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Faire participer les citoyens aux projets de développement : le point sur nos connaissances, et sur nos lacunes

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ImageVous connaissez l’adage « Le client a toujours raison » ? Les patrons des grands magasins avaient adopté cette devise pour mieux souligner leur volonté de placer la satisfaction des clients avant tout le reste. Elle répond à une nécessité commerciale évidente : il faut écouter le client, dernier maillon de la chaîne de vente.

Aujourd’hui, les professionnels de la vente empruntent des voies technologiques toujours plus sophistiquées pour connaître l’avis de leurs clients. D’où cette interrogation : pourquoi pas nous ? Et si les professionnels du développement que nous sommes mettaient à profit ce que la technologie moderne peut leur offrir…

Je sais que c’est possible, j’en ai la preuve. L’an dernier, la Banque mondiale a salué la performance d’équipes intervenant au Bangladesh, au Brésil, au Cambodge et en Inde qui ont toutes, en mariant technologie et développement, démultiplié les résultats obtenus.

Leur objectif ? Améliorer l’impact des projets financés par la Banque mondiale sur la vie quotidienne des populations. Comment ? En recueillant l’opinion des bénéficiaires sur les  services rendus. Ce dont il est question ici, en définitive, c’est de donner au citoyen les moyens de son autonomie — ce citoyen qui n’est rien d’autre que le dernier maillon de la chaîne de l’aide au développement.

Le concept n’a en tant que tel rien de révolutionnaire : près de 22 % des projets de la Banque mondiale sollicitent déjà la participation des citoyens. Depuis de nombreuses années, la société civile comme certaines fondations et certains gouvernements collectent aussi des informations auprès des populations visées par un projet, à travers des fiches de notation et des initiatives dans les communautés. La nouveauté, c’est qu’avec sa puissance, la technologie rend désormais possible certaines de nos ambitions les plus folles !

Ces équipes de la Banque mondiale ont trouvé des solutions technologiques originales pour recenser, organiser et restituer ces résultats à l’institution comme aux pouvoirs publics des pays concernés, de sorte que les problèmes puissent être résolus et les services progressivement améliorés.

Par exemple, au Brésil, l’État du Rio Grande do Sul donne à 120 000 citoyens la possibilité de participer à l’élaboration de politiques publiques visant à développer de nouveaux services de santé pour les femmes en proposant leurs solutions  et en votant par Internet ou par téléphone ; le taux de participation à cette initiative a bondi de 60 %. Au Bangladesh, un projet de la Banque mondiale sollicite l’avis de 135 millions de citoyens pour permettre à l’État de gérer les doléances et d’améliorer les services rendus.

Au Cambodge, nous soutenons les efforts entrepris par les autorités locales pour mieux répondre aux besoins des habitants grâce à des centres dédiés qui remontent les informations jusqu’au district et permettent ainsi aux citoyens et à l’administration de dialoguer. En Inde, le projet de santé maternelle du Karnataka permet au personnel de la Banque mondiale de récupérer en temps réel de précieux paramètres médicaux et autres informations auprès de femmes illettrées et ce, grâce à un simple appareil mobile. Les données sont ensuite centralisées dans un tableau de bord intégré qui alerte le personnel de la Banque en cas de non prestation du service. Cela permet d’éviter les échecs et de gérer les risques.

Donc, c’est possible. L’étape suivante consistait à mettre en relation les promoteurs de ces projets novateurs à la Banque mondiale avec, d’une part, des universitaires, des représentants de la société civile et des fondations qui, comme nous, se battent avec ces problèmes depuis des années et, d’autre part, la dynamique communauté technologique, déterminée à contribuer à la résolution de problèmes parmi les plus délicats, avec les gouvernements et le secteur privé. Résultat ? La conférence Voix citoyennes.

Ce que nous savons
 

  • La participation des citoyens est au cœur de la transparence des pouvoirs publics  et de l’efficacité du développement parce que, à travers une responsabilité sociale accrue, elle renforce la qualité des politiques adoptées et la « science » en matière de prestation des services.
  • Mais ce n’est pas une panacée. Les pouvoirs publics doivent s’engager et être prêts à jouer le jeu. Il s'agit souvent moins de discuter de la conception et du déploiement des processus participatifs que de leurs capacités à procurer les bénéfices attendus. Au Kenya, le fait d’impliquer les citoyens améliore la performance des services d’eau et d’assainissement. C’est avéré. Pendant les deux années de phase pilote, les groupes communautaires ont traité plus de 400 plaintes et sont parvenus à en résoudre 97 % (dont certaines étaient en attente depuis plus de trois ans). Globalement, le projet a ouvert de nouvelles perspectives en matière de participation communautaire.
  • En république démocratique du Congo (RDC), dans la province du Kivu, la préparation budgétaire participative et les nouvelles innovations des technologies de l’information et de la communication (TIC) sont parvenues à introduire de la transparence, à renforcer la redevabilité et à évacuer une méfiance tenace vis-à-vis des autorités.

Ce qu’il nous reste à faire et à apprendre

  • Grâce à de nombreuses initiatives, nous avons accumulé beaucoup d’expériences et de connaissances ; il est temps à présent de passer à des actions concrètes sur la participation citoyenne, capables de déboucher sur des résultats plus probants en termes de développement.
  • Cela passe par des partenariats entre pouvoirs publics, société civile, fondations et secteur privé pour déployer à plus grande échelle des systèmes de remontée d’informations citoyennes novateurs et axés sur les résultats, en faisant appel aux TIC, au plan mondial et national.
  • Nous devons apprendre les uns des autres : le secteur privé a une certaine avance en la matière et je vous invite à suivre la session que je présiderai sur cette question pendant la conférence Voix citoyennes.
  • WaterHealth International viendra présenter son modèle d’affaires inclusif, qui a bénéficié d’un financement de l’IFC, la branche de la Banque mondiale chargée du secteur privé. WaterHealth s’efforce d’alimenter durablement en eau potable plus de 2 milliards d’habitants parmi les plus démunis et n’ayant pas ou peu d’accès à une source garantie et bon marché d’eau potable. Grâce à une technique révolutionnaire et peu coûteuse basée sur les ultra-violets, il gère plus de 500 usines de purification d’eau au Bangladesh, au Ghana, au Libéria, en Inde et aux Philippines.
  • Citons aussi l’exemple d’une enquête auprès des petits planteurs de café du Nicaragua, financée par l’IFC et réalisée par un acheteur adepte du commerce équitable. Ce travail a révélé à quel point les rétroactions des planteurs pouvaient améliorer la productivité et la rentabilité en mettant en évidence leurs préférences, jusqu’ici négligées. Il a aussi permis d’identifier de nouveaux débouchés en termes de services. Tout cela, simplement en écoutant ce que les planteurs avaient à dire.


La conférence Voix citoyennes ne fait que marquer le début des efforts que compte mener la Banque mondiale pour intégrer les remontées d’informations citoyennes dans tous ses projets. À suivre donc.


Auteurs

Caroline Anstey

Directrice générale du Groupe de la Banque mondiale

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