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Le rôle crucial de l’éducation dans le développement économique

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Une écolière lit un texte devant sa classe. Photo: © Steve Harris / Banque mondiale
Une écolière lit un texte devant sa classe. Photo: © Steve Harris / Banque mondiale


La Chine a accueilli du 17 au 19 mai la Conférence mondiale sur l’équité et l’excellence dans l’éducation de base (a). À cette occasion, la Banque mondiale s'est penchée sur les résultats spectaculaires de Shanghai, la ville hôte, aux tests internationaux visant à évaluer les performances des différents systèmes éducatifs. Il a également été question de la contribution des politiques à l’amélioration de la qualité de l’enseignement dans d’autres pays. Voir le diaporama (a), le communiqué de presse (a) et les principales conclusions (a).

« Donnez à un homme un poisson, et il aura à manger pour une journée ; apprenez à un homme à pêcher, et il aura à manger toute sa vie. » - Cette maxime est attribuée à Lao Tseu, un sage de la Chine ancienne qui serait l’auteur d’un texte majeur, le Tao Te King. Il est considéré comme le fondateur du taoïsme et vénéré en tant que dieu par les taoïstes, mais aussi dans d’autres religions chinoises traditionnelles.

Dans toute l’histoire de l’humanité, il n’y a jamais eu autant d’enfants à l’école qu’aujourd’hui. En 1950, la durée moyenne de la scolarité était de deux ans en Afrique ; elle est désormais supérieure à cinq ans. En Asie de l’Est/Pacifique, elle est passée de deux à sept ans entre 1950 et 2010, soit une hausse de plus de 200 % ! À l’échelle de la planète (a), elle devrait atteindre 10 ans d’ici 2050. En un siècle et demi, les chiffres de l’accès à l’éducation dans le monde auront donc plus que quintuplé.
 
Pourtant, 124 millions d’enfants et d’adolescents ne sont toujours pas scolarisés. À ceux-là s’ajoutent plus de 250 millions d’enfants qui ont été à l’école, parfois pendant plusieurs années, mais qui ne savent pas lire.

Or, l’éducation joue un rôle crucial dans le développement économique. Démonstration en cinq points.

L’éducation est un investissement

Dès l'Antiquité, Platon connaissait l’importance du savoir et de l’apprentissage. Il affirmait qu’un homme qui néglige l’éducation « traverse la vie d’un pas chancelant ».

Mais les premiers à avoir vraiment mis en avant l’éducation comme un investissement sont deux prix Nobel d’économie : T. W. Schultz (a) a montré qu’investir dans l’éducation favorise la croissance et nous devons à Gary Becker la théorie du capital humain (a).

En résumé, cette théorie pose comme principe que l’investissement dans l’éducation permet une meilleure rémunération pour un individu. Des études récentes ont permis d’étayer cette thèse et de vérifier certaines estimations empiriques, ainsi que l’explique James Heckman (a).

L’étude de la neurogénèse nous apprend que la capacité d’apprentissage ne disparaît pas avec le temps. En revanche, le ratio coûts/bénéfices n’est pas le même selon qu’une personne est jeune ou âgée. Par ailleurs, quel que soit l’âge, l’investissement est plus rentable quand il concerne des travailleurs qui ont déjà de bonnes capacités. Et ces capacités se développent surtout dans les premières années de la vie d’un individu (a).

L’éducation est rentable

En moyenne, une année d’études supplémentaire augmente les revenus d’une personne de 10 % par an (a). Il n’existe pas d’autre investissement aussi rentable :

Obligation du Trésor à court terme 1,4
Obligation du Trésor à long terme 5,3
Compte d’épargne 4,7
Logement 3,8
Actifs physiques 7,4

La valeur du capital humain, c’est-à-dire sa part dans la richesse totale, est de 62 % (a), soit quatre fois le capital acquis et quinze fois le capital à la naissance. À l’échelle de la planète, l’ensemble des acteurs (pouvoirs publics, secteur privé, ménages, individus) dépensent annuellement plus de 5 600 milliards de dollars pour l’éducation et la formation. Les pays consacrent 5 % de leur PIB à l’éducation, ou 20 % de leur budget national, et 5 % environ de la population active travaille dans ce secteur.

Par ailleurs, le rendement des études sur le marché du travail est en essor : il a augmenté de plus de 20 % en Afrique et de plus de 14 % en Asie de l’Est/Pacifique. Et il faut surtout signaler une évolution qui constitue la mutation majeure de notre époque : le taux de rendement des études supérieures est aujourd’hui le plus élevé.

Le marché du travail exige des compétences nouvelles

Cette évolution tient en partie à la course que se livrent technologie et éducation et qui résulte de l’adaptation des marchés à l’automatisation de la production. Dans ce monde nouveau, la compétitivité des travailleurs pâtit du manque d’efficacité des systèmes éducatifs dans la plupart des pays en développement. Le changement technologique et la concurrence au niveau mondial imposent à nombre de personnes de maîtriser certaines compétences et d’en acquérir de nouvelles.

Les pays peuvent être compétitifs, et prospérer

Pour être performant sur le marché du travail actuel, il faut investir tôt et dans les bonnes compétences (voir l’encadré ci-dessous). Surtout, les pays doivent investir de manière judicieuse, en s’attachant à promouvoir trois éléments essentiels (a) : l’autonomie, la responsabilisation et l’évaluation. Par ailleurs, il est nécessaire de prêter attention au corps enseignant, au développement des jeunes enfants et à la culture.

 
Comment être performant sur le marché du travail ? (Attention : toutes ces compétences ne s’acquièrent pas forcément dans un système éducatif traditionnel)
Investir dans les bonnes compétences :
  1. Capacités à trouver des solutions
  2. Capacités d’apprentissage
  3. Capacités de communication
  4. Capacités d’autonomie
  5. Capacités sociales
 
Il faut se concentrer sur les résultats

Les systèmes éducatifs performants préparent les enfants dès le plus jeune âge, évoluent sans cesse et mettent à profit les informations dont ils disposent pour permettre des améliorations et favoriser la responsabilisation des établissements. La transparence et la responsabilisation, qu’elle passe par des évaluations dont les enjeux sont importants (sanctions ou primes à la clé) ou pas, sont payantes. Le fait de responsabiliser les établissements et les enseignants par le recours à des tests est en effet une méthode qui offre un bon rapport coût-efficacité : « Même si le coût de la responsabilisation était dix fois supérieur, il ne représenterait encore que 1 % du budget de l’éducation publique », explique Caroline Hoxby (a).

Il faut développer les opportunités tout en veillant à l’équité

Les pays doivent améliorer la qualité de leur système éducatif, viser l’excellence et développer les opportunités en s’attachant à l’efficacité et à l’équité afin que les jeunes issus d’un milieu défavorisé puissent accéder aux études et obtenir des diplômes.

Si les rendements de l’éducation sont en moyenne élevés  ( Psacharopoulos et Patrinos, 2002 [a] ) , ils peuvent néanmoins se révéler variables ( Montenegro et Patrinos, 2014 [a]) . Il est donc impératif d’améliorer les informations accessibles et de renforcer les réseaux de soutien afin que les moins bons étudiants puissent terminer un cursus d’enseignement supérieur. Les familles et les élèves issus de milieux défavorisés en profiteront également, car, souvent, ils surestiment les bénéfices de l’éducation et ils en sous-estiment les coûts.

L’éducation est de toute évidence l’un des instruments les plus puissants pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, ainsi que pour jeter les bases d’une croissance économique solide. Il est grand temps d’investir davantage dans ce secteur.
 

Auteurs

Harry A. Patrinos

Responsable au sein du pôle mondial d'expertise en Éducation de la Banque mondiale

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