En cette Journée internationale des femmes, il apparaît plus crucial que jamais d’investir dans la population, et en particulier dans les femmes et dans les filles.
Ce que l’on appelle le « capital humain », à savoir les compétences, les connaissances et les savoir-faire de la population, représente désormais une part prépondérante de la richesse mondiale, bien supérieure à celle du capital produit et du capital naturel.
Mais cette part de richesse humaine est inégalement répartie à travers le monde et d’autant plus grande qu’un pays est développé. Passé ce constat, comment les pays en développement peuvent-ils accroître leur capital humain et se préparer aux exigences technologiques de demain ?
En investissant dans la nutrition, la santé, l’éducation, la protection sociale et l’emploi. Ce sont les fondements du capital humain, et ces investissements seront d’autant plus rentables qu’ils ciblent les femmes et les filles en particulier, car elles sont aujourd’hui lésées sur de nombreux fronts.
Selon les estimations de l’UNESCO, 130 millions de filles de 6 à 17 ans ne sont pas scolarisées, tandis que 15 millions de filles en âge de fréquenter le cycle primaire (et vivant pour moitié en Afrique subsaharienne) ne franchiront jamais le seuil d’une salle de classe. Au niveau mondial, la participation des femmes à la vie active est inférieure de près de 27 % à celle des hommes. Surtout, elle est passée de 52 % en 1990 à 49 % en 2016.
Il est pourtant indispensable d’investir dans l’éducation et la santé des filles, de donner aux femmes les moyens de leur autonomie et de les faire bénéficier d’une protection sociale pour augmenter leur résilience aux crises. L’enjeu économique est de taille : en favorisant la participation des femmes à la vie active, en améliorant leur productivité et en promouvant l’entrepreneuriat féminin, l’économie mondiale s’enrichirait de plusieurs milliards de dollars.
Éduquer une fille, c’est éduquer toute une nation
L’éducation des filles est, en matière de développement, le meilleur des investissements qu’un pays puisse réaliser. L’intellectuel ghanéen James Emman Aggrey ne s’y pas trompé qui affirmait dès les années 20 : « Éduquer un homme, c'est éduquer un individu. Éduquer une femme, c'est éduquer toute une nation ».
Selon une étude de la Banque mondiale, chaque année d’études secondaires supplémentaire pour une fille est associée à une hausse de 18 % de sa capacité de gain à l’âge adulte. Les recherches montrent aussi que l’éducation des filles a un grand effet multiplicateur : lorsqu’elles sont plus instruites, les femmes sont en meilleure santé, perçoivent des revenus plus élevés, ont moins d’enfants, se marient plus tard et font bénéficier leurs enfants de meilleurs soins de santé et d’une meilleure éducation.
En avril 2016, j’avais indiqué que nous allions investir 2,5 milliards de dollars en cinq ans dans des projets d’éducation en faveur des adolescentes. À peine deux ans plus tard, je me réjouis de pouvoir annoncer que le succès de cette initiative a été tel que nous avons déjà dépassé notre engagement avec un volume d’investissements de 3,2 milliards de dollars.
Mobiliser des financements innovants pour la santé des adolescentes
Le Groupe de la Banque mondiale et le Mécanisme de financement mondial (GFF) investissent massivement dans la santé des adolescentes. Placé sous l’égide de la Banque, le GFF est un partenariat multipartite conçu pour aider les pays à lutter contre les problèmes de santé et de nutrition les plus graves touchant les femmes, les enfants et les adolescent(e)s. Grâce à son approche de financement innovante, les pays sont en mesure de consacrer plus d’investissements à la santé, ce qui leur permet de sauver des vies et d’améliorer les conditions de vie de leur population, mais aussi de renforcer leur compétitivité dans l’économie mondiale.
Au Bangladesh, par exemple, le GFF déploie une approche intersectorielle pour lutter contre les mariages et les grossesses précoces, réduire la mortalité maternelle et néonatale, et améliorer la santé et le bien-être des adolescentes. Les autorités s’attachent actuellement à prévenir l’abandon scolaire chez les filles et les élèves défavorisés, en traitant dans les programmes scolaires des questions de santé et de droits en matière de sexualité et de procréation, et en y promouvant l’égalité des sexes ; elles développent aussi dans les écoles une offre de services de santé pour les adolescents étendue aux filles.
L’ensemble de ces actions permettra de retenir les filles dans le système scolaire, de retarder l’âge auquel elles se marieront et connaîtront leur première grossesse, avec, à la clé, une réduction des risques de décès chez les mères et leurs enfants.
Faire tomber les barrières en facilitant l’accès des femmes aux services financiers
On estime que 30 % seulement des petites et moyennes entreprises (PME) dans le monde sont détenues et dirigées par des femmes. En cause principalement, leur manque d’accès aux financements : le déficit de crédit en faveur des PME dirigées par des femmes se chiffrerait à 300 milliards de dollars par an.
Avec plus de 340 millions de dollars de fonds réunis auprès de 13 pays, la nouvelle Initiative de financement en faveur des femmes entrepreneurs (ou « We-Fi » selon son acronyme en anglais) a pour objectif de mobiliser plus d’un milliard de dollars pour aider les femmes à créer et développer leur entreprise en facilitant leur accès aux financements, aux marchés et aux réseaux. L’initiative va procéder à l’attribution de sa première enveloppe de financements très prochainement.
Plus généralement, les femmes sont confrontées à de multiples obstacles en matière d’accès aux services financiers. En raison de barrières culturelles notamment, elles sont nombreuses à ne pas être en mesure d’ouvrir un compte bancaire personnel. La base de données Global Findex (a) met en évidence un écart de 7 points de pourcentage entre les taux de détention d’un compte bancaire dans la population masculine et féminine. Des inégalités que la technologie numérique peut contribuer à résorber.
En Chine, par exemple, l’IFC, l’institution du Groupe de la Banque mondiale chargée des opérations avec le secteur privé, s’est associée à Ant Financial (a), filiale d’Alibaba, pour développer les modes de financement sur internet au profit des petites et micro-entreprises et des entreprises détenues par des femmes.
Constituer un socle de données pour étayer les politiques
Les données et les éléments factuels jouent un rôle crucial dans la prise de décision. C’est pourquoi nous consacrons un programme phare à l’étude des législations qui entravent les femmes. La dernière édition de la publication sur Les femmes, l’entreprise et le droit révèle ainsi que dans 100 pays sur 173 celles-ci ne peuvent pas exercer tous les métiers, tandis que, dans 18 pays, elles doivent obtenir l’autorisation de leur époux pour pouvoir travailler. On relève également des écarts salariaux importants entre hommes et femmes dans le secteur formel comme dans l’économie informelle.
Une étude récente de la Banque mondiale a en outre révélé que près de 1,4 milliard de femmes dans le monde ne sont pas protégées par la loi contre les violences économiques au sein du couple , et qu’un pays sur trois n’a pas de législation spécifique contre les violences sexuelles perpétrées sur une femme par son compagnon ou un membre de sa famille.
Dans un autre rapport consacré au problème crucial de la garde des enfants (a), dix études de cas ont permis de mettre en évidence les bienfaits de l’offre de ce type de service : réduction considérable du turnover dans les entreprises, amélioration de la qualité des candidats à l’embauche et comblement plus rapide des postes vacants, productivité accrue du fait de la baisse des absences, d’une meilleure concentration et d’une motivation et d’un investissement plus forts, plus grande diversité de genre, et, enfin, accession des femmes à des postes de direction.
Nous sommes déterminés à aider les pays à lutter contre les inégalités entre les sexes en même temps qu’ils s’efforcent de trouver de nouveaux moteurs de croissance économique et de développer leur capital humain. Mais cette aide ne suffira pas à apporter un changement véritable. Les choses ne changeront que lorsque les décideurs publics et les populations du monde en entier se mobiliseront pour des investissements massifs dans l’humain. Ils pourront alors compter sur nos ressources et nos connaissances pour concrétiser leurs attentes.
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