ebola en 2014, les nombreux efforts déployés dans le monde et dans les pays pour mieux anticiper les pandémies commencent à porter leurs fruits.
Le 8 mai dernier, les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont annoncé le retour du virus et, quelques jours après, un plan de riposte de 56,8 millions de dollars sur trois mois. La communauté internationale a pris rapidement des mesures, alors que, quatre ans plus tôt, elle avait réagi mollement à la flambée d’Ebola qui frappait trois pays d’Afrique de l’Ouest.
Le 22 mai, à la suite d’une réunion d’urgence de son Comité directeur, le Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie (PEF) a approuvé un don de 12 millions de dollars en faveur de la lutte contre Ebola en RDC. Il s’agissait de la toute première opération financière entreprise par ce dispositif récemment conçu par le Groupe de la Banque mondiale. En parallèle, la Banque mondiale a réaffecté 15 millions de dollars d’investissements destinés à la veille sanitaire en RDC, portant ainsi à 27 millions de dollars le total de l’aide.
Grâce aux ressources nationales mobilisées par la RDC et à celles réunies par ses partenaires, le plan de riposte a pu être financé en deux jours seulement. Cette réactivité permettra aux autorités congolaises et aux intervenants internationaux de continuer à intensifier leurs activités et de se consacrer entièrement à la lutte contre Ebola et aux priorités sanitaires, plutôt que de devoir chercher des fonds. La rapidité de cette mobilisation pour couvrir l’intégralité du coût du plan de riposte sur trois mois témoigne d’un changement de culture.
C’est la première fois qu’une somme aussi importante aura pu être mobilisée en si peu de temps face à une flambée épidémique de grande ampleur. La nécessité d’une action rapide est peut-être le principal enseignement tiré de la flambée de 2014 en Afrique de l’Ouest, où plusieurs semaines ont été perdues à lever des financements tandis que le nombre de victimes augmentait, pour finir par atteindre le bilan de 11 000 morts.
Cette nouvelle « culture de la riposte » ne se limite pas au financement : elle concerne également la recherche et développement. Car la RDC a aussi commencé les essais d’un nouveau vaccin contre Ebola, le rVSV-ZEBOV, qui n’est pas encore homologué. Ce vaccin s’est révélé très efficace lors d’un essai clinique réalisé en Guinée en 2015. En RDC, la campagne de vaccination cible les agents de santé et les personnes dont on sait qu’elles ont été en contact avec des individus contaminés. Mais il faut une excellente logistique pour gérer un essai de vaccin en pleine flambée épidémique dans des zones reculées.
On peut néanmoins considérer que ce type de crise sanitaire offre l’occasion unique de tester de nouveaux vaccins et traitements. Il est donc impératif que chaque pays dispose de ses propres capacités de recherche clinique, qui pourront être déployées en cas d’épidémie. C’est précisément ce que montre un récent rapport de l’International Vaccines Task Force (IVTF), intitulé Money and Microbes: Strengthening Research Capacity to Prevent Epidemics (a). Il explique comment mettre en place le soutien politique, le financement et la coordination nécessaires (a) au développement de ces capacités de recherche clinique pour en faire une partie intégrante des efforts de préparation aux épidémies. L’IVTF a été mis en place par le Groupe de la Banque mondiale et la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) en octobre 2017.
Si le renforcement de la préparation mondiale aux crises sanitaires fait l’objet de nombreuses nouvelles initiatives et améliorations, il est encore indispensable de s’attaquer à deux aspects primordiaux : l’identification des failles et la reddition de comptes. Le Groupe de la Banque mondiale et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ont annoncé en mai dernier la création du Conseil mondial de suivi de la préparation. Ce nouveau dispositif aura pour mission d’assurer un suivi indépendant rigoureux et d’établir des rapports réguliers sur l’état de préparation face aux risques de flambée épidémique, de pandémie et autres situations d’urgence ayant des conséquences sanitaires. Il sera co-présidé par Gro Harlem Brundtland, ancienne Premier ministre de la Norvège et ancienne directrice générale de l’OMS, et par Elhadj As Sy, secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Le Conseil surveillera l’état de préparation aux situations d’urgence au niveau des pays, des organismes des Nations Unies, de la société civile et du secteur privé. Il rendra compte chaque année de l’adéquation des ressources, des progrès accomplis dans la recherche et développement, et du niveau de préparation aux crises sanitaires.
Signalons enfin que, depuis la semaine dernière, l’Australie a rejoint les bailleurs de fonds du PEF, aux côtés du Japon et de l’Allemagne. Elle contribuera à hauteur de 7,2 millions de dollars au guichet de liquidités du PEF, qui a été créé grâce à un financement initial apporté par l’Allemagne.
Jusque-là, notre mode de riposte aux pandémies consistait à intensifier nos efforts en cas de crise et, une fois le danger passé, à l’oublier rapidement. Or, il est essentiel de se préoccuper en permanence de la préparation aux menaces sanitaires, pour pouvoir sauver des vies et pour limiter les conséquences économiques d’une pandémie. La tâche est immense, mais nous avons déjà tiré un certain nombre de leçons de nos erreurs collectives et nous en voyons les premiers
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