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La plus vieille université de Côte d’Ivoire rouvre, enfin, ses portes

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Peu importe qu’il pleuve des cordes pendant toute la cérémonie d’ouverture, forçant un bon nombre de personnes à se réfugier sous un toit ondulant de parapluies rouges, verts, bleus et roses. Deux ans après sa fermeture en raison de la longue crise politique qui culmina avec les résultats contestés des élections présidentielles de 2010, il était hors de question que la réouverture de la principale université de la Côte d’Ivoire, située dans le quartier Cocody d’Abidjan, soit gâchée par les derniers jours de la saison des pluies. Les professeurs vêtus de toges vertes sont tranquillement assis sous leurs tentes. Les représentants des étudiants regroupés à l’entrée de l’université attendent nerveusement l’arrivée du président de la Côte d’Ivoire, Alassane Outtara. La musique est forte et exubérante. L’attente et l’excitation sont palpables. C’est un nouveau départ pour l’enseignement supérieur.

 

Le gouvernement a planifié ce moment depuis huit mois. Il a embauché de nombreux ouvriers, maçons et jardiniers pour remettre en état l’ancienne université de Cocody, l’une des plus anciennes et des plus réputées institutions d’enseignement supérieur d’Afrique, qui a vu le jour avant même que le pays ne gagne son indépendance en 1960. Toutefois, comme l’a ensuite souligné le président Outtara face à son auditoire, la mission du gouvernement est réellement de donner à cette université, qui porte désormais le nom du premier président du pays, Félix Houphouët-Boigny, ainsi qu’aux institutions d’enseignement similaires d’Abidjan, un nouveau souffle prometteur en matière d’apprentissage et de renouveau après les longues années de crise entre 2002 et 2010.

Le président arrive soudainement et la foule bondit sur ses pieds. En dépit de la pelouse boueuse et des flaques d’eau omniprésentes, le président Outtara se joint à la foule et serre des mains avec un sourire rayonnant sous son parapluie bleu. La musique bat son plein, la foule tape dans ses mains et ondule, et les parapluies créent une danse rythmée et colorée.

Une jeune représentante des étudiants monte sur l’estrade et encourage ses pairs à tirer parti des nouveaux jardins verdoyants et des édifices fraîchement peints, et de cette nouvelle possibilité d’aller à l’université pour transformer leur vie et celle de leurs communautés. Le mot « transformer »revient souvent dans son discours. « Ne parlons plus des dérives de la vie étudiante sous l’ancien gouvernement », dit-elle.

L’université a sombré dans le déclin au cours de la dernière décennie de crise politique, avec une chute des normes d’enseignement et une morale douteuse sur les campus. Certains enseignants vendaient impunément des diplômes, d’autres extorquaient des faveurs sexuelles de jeunes femmes, et certains étudiants figuraient encore sur les listes alors que leur inscription initiale remontait à 20 ans auparavant. Néanmoins, la plus importante cause du déclin de l’université a été l’opération d’une fédération d’étudiants qui décidaient qui obtenait son diplôme et qui échouait, et qui punissaient les étudiants qui ne respectaient pas la ligne de conduite de l’ancien gouvernement.

En travaillant en étroite collaboration avec le gouvernement du président Outtara, le spécialiste principal en éducation de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire, Hamoud Abdel Wedoud, et le directeur des opérations de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire, Madani M. Tall, ont élaboré une stratégie sur dix ans pour l’enseignement supérieur qui place la « bonne gouvernance » au centre de sa vision générale. Le président du Groupe de la Banque mondiale, Jim Kim, pourra voir par lui-même les efforts similaires entrepris pour reconstruire le pays lorsqu’il arrivera demain à l’occasion de son premier voyage en Afrique depuis sa nomination.

Monsieur Kamil affirme que la bonne gouvernance signifie le respect des systèmes de gestion modernes qui valorisent la liberté d’expression tout en insistant sur la transparence des décisions financières, l’adoption de normes d’enseignement élevées, l’établissement de critères d’admissibilité stricts pour les étudiants, et un ensemble de valeurs et de règles destinées à encourager l’excellence chez les étudiants et la faculté. Le spécialiste de l’éducation, lui-même né en Mauritanie, affirme que les universités doivent également inclure des dirigeants d’entreprise et des employeurs au sein de leur conseil d’administration afin de veiller à ce que les professeurs enseignent aux étudiants des compétences qui sont pertinentes sur le marché de l’emploi d’aujourd’hui et non d’hier, et à ce qu’ils ne produisent pas des diplômés pour lesquels aucun débouché n’existe.

De retour sur le campus de l’université Félix Houphouët-Boigny, le président Outtara remet les clés du nouveau complexe, qui sont ornées de rubans oranges, blancs et verts, soit les couleurs du pays, et parle de ce que représente cette journée.

« C’est une journée extraordinaire pour nous et une journée extraordinaire pour moi aussi », déclare-t-il. « Cela me replonge dans le passé, en 1962, lorsque j’étais un jeune étudiant impressionnable aux États-Unis. J’étais grandement impressionné par la qualité de leur enseignement et leurs remarquables établissements et infrastructures. J’y ai vraiment beaucoup appris, et je me suis alors dit que nous devions avoir les mêmes normes et les mêmes établissements dans mon pays également. »

La réouverture aujourd’hui de cette université permet donc au gouvernement d’entamer la transformation de l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire tout en reléguant aux archives du pays les normes faibles et corrompues de l’éducation d’il y a deux ans et plus.

Le président aborde alors un sujet populaire avec les professeurs qui l’observent en déclarant : « Nous allons également vous verser des montants incitatifs pour favoriser ces normes plus élevées d’excellence. » Les professeurs se mettent alors spontanément à applaudir. Le président sait comment séduire cet auditoire.

Le président termine son discours en disant qu’en tant qu’économiste, il a toujours su que l’éducation est « le meilleur investissement que nous pouvons faire dans le développement de notre pays ». Il ajoute qu’il en est encore plus convaincu aujourd’hui en regardant la foule de personnes attentives et pleines d’espoir qui se trouvent sur la pelouse verte récemment plantée. « Nous avons besoin d’écoles et universités remarquables pour que notre remarquable pays puisse se bâtir un nouvel avenir où règne la paix. Je m’engage à fournir tous les moyens nécessaires pour que le secteur de l’éducation connaisse un véritable succès en Côte d’Ivoire. » L’université Félix Houphouët-Boigny est désormais ouverte.

Pour en savoir plus sur le travail de développement de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire, visitez l’adresse suivante : www.worldbank.org/cotedivoire


Auteurs

Phil Hay

Communication Adviser, Development Economics, World Bank

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