Cet automne, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) publiera son rapport spécial sur les enjeux d’un réchauffement planétaire de 1,5 °C. Cette publication tant attendue fournira pour la première fois au monde entier un état des lieux scientifique sur le rythme et l’ampleur de la réduction des émissions nécessaires pour empêcher un emballement du changement climatique. Le rapport du GIEC exposera les transformations systémiques qui sont indispensables pour éviter les conséquences de notre incapacité à limiter la pollution atmosphérique : élévation du niveau des mers, phénomènes météorologiques extrêmes, chocs sur les ressources alimentaires et en eau, recul des niveaux de vie...
Les villes font partie des systèmes qui doivent être transformés.
Les zones urbaines produisent actuellement 75 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) qui sont à l’origine des dérèglements climatiques, mais leur potentiel de réduction des émissions est immense. En outre, nombre des mesures susceptibles d’être déployées dans les villes pourraient générer des effets positifs considérables, allant de la création d’emplois à l’amélioration de la qualité de l’air.
C’est pourquoi il est particulièrement important que les villes durables figurent désormais dans les « programmes d’impact » du Fonds pour l’environnement mondial (FEM) (a). Ces programmes ciblent les systèmes qui ont aujourd’hui un rôle prépondérant dans la dégradation de l’environnement dans le monde et qui offrent par conséquent des possibilités d’amélioration conséquentes.
Le FEM soutient déjà des mesures permettant de « changer la donne » et susceptibles d’être déployées à grande échelle dans le cadre de sa Plateforme mondiale pour des villes durables (a). Ces investissements stratégiques dans des actions innovantes de lutte contre le changement climatique concernent actuellement 28 villes, dans 11 pays. Cette initiative est appelée à intégrer un plus grand nombre de villes sur la période couverte par le FEM-7 et à étendre ses ambitions, sous l’égide de divers accords multilatéraux sur l’environnement, notamment la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), la Convention sur la diversité biologique et la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification (CNULCD) (a).
L’Assemblée du FEM (a), qui s’est récemment tenue au Viet Nam, est venue souligner l’importance de ce nouvel engagement, avec l’organisation d’une table ronde de haut niveau destinée à mettre en lumière les données les plus récentes et les meilleures pratiques en matière de ville durable. L’événement, qui a réuni des dirigeants de gouvernements nationaux, régionaux et locaux, ainsi que des représentants d’institutions multilatérales, d’instituts de recherche et de réseaux de villes, était organisé par le réseau C40 (a), l’ICLEI (a) et le WRI Ross Centre for Cities (a), aux côtés de la Coalition for Urban Transitions (a), une nouvelle initiative majeure qui aide les pays à transformer leurs villes.
La table ronde a bénéficié des interventions de Maimunah Mohd Sharif, directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), de Bambang Brodjonegoro, ministre de la Planification du développement national de l’Indonésie, de représentants des autorités nationales de l’Inde, du Mexique, du Rwanda et de la Suisse, ainsi que des autorités municipales de La Paz (Bolivie) et de Porto Alegre (Brésil). Parmi les participants figuraient aussi des représentants d’institutions financières de premier plan, notamment Suma Chakrabarti, président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, et des dirigeants du Groupe de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement.
Les données sont unanimes : la sécurité environnementale et la réussite économique supposent nécessairement de rompre avec une trajectoire carbonée et non maîtrisée. Comme l’a souligné la table ronde, les villes ont souvent été des moteurs dynamiques de la productivité économique nationale, mais elles sont aujourd’hui l’une des principales sources d’émission de GES et de dégradation de l’environnement. De plus en plus engorgées et polluées, elles sont en outre confrontées à des inégalités extrêmes et à l’étalement urbain. Les infrastructures et les services essentiels peinent à répondre aux besoins d’une population urbaine qui s’accroît à un rythme sans précédent et à faire face aux chocs climatiques. Cette situation a également un impact délétère sur la biodiversité et les ressources naturelles essentielles à nos villes.
Si les villes suivaient une trajectoire de développement durable et économe en ressources, il en résulterait des opportunités considérables sur le plan du développement national et des économies locales. Le passage à des transports publics propres et à des véhicules au rendement énergétique amélioré, par exemple, pourrait créer jusqu’à 23 millions d’emplois supplémentaires (a) chaque année dans le monde, tout en améliorant la qualité de l’air, en réduisant les accidents de la circulation et les embouteillages. Les investissements dans le rendement énergétique des bâtiments permettaient, pour leur part, de créer jusqu’à 16 millions d’emplois supplémentaires chaque année à l’échelle mondiale, tout en réduisant les problèmes de santé et en améliorant la productivité des travailleurs.
Ce sont les autorités nationales qui disposent en grande partie des leviers d’action (a) nécessaires pour stimuler et soutenir des progrès systémiques et rapides, en particulier dans les petites agglomérations, dont les ressources et les capacités sont limitées. Il faut un cadre législatif et réglementaire national qui encourage le développement vert et l’investissement dans des entreprises non polluantes. Les autorités nationales peuvent également aider les acteurs locaux à aller plus loin et plus vite et à accélérer les progrès des plus lents. Il est en particulier indispensable d’engager les villes secondaires sur une trajectoire sobre en carbone, car elles seront, demain, à l’origine de l’essentiel des émissions et de la croissance démographique, alors qu’elles sont bien moins armées pour relever ces défis.
Mais même si des politiques nationales claires sont en place, il est souvent difficile de mobiliser les investissements dans une infrastructure urbaine durable : au niveau mondial, le manque de financements dépasse 1 000 milliards de dollars chaque année. Les budgets publics n’étant pas en mesure de combler ces besoins, il est urgent de mobiliser les financements privés (a) dans des projets d’infrastructure à faibles émissions de carbone. Comme l’a souligné le ministre indonésien Bambang Brodjonegoro, si l’on veut que les partenariats public-privés et d’autres stratégies de financement soient efficaces, il faut impérativement mettre en place des systèmes budgétaires robustes et de solides capacités techniques dans le secteur public.
La collaboration de tous les niveaux de gouvernement, des populations, des entreprises et de la société civile sera indispensable pour parvenir à engager les villes du monde entier sur une trajectoire fondamentalement plus durable et plus équitable. Le FEM est prêt à donner une impulsion majeure à ces partenariats dans le monde entier.
Auteurs de ce billet :
Ani Dasgupta (a)
Directeur mondial du WRI Ross Center For Sustainable Cities
Mark Watts (a)
Directeur exécutif du C40 Cities Climate Leadership Group et co-directeur mondial de la Coalition for Urban Transitions
Emani Kumar (a)
Secrétaire général adjoint de l’ICLEI et directeur exécutif de l’ICLEI-Asie du Sud
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