Voir la vidéo (en anglais) pour en savoir plus sur les prédictions d'afflux de réfugiés assistées par l'IA
Les crises de réfugiés sont souvent considérées comme des situations imprévisibles. Dans un contexte de souffrance extrême, l'aide est souvent apportée en urgence à ceux qui ont fui les conflits et la violence, au sein même des communautés qui les accueillent. Mais que pourrait-on faire si les mouvements de réfugiés étaient anticipés ? Si les pays d'accueil et leurs partenaires avaient le temps de se préparer à des afflux importants de populations ? Sachant que plus de 122 millions de personnes ont été déplacées de force dans le monde, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, ces questions sont pressantes.
Alors que le financement de l'aide humanitaire et du développement est mis à mal, les outils de prévision peuvent permettre d'améliorer considérablement l'efficacité des réponses. C'est pourquoi la Banque mondiale s'est intéressée aux modèles d'intelligence artificielle (IA) afin d'aider les pays à mieux se préparer à la survenue d'une crise. Cette démarche s'inscrit dans le cadre d'une collaboration plus large avec le HCR pour promouvoir des réponses intégrant les réfugiés dans les systèmes nationaux. Elle permet de renforcer les services d'aide sociale et de favoriser de meilleurs résultats économiques, tant pour les réfugiés que pour les communautés d'accueil.
En Ouganda, des politiques progressistes autorisent les réfugiés à accéder à l'emploi, à la terre et aux services publics, au même titre que les populations locales. Dans le cadre du projet d'aide au développement en réponse aux conséquences des déplacements de population (DRDIP), les équipes Développement social et Prospérité de la Banque mondiale ont testé des méthodes basées sur l'IA pour améliorer encore la préparation du pays. Le DRDIP est un projet de développement communautaire qui investit dans les infrastructures des services sociaux et les moyens de subsistance dans les districts accueillant des réfugiés. Il inclut un fonds d'urgence dénommé « mécanisme de réponse aux crises des déplacements (DCRM) » (a). En fonction de seuils définis, le DCRM a débloqué un financement rapide pour les districts dont les services publics étaient en difficulté à la suite d'un afflux important de réfugiés.
Le DCRM est un mécanisme souple qui permet de soutenir les investissements dans les infrastructures des communautés de réfugiés et d'accueil. Toutefois, les fonds ont été décaissés après l'arrivée d'un grand nombre de réfugiés et leurs conséquences sur les communautés d'accueil. Aussi, à la demande du gouvernement ougandais, la Banque mondiale a exploré le potentiel de l'IA pour prédire l'afflux de réfugiés. Une telle anticipation permettrait de déclencher un financement d'urgence avant l'arrivée massive de réfugiés et les districts d'accueil pourraient investir dans les capacités des services publics et minimiser l'impact sur les communautés locales.
L'IA et l'apprentissage automatique pour prévoir les flux de réfugiés
La Banque mondiale a développé un modèle utilisant l'IA pour prévoir les flux de réfugiés en Ouganda, en provenance de la République démocratique du Congo (RDC) et du Soudan du Sud. Ce modèle s'appuie sur des données brutes, propres au contexte des pays, qui couvrent la sphère économique et sociale, ainsi que l’environnement naturel et bâti. Ainsi, on collecte des données sur les conflits, le climat, la végétation, les bâtiments, l'économie, mais aussi sur les propos en ligne à leur sujet. Cette démarche repose sur la logique selon laquelle le comportement humain n'est pas seulement guidé par des changements concrets et mesurables, mais aussi par des perceptions du changement (figure 1).
Figure 1 : Modèle d'apprentissage automatique intégrant « la réalité » objective
et la « perception » de cette réalité
Le modèle prédit les changements dans les données quotidiennes d'arrivée de réfugiés en intégrant plus de 90 variables indépendantes dans un modèle d'apprentissage automatique. Il a été testé sur des données inédites et a permis de prévoir l'évolution des volumes futurs d'arrivées de réfugiés en provenance de la RDC et du Soudan du Sud avec une précision de plus de 80 % (figures 2 et 3).
Principaux facteurs des mouvements de réfugiés
Le modèle va au-delà des seules prédictions pour détecter les facteurs qui sont les plus étroitement liés aux évolutions des flux de réfugiés. Parmi les facteurs clés figurent les conflits armés, l'activité économique, le climat, les prix des denrées alimentaires, ainsi que la quantité et la tonalité des messages sur ces sujets et d'autres (figure 4). L'analyse des facteurs d’évolution peut aider les gouvernements comme les acteurs du développement et humanitaires à anticiper les mouvements de réfugiés et à mieux comprendre ce qui les motive. Dans les régions d'où migrent les réfugiés, ces données peuvent faciliter l'adoption de mesures plus efficaces pour s'attaquer aux facteurs de déplacement forcé. Les connaissances contextuelles fournies par ce modèle peuvent aussi éclairer les stratégies, la conception et la mise en œuvre des projets de la Banque mondiale dans les pays, ainsi que le dialogue sur les politiques à mener.
Figure 4 : Facteurs d’évolution identifiés par le modèle pour la RDC
Modification de la mise en œuvre du DCRM
En intégrant le modèle prédictif, le DCRM peut initier le renforcement des services publics environ 4 à 6 mois avant l'arrivée des réfugiés et son incidence sur les services publics, ce qui permet une réponse visible (par exemple, la construction d'écoles, d'établissements de santé, de points d'eau) déclenchée en amont. Cette approche proactive s'appuie sur la capacité inégalée de la Banque mondiale à fournir les infrastructures sociales nécessaires en temps opportun, tout en permettant l'intégration des réfugiés dans la prestation des services du pays et les processus de planification locaux.
Le modèle optimise ainsi l'engagement de l'Ouganda envers les réfugiés, en utilisant plus efficacement des ressources limitées, en réduisant les tensions entre les communautés et en améliorant la planification opérationnelle.
Figure 5 : DCRM renforcé par le modèle de prédiction
Liens utiles :
- Forcibly Displaced – Toward a Development Approach Supporting Refugees, the Internally Displaced and their Hosts
- Projet d’aide au développement en réponse aux conséquences des déplacements de population
- Tackling forced displacement as a development challenge
- Data-Driven Development Response to Displacement Crisis in Uganda: The Displacement Crisis Response Mechanism
- According to plan: Second activation of Uganda’s Displacement Crisis Response Mechanism (DCRM)
- Vidéo : AI Predictive Model For Refugee Modeling Presentation in Kampala
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