La région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) recèle des sites historiques et culturels qui sont parmi les plus importants du monde, de même que des paysages naturels à couper le souffle. Si l’on ajoute à ces atouts fantastiques une hospitalité et une richesse gastronomique dont la réputation n’est plus à faire, la région s’impose comme une destination idéale pour valoriser l’industrie du voyage et du tourisme, et exploiter ce potentiel au service du développement. Cependant, la région MENA est loin derrière d’autres régions du monde en ce qui concerne la place des femmes, leurs perspectives économiques, leur participation au marché du travail, etc. C’est pourquoi le tourisme peut représenter un levier puissant pour réduire les inégalités entre hommes et femmes dans la région. En ce qui concerne les taux de chômage, les écarts entre les sexes sont particulièrement criants en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où la situation économique est des plus sombres en raison de l’instabilité ambiante et où le conflit exacerbe les disparités hommes-femmes.
C’est, entre autres, pour remédier à ces difficultés que le pôle Commerce et compétitivité de la Banque mondiale a mis sur pied le projet du sentier d’Abraham, une route chargée d’histoire qui traverse la Turquie, la Jordanie et Israël, mais aussi, et plus particulièrement, la Cisjordanie. Au fil d’un millier de kilomètres, le sentier permet aux randonneurs de découvrir d’extraordinaires sites historiques, culturels, écologiques et sacrés, mais aussi de vivre une expérience inoubliable au plus près des populations locales. Le projet de la Banque mondiale a permis de rapprocher des communautés éparpillées tout au long du sentier d’Abraham en Cisjordanie, au travers de nombreuses interventions de formation et renforcement des capacités. Leur objectif : générer des emplois et des revenus à partir du tourisme, et améliorer les perspectives économiques pour les femmes.
Lancé en 2014, ce petit projet novateur a permis de créer 137 emplois, dont 57 % sont occupés par des femmes. Cependant, ses retombées positives ne concernent pas que l’emploi : à la suite des séances de formation, 60 % des personnes interrogées ont indiqué être davantage susceptibles d’intervenir pour régler des problèmes survenant dans leurs communautés ; 62 % se sont déclarées plus impliquées dans la résolution des conflits ; 60 % se sont activement engagées dans des campagnes de sensibilisation ; 73 % ont augmenté le temps consacré à des activités bénévoles. Par ailleurs, les femmes ont constaté qu’elles étaient davantage associées aux prises de décision dans des situations traditionnellement réservées aux hommes et, par conséquent, qu’elles se sentaient peu à peu plus autonomes. L’une des femmes ayant suivi les formations s’est exprimée ainsi : « Avant je n’osais pas. Maintenant je suis une représentante… Je participe aux réunions et aux décisions ».
Comme le démontre ce projet et bien d’autres, le tourisme contribue à l’émancipation des femmes. La Banque mondiale et d’autres organisations sont déjà convaincues que ce secteur d’activité est un outil de développement à la fois souple et puissant, comme le souligne la décision de l’ONU proclamant 2017 Année internationale du tourisme durable pour le développement. Par rapport à d’autres secteurs de l’économie, le tourisme offre aux femmes davantage de possibilités de s’intégrer au marché du travail, de créer des entreprises et d’exercer des fonctions à responsabilité.
Les avantages du tourisme pour les femmes
Entrepreneuriat : selon l’Organisation mondiale du tourisme de l’ONU (OMT), dans certains pays le nombre de femmes chefs d’entreprise est près de deux fois plus important dans le tourisme que dans d’autres secteurs. Au Nicaragua et au Panama, plus de 70 % des dirigeants d’entreprise dans l’activité touristique sont des femmes, contre à peine plus de 20 % dans d’autres secteurs.
Emploi : l’Organisation internationale du travail ou OIT a révélé que les femmes représentent entre 60 et 70 % de la main-d’œuvre dans le secteur de l’hôtellerie (avec cependant de fortes variations régionales). Une étude conduite en Bulgarie a montré que 71 % des responsables d’établissements touristiques sont des femmes, contre seulement 29 % dans le pays en général.
Leadership : les femmes ont plus de chances d'accéder à des postes de direction et d’encadrement dans le secteur touristique que dans d’autres domaines d’activité, selon un autre rapport de l’OMT.
D’autres pistes à explorer
Malgré ces avantages et les avancées dont bénéficient les femmes dans certaines régions, de fortes inégalités persistent. Pour les réduire, les questions de genre doivent être prises en compte dès le stade de conception des projets, comme ce fut le cas dans celui du sentier d’Abraham. Il ne suffit pas de ventiler les résultats des projets par sexe pour traiter les causes profondes des inégalités.
Dans son nouveau rapport, Women and Tourism: Designing for Inclusion, le Groupe de la Banque mondiale encourage les responsables de projet à intégrer systématiquement la question du genre à chaque étape du cycle de vie du projet. Ce rapport propose des recommandations et des listes de contrôle pour chacune des trois étapes clés d’un projet :
- l’analyse, qui permet de déceler les enjeux et les possibilités liées au tourisme et à l’égalité des sexes avant de concevoir les plans d’intervention ;
- les actions et les interventions conçues pour encourager et aider les femmes à sortir de leur rôle traditionnel et à accéder à des emplois mieux rémunérés dans le secteur du tourisme ;
- le suivi et l’évaluation des emplois occupés par des femmes, en termes qualitatifs et quantitatifs.
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