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Gestion des finances publiques : les défaillances de l’audit interne et comment y remédier

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Gestion des finances publiques : les défaillances de l’audit interne et comment y remédier Crédit image : Canva.

Entre 2005 et 2023, le programme Dépenses publiques et responsabilité financière (PEFA) (a) a réalisé plus de 500 évaluations nationales et infranationales qui apportent un éclairage important sur la gestion des finances publiques à travers le monde. À cet égard, un aspect apparaît souvent négligé : celui des audits internes. Et, dans ce domaine, les résultats sont préoccupants : dans 86 % des évaluations, les services d’audit interne se situent à un niveau de performance de base, voire au-dessous. Seuls 2 % d’entre eux ont obtenu la note « A », ce qui indique qu’ils satisfont aux meilleures pratiques internationales. Au-delà des statistiques, ces chiffres révèlent les difficultés des pouvoirs publics à gérer « l’argent des contribuables » avec transparence, responsabilité et efficacité. 

Que signifie un niveau de performance « de base » ?

Selon le système de notation du PEFA, un niveau de performance « de base » indique que les fonctions d’audit interne ne sont pas indépendantes, ne respectent pas les normes professionnelles et ne sont pas pourvues d’un plan bien défini. Dans de nombreux États ou collectivités locales, ces fonctions sont principalement axées sur la conformité aux procédures plutôt que sur les performances, les risques ou l’optimisation des ressources. Même lorsque des problèmes sont signalés dans les rapports d’audit interne, ils restent souvent sans réponse. Il n’y a souvent pas de suivi ni de mesures correctives, et cette inaction est synonyme d’occasions manquées et potentiellement de conséquences coûteuses pour les gouvernements.

Tendances régionales

Si les systèmes d'audit interne sont globalement médiocres, on observe des tendances régionales remarquables.

L’Afrique, notamment, enregistre le plus grand nombre d’évaluations faisant état d’un niveau de performance de base (196 cas précisément). Dans de nombreux pays de la région, les dispositifs de contrôle interne sont encore en cours de développement, d’où un manque d’attention ou de ressources consacrées aux fonctions d’audit interne. Cela dit, on observe aussi des évolutions positives et des progrès encourageants, comme en Asie de l’Est et centrale, où huit évaluations ont obtenu un « A ». Bien que modestes, ces résultats montrent qu’avec des réformes appropriées, un leadership fort et des investissements suffisants, des améliorations sont possibles. 
 

The World Bank


Source : PEFA (2025)

 

Pourquoi est-ce important ?

L’audit interne ne se résume pas à « cocher des cases ». C’est une fonction essentielle qui permet de garantir une utilisation appropriée des fonds publics, de gérer les risques et d’améliorer les systèmes. Un audit interne efficace est un gage de confiance pour les ministères des finances, les citoyens et les partenaires de développement. Plus qu’un simple enjeu technique, la faiblesse des systèmes d’audit interne soulève des préoccupations profondes quant à la confiance dans l’intégrité des institutions publiques.

Quels sont les obstacles qui freinent les progrès ?

Nos travaux de recherche et nos échanges avec les gouvernements et nos partenaires pointent quatre problèmes principaux :

  • Manque d’indépendance : les auditeurs internes ne doivent pas être hiérarchiquement rattachés aux personnes sur lesquelles porte l'audit, car celui nuit à l’efficacité.
  • Capacités limitées : de nombreux auditeurs internes ne sont pas formés aux approches d’audit fondées sur les risques ou les performances. Certains ne se conforment pas aux normes de base, telles que celles établies par l’Institute of Internal Auditors (IIA) (a) ou par le cadre de référence ISSAI (a) de l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI).
  • Manque d’engagement politique de la part des dirigeants : trop souvent, l’audit interne est perçu comme une simple formalité, et non comme un exercice qui offre des perspectives d’apprentissage et d’amélioration.
  • Suivi insuffisant : lorsque les audits mettent en évidence des problèmes importants, mais qu’aucun dispositif n’est en place pour les résoudre, leur raison d'être perd de son sens.

Que pouvons-nous et devons-nous faire ?

La Banque mondiale et d’autres partenaires de développement s’emploient à intensifier leur soutien au renforcement de l’audit interne, et je suis fière de prendre part à cet effort. Ces améliorations nécessitent cependant un changement d’état d’esprit : l’audit interne doit évoluer, pour passer d’un simple exercice de conformité à une activité de contrôle porteuse de valeur ajoutée. Voici comment y parvenir :

  • Réformes législatives et institutionnelles : la loi peut contribuer à garantir à l’audit interne l’indépendance nécessaire à cette fonction.
  • Renforcement des capacités : pour développer l’audit internet, il est essentiel d’investir dans les ressources humaines à travers la formation, la certification et l’apprentissage entre pairs.
  • Adoption de normes : les cadres internationaux tels que ceux de l’IIA et de l’INTOSAI constituent des fondations solides.
  • Numérisation : les outils d’audit modernes et les instruments d’analyse des données peuvent accroître l’efficacité des équipes et les aider à se concentrer sur les domaines les plus importants.
  • Audit interne et contrôle externe : l’audit interne ne doit pas fonctionner en vase clos. La collaboration avec les auditeurs externes, les instances de lutte contre la corruption et les organes législatifs peut faciliter la prise en compte des rapports d’audit et permettre qu’ils débouchent sur des actions concrètes.

En conclusion

Les résultats des évaluations PEFA montrent que, malgré des années de réforme, l’audit interne reste le parent pauvre de la gestion des finances publiques. Il est temps que cela change. 

L'efficacité de l’audit interne est l’un des piliers d’une bonne gouvernance. Et les pays qui réussissent dans ce domaine sont ceux qui considèrent cette fonction comme un investissement à long terme.

La Banque mondiale accompagne les pays dans cette direction à l’aide de diagnostics, de concertations sur l’action à mener, d’une assistance technique et de financements. Mais, en fin de compte, pour que les choses changent véritablement, il faut un leadership national et un engagement en faveur de la réalisation d'audits internes rigoureux.

Il est urgent de s'élever à la hauteur des exigences : nous ne pouvons pas nous permettre de faire autrement.


Mona El-Chami

Senior Governance Specialist, World Bank

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